LES CHRONIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

LA POLITIQUE AMÉRICAINE FACE À LA MONTÉE DES PÉRILS 1933-1941

En 1929, la crise économique qui plonge les États-Unis et le reste du monde dans une profonde dépression pousse le gouvernement américain à placer au second plan sa politique étrangère. Franklin D. Roosevelt, président des États-Unis de 1933 à 1945, est d’ailleur élu lors de son premier mandat sur un programme de redressement économique : le New Deal. Alors que les crises internationales en Europe et en Asie se multiplient dans les années trente, les États-Unis affichent la volonté de se retirer des affaires du monde et s’orientent vers une politique isolationniste. Le président Roosevelt, qui se montrait favorable à l’interventionniste et aux idées Wilsoniennes dans les années 1920, se voit contraint de changer le discours sous la pression du Congrès et de l’opinion publique.

Cette vague d’isolationnisme qui déferle sur toute l’Amérique de 1933 à 1937 est favorisée par différents facteurs aussi bien économiques que politique ou idéologique. La période de Grande Dépression que connaît le pays pousse le gouvernement à se préoccuper en priorité des questions intérieures et des problèmes économiques, reléguant au second plan la politique étrangère. Les crises qui agitent le monde (L’invasion de la Manchourie par le Japon en 1931, l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933, et l’invasion de l’Éthiopie par l’Italie en 1935) inquiètent le peuple américains qui souhaite se tenir en dehors de toutes crise internationale.

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Franklin Roosevelt lors de sa campagne électorale pour les présidentielles, 1932.

Le bien-fondé de la participation des États-Unis à la première Guerre mondiale est fortement remis en question, notamment après les conclusions de l’enquête réalisée par la commission Nye en 1934 qui soulignent l’influence des banquiers et industriels américains sur le gouvernement en 1917. Si Roosevelt semble très soucieux de l’influence américaine à l’étranger, il doit s’incliner face à la prédominance de l’isolationnisme au Congrès et dans l’opinioin publique. D’une part, il met en place une politique de bon voisinage (Good Neighborning Policy) qu’il inaugure avec l’Amérique latine rompant ainsi avec la doctrine Monroe qui prévalait depuis 1823. Cette politique vise à réduire les interventions américaines, militaires ou diplomatiques dans les affaires intérieures des pays concernés.

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Actionnaires dans les rues lors du krach boursier, 25 octobre 1929

En 1933. Il signe la convention de Montevideo et renonce, de ce fait au droit d’ingérence unilatérale dans les affaires sud-américaines. En 1934, il fait abroger l’amandement Platt qui permettait à Washington d’intervenir à Cuba, abandonnant ainsi le protectoriat. Dans la même année, le Congrès vote la transition vers l’indépendance des Philipppines. Puis c’est le droit d’intervention au Panama qui est aboli en 1936. D’autre part, le Congrès maintient les États-Unis dans une posture de neutralité par l’intermédiaire d’une série de lois empêchant d’approvisionner les pays belligérants en fournitures militaires et différents produits. Dès avril 1934, le Johnson Act interdit l’émission sur le territoire américain de tout emprunt en faveur du pays n’ayant pas honoré leurs dettes. Le 31 août 1935, la loi sur la neutralité des États-Unis est signée. Afin d’éviter toute implication dans un conflit, elle interdit, pour une durée de six mois, la livraison d’armes à des pays belligérants, ne faisant aucune distinction entre l’agresseur et l’agressé.

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Le président Roosevelt encerclé par des agences du New Deal, caricature de C. Berryman, 1935

Cette loi est reconduite le 29 février 1936 avec davantage de restrictions, comme l’interdiction de prêts aux pays en guerre. Elle est appliquée pendant la guerre. Elle est appliquée pendant la guerre italo-éthiopienne et la guerre civile en Espagne. Le président Roosevelt déplore le fait que ces lois pénalisent les états agressés et limitent son action politique. Le 1er mai 1937, la clause Cash and Carry (payé et emporté) autorise finalement les clients à venir chercher eux-même les marchandises en les payants comptants et à prendre en charge leur transport. Par ailleurs, Roosevelt propose la participation des États-Unis au Tribunal permanent de justice internationale, mais le Sénat, pourtant majoritairement démocrate, refuse de s’y engager.

La volonté de Roosevelt

Entre 1937 et 1939, Roosevelt montre une attitude ambiguë face à l’isolationisme du Congrès. Il maintient les États-Unis dans la neutralité. Mais il ne cache pas, à travers ses discours, sa volonté de venir en aide aux pays démocratiques. En juillet 1937, le Japon déploie une offensive militaire en Chine, s’empare de Pékin et étend sa domination sur de larges territoires. L’Allemagne, alors aux mains d’Hitler, avait quant à elle, débuté son réarmement en 1935 et remilitarisé la Rhénanie en 1936. Dans son discours à Chicago, le 5 octobre 1937, Roosevelt se prononce donc en faveur de la mise en quarantaine, commerciale et diplomatique, des fauteurs de troubles internationaux par effort commun des nations pacifiques.

Cependant les isolationistes américains résistent et aucun engagement concret n’est pris dans ce sens. La politique d’apaisement persiste, même lorsque les avions japonais coulent la canonnière américaine Panay en décembre 1937, peu après le massacre de Nankin en Chine. Après la Nuit de Cristal, le 9 novembre 1938, qui marque une radicalisation de l’antisimitisme en Allemagne, le président américain fait officiellement part de son indignation. Il rappelle son ambassadeur à Berlin sans pour autant fermer la représentation diplomatique en Allemagne. Alors que la conférence de Munich de septembre 1938 semble conforter la politique expansionniste et agressive allemande, Roosevelt souhaite préparer son pays militairement.

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Manifestation antihitlérienne à New-York, février 1939

En janvier 1939, il demande donc des crédits supplémentaires pour augmenter les effectifs de l’armée de terre et développer l’aviation. Sur le plan diplomatique, Roosevelt tente de jouer un rôle de médiateur et de raisonner les dirigeants européens. Le 15 avril 1939, après l’anextion de Memel et de l’Albanie, il écrit à Hitler et Mussolini pour leur demander l’assurance qu’ils arrêteront les agressions dans l’est de l’Europe. De même il lance un appel le 24 août aux Allemands et aux Polonais afin d’arriver à un accord. Enfin durant l’été 1939, il écrit à Molotov pour le convaincre de poursuivre positivement les négociations avec la France et l’Angleterre. Cette action diplomatique ne rencontrant quasiment aucun écho, Roosevelt entame alors une correspondance secrète avec Winston Churchill afin de déterminer le soutien américain au Royaume-Uni. Dès le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Roosevelt réclame au Congrès la levée de l’ambargo sur les armes et les munitions afin de venir en aide aux pays alliés. Il obtient gain de cause et le 4 novembre 1939 avec l’abrogation automatique, la clause Cash and Carry s’appliquant désormais aux armements et munitions.

En novembre 1940, Roosevelt entame son troisième mandat, confronté par ce succès, le président américain s’investit davantage dans le champ de la politique étrangère tandis que le Congrès se ravise progressivement en faveur d’une aide aux pays attaqués. Harry Opkins, devenu conseiller diplomatique en chef en temps de guerre, trouve des solutions innovantes pour soutenir le Royaume-Uni. De son côté Roosevelt entretient d’excellentes relations avec Churchill qui est devenu Premier ministre en mai 1940. L’Allemagne ayant envahi la France, le Danemark, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg au printemps 1940, le Royaume-Uni se trouve en situation d’isolement, Roosevelt promeut deux chefs républicains : Henri L. Stimson comme secrétaire de guerre et Frank Knox comme secrétaire de la Marine, tous deux partisans de l’intervention. Des groupes de pressions se constituent pour susciter un mouvement en faveur de la France et de l’Angleterre. C’est le cas du Comitte to Defend America by Aiding the Allies (le comité White) créé en juin 1940. La chute de Paris a finalement un effet décisif sur l’opinion américaine qui se détourne alors peu à peu de l’isolationisme.

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Harry LIoyd Hopkins

En août 1940, Roosevelt viole volontairement l’acte de neutralité américaine en signant l’accord Destroyers for Bases. En échange de la possibilité d’établir des bases navales ou aériennes dans les possessions territoriales britanniques, les États-Unis fournissent 50 destroyers au Royaume-Uni. En septembre il demande au Congrès de mettre en place une conscription de troupes. Pour la première fois de l’histoire américaine, ce dernier vote un service militaire obligatoire en temps de paix. Au mois d’octobre, le total des crédits affectés au réarmement s’élève à plus de 17 milliards de dollards.

À l’occasion d’une conférence de presse le 17 décembre 1940, Roosevelt annonce publiquement sa volonté de participer à l’effort de guerre des pays amis en leur fournissant du matériel de défense : Nous devons devenir le grand arsenal de la démocratie. Pour ce faire, il met en place le programme Lend Lease (prêts-bails). La loi est finalement signée le 11 mars 1941 et autorise le président à aider le gouvernement de tous pays dont il jugera la défense vitale pour celles des États-Unis. Cette aide économique et matérelle dont bénéficie prioritairement l’Angleterre, le prêts-bails sera également accordé à la Russie en juillet 1941, constitue un appui inestimable et quasiment gratuit pour ces pays. Ces aides, qui devaient éviter le coût d’un conflit aux États-Unis, s’élèveront finalement à plus de 50 milliards de dollards depuis leur création jusqu’à la fin de la guerre.

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Conférence de l’Atlantique : Franklin Roosevelt et Winston Churchill lors de leur rencontre sur le croiseur USS Augusta, le 14 août 1941

En septembre 1940, le Japon profite de la défaite française pour envahir le nord de l’Indochine et signe un accord tripartite avec l’Allemagne et l’Italie. Washington accorde officiellement son soutien à la Chine en lui octroyant un prêts-bails en mai 1941. Parallèlement les États-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas décrètent l’ambargo complet sur le pétrole, l’acier et la ferraille, ainsi que le gel des capitaux japonais déposés sur le sol américain. Le Japon ne cède pas et continue de durcir sa ligne de conduite en refusant de se retire de l’Indochine. En juillet 1941, Roosevelt nationalise les forces militaires philippines et nomme le général Douglas MacArthur commandant en chef des forces armées américaines en Extrème-Orient. Les relations avec le Japon sont alors profondément détériorées. En août 1941, alors que l’Europe est en pleine guerre, Roosevelt et Churchill se rencontrent à bord d’un navire de guerre au large de Terre-Neuve lors de la conférence de l’Atlantique. Ils signent le 14 août une charte qui prévoit les caractères fondamentaux du monde d’après-guerre et une politique internationale nouvelle permettant d’assurer la paix et la sécurité collective. Roosevelt engage ainsi son pays dans une vaste alliance avec les démocraties.

Sous prétexte de défendre le continent américain, le président envoie 4000 Marines en Islande afin d’empêcher une invasion allemande. D’autre part, en réponse à un tir émis par un sous-marin allemand sur un navire américain, Roosevelt décide que la flotte de guerre escortera tous convois marchands dans les eaux territoriales des États-Unis. De plus, les navires de guerre et l’aviation américaine reçoivent l’ordre d’attaquer les sous-marins et navires de l’Axe surpris dans ces eaux. Le 7 décembre 1941, les forces japonaises attaquent la plus grande base navale américaine à Pearl Harbor. Les bombardements causent de lourdes pertes humaines et matérielles aux forces navales : on compte plus de 2400 tués et près de 1200 blessés, 8 cuirassés, 3 croiseurs, 3 destroyers et 4 autres navires sont coulés ou mis hors d’usage; plus de 130 avions sont détruit. Dès le lendemain le président Roosevelt convoque le Congrès qui déclare la guerre au Japon. Par le jeu des alliances, l’Allemagne et l’Italie déclarent  en retour la guerre aux États-Unis, le 11 décembre 1941.

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Le général Douglas MacArthur pendant la Seconde Guerre mondiale

Dès le 20 décembre, Roosevelt fait voter une loi sur la conscription élargissant la mobilisation à tous Américains entre 20 et 44 ans. Le soutient diplomatique et le système d’aide aux pays démocratiques (consacré par le programme Lend Lease) n’ont pas permit aux Américains d’éviter un conflit militaire. Après le choc causé par la violente attaque de Pearl Harbor, Roosevelt se voit souteneu par la nation tout entière pour engager son pays dans une guerre devenue mondiale. L’isolationnisme américain a vécu et une tout nouvelle politique internationale va voir le jour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

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F. Roosevelt s’adresse au Congrès le 8 décembre 1941

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Des Marines apprennent l’attaque japonaise sur Pearl Harbor le 7 décembre 1941

 

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Bateaux américains détruits pendant l’attaque japonaise de Pearl Harbor, 7 décembre 1941


04/01/2014
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LA CAMPAGNE DE SYRIE UNE BLESSURE MORALE

Moins connus que les succès militaires des FFL à Bir Hakeim en 1942, les combats de la campagne de Syrie, entre mai et juin 1941, virent affronter, non sans déchirement, des Français vichystes du Levant contre leurs compatriotes qui avaient choisi de suivre le général de Gaulle dans son combat pour la France libre.

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Le général Dentz, haut commissaire et commandant supérieur des troupes françaises du Levant, avec son état-major, juin 1941

La campagne de Syrie, ou opération Exporter, voit l’invasion pour les Alliés de la Syrie et du Liban, alors sous contrôle du gouvernement de Vichy. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la Société des Nations avait en effet confié aux Français un mandat au Levant afin de conduire progressivement la Syrie et le Liban vers l’Indépendance. Au printemps 1941, les raisons de cette campagne qui va plonger ces territoires dans la guerre sont multiples. Le général Dentz, nommé haut-commissaire en Syrie après s’être rallié au maréchal Pétain, est chargé de maintenir l’ordre et l’intégrité de ces territoires. De son côté, le général de Gaulle voit dans ces terres un vivier d’hommes susceptibles de rejoindre les premiers éléments des forces de la France libre qu’il commence à constituer. Si les Britanniques semblent initialement hésitants quant à une telle opération, la situation irakienne, où une révolte contre l’autorité anglaise est soutenue par les Allemands, fini par les décider. Surtout, ils voient dans l’autorisation donnée par le général Dentz aux Allemands de ravitailler leurs avions à l’aérodrome d’Alep le signe d’une collaboration active et militaire. Après avoir prit connaissance du projet de l’amiral Darlan, alors chef du gouvernement, de permettre l’utilisation de bases aériennes et navales, et la livraison de matériel de guerre à l’armée allemande, les Britanniques décident d’une opération militaire en Syrie.

L’invasion du Levant français est menée sous le commandement britannique du général Wilson, avec les troupes alliées britanniques, indiennes, australiennes et françaises. La 1re division légère de la France libre, qui compte 5 400 hommes, se rassemble en Palestine, au camp de Kastina, sous les ordres du général Legentilhomme. Elle est constituée de militaires et de civils engagés après l’armistice de 1940, de Légionnaires et de troupes coloniales d’Afrique du Nord et de l’Afrique noire qui ont suivi leurs officiers. L’opération est lancé le 8 juin 1941 : la 7e division australienne se dirige le long de la côte Saint-Jean-d’Acre vers Beyrouth soutenue par les tirs de la Royal Navy, tandis que la 1re division FFL et la 5e brigade indienne pénètrent en Syrie en direction de Damas. Le général Dentz solicite l’intervention de l’aviation allemande, avant de se rétracter. La Luftwaffe intervient finalement entre le 15 juin et le 8 juillet, mais hors de la zone de combat terrestre, infligeant des dommages aux forces navales britanniques. Au cours de combat fratricides, les soldats des FFL doivent affronter d’autres français Vichystes, comme à Kissoueh pour la prise de Jebel Maani.

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Des soldats australiens devant des Morane-Saulnier MS.406 français sur l'aérodrome d'Alep en juin 1941.

Dès le 15 juin, Dentz organise une contre-offensive qui, sans parvenir à faire évoluer la situation causes de nombreuses pertes aux deux camps. À partir du 17, et à la fin d’une campagne ratée en Lybie, de nouvelles forces sont engagées du côté des alliés. Les Gaullistes et les Britanniques entrent finalement à Damas le 21 juin, mais Dentz refusant le cessez-le-feu, les affrontentements se poursuivent jusqu’au 12 juillet. Après 23 jours de combats, les pertes humaines sont importantes : 4 700 morts ou blessés parmi les soldats du Commonwealth, 156 tués chez les Français libres et 1066 chez les soldats de l’armée du levant. L’armistice est signé à Saint-Jean-d’Acre le 14 juillet, remettant aux Britanniques le mandat sur les pays du Levant. Le général Catroux représentant de la France libre, n’est pas autorisé à signer. Dentz refusant de traiter avec les gaullistes. les Français de Syrie ont désormais la possibilité de se rallier à la cause alliée ou d’être rapatriés en France. 6000 d’entre eux font le choix de s’enrôler dans les Forces françaises libres, tandis que la grande majorité préfère rejoindre la métropole.

Cette opération au Levant est l’illustration tragique de cette période des années 1940-1941 où deux France se sont opposées. Le dilemme des officiers a atteint son paroxysme dans la campagne de Syrie. Pour Dentz, désobéir à Vichy en refusant le combat signifiait la rupture de l’armistice et donc le risque d’invasion de la zone libre et de la mainmise des Allemands sur l’Afrique du Nord. Pour De Gaulle, cette opération était nécessaire pour rallier l’armée du Levant forte de 37 000 hommes à son combat pour la France libre. Animé d’un grand sens du devoir, mais nourrissant des convictions opposées et s’accusant mutuellement de trahison, ces hommes ont été jusqu’au bout de leur engagement.


01/01/2014
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LA PRESSE COLLABORATIONNISTE PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Après la défaite de 1940, il devient essentiel de rallier les Français à la nécessité d’une collaboration avec l’Allemagne. Pour le régime de Vichy, cette adhésion est inhérente à l’encadrement de la société et passe par la maîtrise des sources d’information.

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Journal Gringoire 10 juillet 1942

Le décret du 26 juillet 1936 institue un Commissariat général de l’Information, chargé de contrôler les médiats et mobiliser l’opignion publique contre l’Allemagne. Le 1er avril 1940, cet organe d’État devient le Secrétariat d’État de l’Information et de la Propagande, et dépent du ministère de l’Information. Sa fonction est de faire accepter aux Français la défaite, et les conséquences bénéfiques de celle-ci, à travers trois médias : le cinéma, la radio, mais aussi la presse écrite.

Le contrôle des informations diffusées passe par l’Office français d’information (OFI) : le 10 octobre 1941, Pierre Domique, directeur de l’OFI, revient sur ses objectifs : il s’agit en deux mots, de substituer à la presse de type capitaliste et libéral une presse qui ressemble aux presses allemandes et italiennes, c'est-à-dire, qui, sans être positivement une presse d’État, soit toujours à la disposition de l’État. Les thèmes de la propagande sont élaborés dans un bureau d’étude, dirigé par Paul Marion et dépendant du Secrétariat d’État de l’Information et de la Propagande. Avec quatre grands services : la presse, la propagande, la radio et le cinéma. Face à cette politique de propagande en faveur de l’Allemagne, les journaux adoptèrent trois attitudes : soit ils se sabordent (Le Canard enchainé, l’Intransigeant, Le Populaire), soit ils se réfugient en zone libre, essentiellement à Lyon-Paris-Soir, Le Figaro), soit ils collaborent (Je suis partout, Le Matin) : ce sont ces journaux qui vont incarner ce que l’historiographie appelle la presse collaborationniste.

 

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Marcel Déat au congrès national du Rassemblement national populaire à la Mutualité, novembre 1942

La moitié des journaux de la presse collaborationniste en zone occupée, la zone Nord sont subventionnés par les éditions Le Pont, créées par l’ambassade d’Allemagne elle-même dérigée par Otto Abetz qui dirige la Propaganda Staffel, spécialisée dans la censure. Les journaux s’insérant dans une visée collaborationniste traitent tous dans les mêmes thèmes le bénéfice de la présence germanique sur le territoire, la haine des Juifs, des Anglais et des bolchéviks, ainsi que le redressement d’une France malade par le régime de Vichy. La collaboration de certaines sources d’informations n’a pas commencé en 1940 dans les années qui précèdent la guerre Otto Abetz développe en effet des relations avec Le Matin, créé en 1883 et racheté par Maurice Bunau-Varilla. Dans un rapport du diplomate américain Bullit à son gouvernement, on apprend que de mai à novembre 1938, l’Allemagne aurait jeté 350 millions en pâture à la presse française. Le journal Gringoire approuve les accords de Munich, puis la présence des Allemands sur le territoire, ainsi que la révolution nationale de Pétain.

Le Matin se tourne de son côté vers l’Allemagne. L’édition du 11 novembre 1941 porte le titre : Ce qu’Hitler a réussi en huit ans. L’ambassade d’Allemagne finance la plus part des organes de presse sous l’Occupation, comme Les Nouveaux Temps créé par Jean Luchaire, germanophile convaincu, en 1940. L’institut d’étude des questions juives, créé pendant la guerre, publie un grand illustré de la race intitulé Revivre : le premier numéro parait en mars 1943. La presse collaborationniste à ses figures de proue comme Alphonse de Châteaubriand, qui fonde la Gerbe en juillet 1940, Marcel Déat chef du Rassemblement national populaire, soutient l’œuvre, Louis Ferdinand Céline écrit pour l’Appel, Jacques Doriot, chef du Partie Populaire Français, soutient Le Franciste, l’organe de presse du parti franciste, et fonde Le Cri du Peuple en octobre 1940.

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Otto Abetz Ambassadeur du IIIe Reich à Paris, 1943

Je suis partout qui paraît le 29 novembre 1930, dont Robert Brasillach est le rédacteur en chef à partir de 1937, est le titre le plus lu de la presse collaborationniste. En 1932, le journal plébiscite Mussolini, puis soutient la phalange espagnole et la garde de fer roumaine. Marqué par le front populaire; il appelle plusieurs fois à fusiller Blum. En 1936-1937, Je suis partout se rapproche du nazisme, avec la parution de deux numéros spéciaux : Le Juifs en 1938 et Les Juifs en France en 1939, Brasillach allant jusqu’à déclarer le 25 septembre 1942 : Il faut se séparer des Juifs en bloc et ne pas garder les petits. Les courants du journal vont du nationalisme de Maurras au socialisme populiste d’Édouard Drumont, l’auteur de La France juive, qui décrit le juif comme mercantile, intriguant, subtil, rusé, et l’aryen comme enthousiaste, héroïque, chevaleresque, désinteressé, franc, confiant. En 1943, Pierre-Antoine Cousteau prend la tête de l’ebdomadaire : à partir de cette période, le quotidien affiche une sympathie de plus en plus marquée pour l’occupant, allant même jusqu’à accueillir les troupes des Waffen SS dans ses locaux. L’action française, dirigé par Charles Maurras, parait pour la première fois le 21 mars 1908 et a pour devise Tout ce qui est national est nôtre. Bien que très hostile à l’Allemagne. L’Action française apporte son soutien aux accords de Munich en 1938. Après la défaite, elle soutient le régime de Vichy en qui elle voit le meilleur garant de l’unité nationale et pourfend les résistants qu’elle qualifie de dissidents, puis de terroristes, appelant à une répression sévère à leur encontre.

La presse collaborationniste et la jeunesse

La jeunesse n’est pas obliée par la presse collaborationniste : les deux organes principaux sont O lo lê, journal breton qui parait de novembre 1940 à mai 1944, et surtout Le Téméraire, qui parait pour la première fois le 15 avril 1943, avec en sous titre Journal de la jeunesse moderne. Les objectifs de cette publication sont variés en premier lieu, il s’agit de nourrir la haine des bouc-émissaires, les Juifs, bolcheviks et anglais, et en second lieu, de former des jeunesses hitlériennes à la française. Le journal délivre des bulletins d’information sur les jeunesses hitlériennes. Dans l’un de ceux-ci on peut lire Sait-on qu’à l’étranger, en Allemagne il existe des Écoles de jeunes Chefs, où l’on s’est donné pour idéal de former de véritables chevaliers.

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Grande réunion publique organisée par l’équipe de Je suis partout à la salle Wagram Paris, avril 1943

Face à cette presse collaborationniste une partie de la population se tourne vers la presse spécialisée (sport, magasines féminins) Franc-tireur, Combat ou Libération). La Presse du Nord est largement avantagée comparée à celle du Sud en juin 1943, elle détient 65% des quantités de papier journal octroyées, et à la fin de l’occupation 75%. Plus de 60% des titres de zone sud disparaissaient en 1943, contre 32% des titres zone nord. Malgré un relatif rétablissement de la circulation entre les zones en mars 1943, les journaux du sud passent rearement la zone de démarcation. De plus, à partir de 1943, les services de la censure allemande s’installent en zone sud.

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Discourt de Jean Luchaire à la Mutualité, Paris avril 1943

Le 31 mai 1944 le service des éditions de l’ambassade d’Allemagne contrôle directement La France socialiste, Aujourd’hui, Les Nouveaux Temps, L’œuvre, Le Matin, ainsi que quatorze hebdomadaires, dix bimensuels et trois grands illustrés. Le débarquement allié ne diminue pas l’influence de la presse collaborationniste : d’avril à juin 1944, les tirages de certains titres de cette obédience atteignent leur point culminant. Ainsi, Je suis partout se vend 220 000 exemplaires le 1er mai 1944! La presse collaborationniste disparait de deux manières : certains journaux choississent d’arrêter volontairement la publication après le débarquement allié, comme La Gerbe, Le Téméraire, ou encore Le Cri du peuple. D’autres comme Le Matin et Je suis partout voient leurs sorts réglementés par la loi no 46-994 du 11 mai 1946, qui porte sur le transfert et la dévolution de biens et d’éléments d’actif d’entreprises ayant publié pendant l’Occupation. À la Libération, les journaux collaborationnistes sont fermés, leurs locaux mis sous scellés, et leur matériel saisi.


31/12/2013
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L’INTERNEMENT DES TSIGANES EN FRANCE DE 1939 À 1945

Le sort réservé aux Tsiganes présents sur le territoire français pendant la Seconde Guerre mondiale resta longtemps méconnu. Les travaux les plus récents des historiens montrent que la situation de cette population varie selon les zones de la France occupée.

 

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Familles Tsiganes au camp de Rivesaltes 1941-1942

L’internement administratif est une procédure aujourd’hui bien connue : il fut un instrument de répression ou de persécution utilisé par les gouvernants successifs, de la IIIe République finissante au début de la IVe République, tant sous des régimes démocatiques que sous l’États français autoritaire de Vichy et dans la France occupée par les Allemands. Massif, le phénomène toucha quelques 600 000 personnes entre 1939 et 1946. On sait que les politiques, communistes en tête, comptèrent parmi les victimes de cette mesure qui visait des personnes  non pour ce qu’elles avaient commis mais pour le danger potentiel qu’elles représentaient pour l’État où la société. On sait que les Juifs furent massivement internés et qu’à partir de 1942,  les camps d’internement furent insérés dans le processus de la Solution finale. On évoque depuis moins longtemps les ressortissants allemands et autrichiens internés à la déclaration de la guerre ou les républicains espagnols qui en février 1939, franchirent la forntière par centaine de milliers.

On sait moins que les Tsiganes furent aussi les victimes de cette mesure administrative. Or, leur internement pose des questions singulières. Pourquoi furent-ils visés? Doit-on chercher les causes de cet internement dans le court terme ou une stigmentation de long terme? La politique fut-elle identique dans la France occupée et dans celle de Vichy. Furent-ils touchés par la déportation comme le furent les Juifs.

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Familles Tsiganes au camp de Rivesaltes 1941-1942

La stigmentation des Tsiganes n’est pas nouvelle

Pour comprendre leur sort, il faut considérer un double héritage, côté français et côté allemand, Les décennies précédant la guerre avaient été marquées, en France, par une forme de radicalisation. À ce titre, l’année 1912 constitue une étape majeure. Une loi impose aux nomades qui entrent en France de justifier de leur identité. À chaque famille est attribué un carnet anthtopométrique à présenter quand elle arrive dans une commune. Dans une période où la carte d’identité n’existait pas encore, cette loi s’inscrit dans un double contexte : la montée des périls et la perspective de la guerre activaient le stéréotype du Tsigane espion dont il fallait contrôler les déplacements tandis, que la une des gazettes au début du siècle entretenait la représentation du Tsigane voleur. La question se reposa dans les mêmes termes quand se déclencha la Seconde Guerre mondiale. Le gouvernement limita dès septembre 1939 la circulation des nomades; le décret du 6 avril 1940 l’interdit sur l’ensemble du territoire national pour la durée de la guerre. Ils étaient assignés à résidence. On peut s’étonner que le gouvernement n’ait pas eu d’emblée recours à l’internement administratif. Il y eu bien débats et l’argumentaire du ministre de l’Intérieur est symptomatique : J’estime que la réunion des nomades en sorte de camp de concentration présentrait en général ce double inconvénient très sérieux de favoriser le regroupement des bandes que mes services ont eu parfois le plus grand mal à dissocier, et de soulever de délicats problèmes de logement, de ravitaillement, de garde, qui ne pourraient être résolus sans entraîner des dépenses importantes et nécessiter le renforcement des services de surveillance.

Comme du côté français, la politique allemande envers les nomades s’inscrivait dans la longue durée. Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, la lutte contre le fléau tsigane était une priorité de l’administration allemande. En 1926, sous la république de Weimar, la commission de la police criminelle mettait au point une convention des Länder Allemands sur la lutte contre le fléau tsigane. Après l’arrivé au pouvoir d’Hitler, la répression visant les Tsiganes fut initiée par les autorités locales, puis relayée et amplifiée durant les années de radicalisation et de centralisation de la répression en 1938 et 1939.

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Camp de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loiret) photographié du haut d’un mirador, 1944

Un internement massif imposé par les Allemands

On ne s’étonnera donc pas que l’occupant ait ordonné dès le 4 octobre 1940 l’internement systématique des nomades en zone nord. Si l’on se réfère à la population nomade présente alors en France très difficile à estimer, elle fut avec les Juifs proportionellement la plus touchée par cette mesure. L’internement des nomades décidé par les Alemands présente un double caractéristique : il s’inscrit dans une logique d’exclusion dont les tenants idéologiques sont anciens et fut délégué aux autorités françaises qui à bien des endroits firent du zèle. Cela vint donc très vite. Le commandement militaire allemand (Militärbefehslhaber in Frankreich MBF) commença par ordonner l’expultion de tout les indésirables de la côte atlantique, Juifs nomades et ressortissants britanniques furent ainsi exclus d’une zone considérée comme militairement stratégique, Baucoups se trouvèrent bientôt internés. Ensuite l’exercice de professions ambulantes furent interdit dans 21 départements du grand ouest. Dans le même temps, le MBF ordonnait l’internement de tous les nomades présent en zone occupée, en exigeant que les camps soient surveillés par des policiers français. Le MBF tenait en effet à impliquer les autorités françaises dans ce genre d’action.

Comment réagirent les autorités françaises? Le choix de la collaboration était aussi le choix sujétion. Les préfets qui relevaient officiellement du ministère de l’Intérieur à Vichy et, dans les faits, d’une double tutelle, française et allemande, furent donc à la manœuvre, avec efficacité voire avec zèle. Certains en profitèrent pour mettre à l’écart toutes les populations jugées marginales. C’est ainsi que des centaines de vagabonds se retrouvèrent internés. Dans les camps, les conditions de vie des nomades furent souvent dramatiques. Il en allait ainsi de l’insuffisance de nourriture et du manque d’hygiène.

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Carnet anthropométrique

Le ravitaillement était d’autant plus difficile qu’il n’y existait pratiquement aucune œuvre d’assistance pour pallier les insuffisances de l’administration. Au contrôle policier s’ajoutait le contrôle social : les archives abondent de témoignages montrant combien la solidarité de la population environnante était limitée. C’est sans doute la catégorie pour laquelle la compassion fut la plus faible. Ceux qui s’évadaient étaient souvent ramenés au camp par la population locale. L’internement fut donc dur et il fut massif. On ne dispose pas de statistiques qui permettent de rapporter le nombre d’internés à la population globale de référence. On sait cependant qu'ils furent environ 2000 internés à l’automne 1940. Sur l’ensemble de l’Occupation, quelque 3000 hommes, femmes et enfants connurent les camps français d’internement par décision allemande, quelques semaines pour certains, plusieurs années pour la plupart.

Vichy reste en retrait

Vichy mena une politique toute différente de ce qu’on pouvait en attendre. La logique d’exclusion qui prévalait en zone non occupée au nom de la lutte contre ceux que Pétain appelait les forces de l’anti-France visait avant tout les Juifs, communistes et franc-maçons; rien ne justifiait, aux yeux des nouveaux gouvernants français, d’y assocoier les Tsiganes. En fait Vichy s’inscrivit dans la continuité de la IIIe République finissante. C’est toujours le décret du 6 avril 1940 qui fut invoqué pour justifier la sédantarisation des nomades par l’assignation à résidence. On n’alla guère au-delà, sauf quand la pression extérieure imposa un choix qui, toujours, fut celui de la mise à l’écart. Les Tsiganes ne furent donc que quelques centaines à connaître les barbelés des camps si nombreux en zone Sud. Leur provenance est symptomatique : Pour l’essentiel il s’agissait d’expulsés d’Alsace-Moselle, donc des territoires annexés de fait au Reich, envoyés vers la France de Vichy pour la plupart au second semestre 1940, bien qu’on trouve encore trace d’expulsion jusqu’en 1943.

Ils se retrouvèrent pour la majorité dans le camp de Riversaltes (Pyrénées-Orientale) où Juifs et Espagnols étaient de loin les plus nombreux, En 1942, on les transféra dans les Bouches-du-Rhône, à Saliers, seul camp spécifiquement tsigane qui exista en zone Sud. Ce transfert fut décidé à l’initiative d’un organisme Officiel, le Service social des Étrangers, et plus spécialement de son chef Gilbert Lesage, qui menait en parallèle une action clendestine, évidemment sans l’accord de Vichy. Dans l’esprit de celui qui, bien après la guerre, fut reconnue Juste parmi les Nations par Yad Vashem, il s’agissait de protéger ces Tsiganes d’une éventuelle déportation.

Ainsi l’internement des nomades en zone Sud resta marginal, lié à des circonstances exceptionnelles tandis qu’en zone Nord, il fut massif et la conséquence d’une décision allemande, même si les préfets et les autorités locales, comme la population, se satisfirent d’être ainsi débarrassés des populations jugées indésirables.

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Carnet anthropométrique d’identité pour les nomades et fiche de signalement

Les Tsigane en France un sort à part

Sans doute parce que le sort des Tsiganes fut longtemps négligé par les historiens et ignoré par la mémoire collective, on ne se posa longtemps la question ni de leur sort dans la France des années noires ni de leur destinée. La figure de la victime juive, structurant la mémoire collective depuis la fin des années 1970, on raisonna par assimilation. L’ouvrage que Donald Kenrick et Grattan Puxon consacrèrent en 1972 au sort des Tsiganes d’Europe fit longtemps référence. Ils y affirmaient que 30 000 Tsiganes avaient été internés en France, et une grande partie déportée en Allemagne où près de 16 000 à 18 000 étaient morts. Dix ans plus tard, Martin Gilbert, historien reconnu reprenait ces chiffres dans l’Atlas de la Shoah qu’il publiait alors. Il n’évoqait plus à cette occasion la source que citaient les premiers, à savoir la publication d’un œuvre d’assistance qui ne s’appuyait, quant à elle, sur aucun fondement scientifique.

Puisqu’à ce jour les historiens français ayant dépouillé toutes les archives diaponibles annoncent entre 3000 et 5000 internés, on mesure d’amblée l’empleur de l’erreur. On a aujourd’hui fait le point sur les transferts et déportations en Allemagne. Une centaine d’internés partirent travailler en Allemagne, soit comme volontaires, soit contraints. Il est en outre établi que le 15 janvier 1944, un convoi de 351 Tsiganes partit du camp de Malines, le Drancy de Belgique. Douze seulement revinrent de la déportation. À l’automne 1943, une rafle était organisée dans le ressort du commandement militaire de Bruxelles, soit en Belgique et, pour la France, dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais. Sur les 351 déportés, on comptait 145 Français, 121 Belges. Ces chiffres sont confirmés par le registre de Birkenau publié conjointement par le musée d’Auschwitz et le centre de Heidelberg.

 

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Stationnement de nomades à La Lande-Chasles (Maine-et-Loiret)

Le grand historien allemand du génocide des Tsigane d’Europe. Michael Zimmermann, a retrouvé l’ordre d’Himmler qui présida à cette rafle. Pourquoi cette action fut-elle isolée en Belgique et plus encore, pourquoi le commandement militaire de Paris ou les services de police et de la SS d’Oberg n’ont-ils pas pris de mesure comparable en France occupée? La question reste ouverte. Toute origines confondues on sait que 23 000 tsiganes furent déportés à Birkenau, ils provenaient pour l’essentiel d’Allemagne et d’Autriche (63%) et de Bohême-Moravie (22%). Plus de la moitié moururent, soit 12 000. Dans la dernière phase, entre le 15 avril et le 2 août 1944, quelques 4300 déportés jugés aptes au travail furent transférés à Ravensbrück, Buchenwald ou Flossenbürg.

Le 2 août, les nazis liquidèrent le camp BIIe de Birkenau : 3000 hommes, femmes et enfants furent gazés. Si l’on tient compte des milliers de Tsiganes gazés à Chelmno, de ceux qui furent massacrés par les Einsatzgruppen de l’armée régulière allemande (que l’enquête systématique du père Patrick Desbois est en traint de mettre en évidence), mais aussi des victimes de tel ou tel gouvernement fantoche ou allié, on peut situer le nombre de Tsiganes exterminés en Europe entre 50 000 et 80 000.

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Camp internement de Poitiers

Par bien des aspects, la persécution nazie contre les Tsiganes s’apparentait à la persécution des Juifs : le même racisme biologique nourrissait le rejet et l’exclusion; les mêmes lois sur la protection du sang allemand stigmatisaient les uns et les autres. Pour autant, le processus ne fut pas du même ordre, sans doute pace que le Tsigane n’avait pas la fonction structurante du Juif dans l’interprétation du monde donnée par les nazis. Le Juif ne représentait pas seulement un danger pour la pureté de la race, c’était un danger politique et idéologique majeur car dans la Weltanschaung des nazis, il dominait le monde. C’est à l’aune de cette percpection de l’autre et du monde qu’il faut comprendre le sort des Tsiganes de France. Là sur l’initiative de l’occupant allemand, ils furent massivement internés. On avança des impératifs militaires, mais les stéréotypes racistes sont évidents. Les conditions dans ces camps furent particulièrement difficiles, d’autant que les nomades ne pouvaient compter sur la solidarité de la population.

Les stéréotypes eurent d’ailleurs la vie longue puisque, après la Libération, une bonne partie des nomades resta encore internée un ou deux ans. C’est dans la continuité de ces mécanismes de rejet et d’exclusion qu’il faut trouver la leçon principale de ce drame. C’est cette longue marginalisation des Tsiganes qui explique l’obltération de leur sort dans la mémoire collective.

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École dans le camp de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loiret)

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Familles Tsiganes au camp de Rivesaltes, 1941-1942

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Albert et Catherine Scheid internés au camp de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loiret)

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31/12/2013
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LA MONTÉE EN PUISSANCE DE L’IMPÉRIALISME NIPPON

Le 7 décembre 1941, le Japon bombarde la flotte américaine à Pearl Harbor. Cette attaque surprise s’inscrit dans le cadre d’une expension politique menée tout au long des années trente, qui voit la construction d’un véritable empire nippon.

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Exécition de francs-tireurs après la prise de Nankin en 1938

Le terme de guerre de quinze ans est utilisé au Japon pour décrire le conflit dans lequel s’est engagé le pays à partir de l’invasion de la Manchourie, en 1931, jusqu’à sa défaite en 1945. De fait, les opérations japonaises ont débuté sur terre bien avant que débute le conflit européen ou la guerre du Pacifique. Les origines de l’expensionisme nippon des années trente sont anciennes. En 1895, après une première victoire rapide contre la Chine, le Japon obtient l’île de Formose (Taïwan) et les Pescadores. En 1905, il sort victorieux du conflit militaire avec la Russie, qui lui cède la Corée. Cette dernière est finalement annexée en 1910. L’ère Taisho (1912-1925) poursuit cette tendance avec l’obtention de la province chinoise de Shandong par le traité de Versailles, en juin 1919.

Toutefois, les puissances occidentales, et particulièrement les États-Unis, s’inquiètent de la montée de l’impérialisme nippon. En 1922, la conférence de Washington, qui vise à limiter les armements maritimes dans une perspective pacifiste, entend lui donner un coup d’arrêt : le Shandong est rendu à la Chine. La première période de l’ère Showa, entre 1926 et 1945, intensifie malgré tout cette politique. L’expansionnisme japonais se fonde d’abord sur une idéologie politique cohérente. À partir des années trente, la doctrine dite Hakko ichi’u est réactualisée. Elle promeut la domination de l’Asie orientale par le Japon, et sera officiellement adoptée par le gouvernement en 1940. La supériorité de la race nipponne est affirmée tandis qu’un nationalisme exacerbé et un culte accentué de l’empereur se forgent progressivement. La mainmise des militaires sur la vie politique est consommée en 1932 par l’assassinat du Premier ministre Tsuyoshi Inukai. Cette politique agressive atteint son point culminant durant la guerre sainte (Seisen) contre la Chine, de 1937 à 1945, puis contre l’occident.

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Soldats japonais en position dans les ruines à Chapei, Shanghaï en 1937

En effet dès 1931, la Manchourie est devenue un objectif de conquête pour l’armée impériale japonaise. Les divisions internes de la Chine (entre communistes et nationalistes, entre région et gouvernement central) et sa politique pacifiste facilitent les ambitions nippones. Après l’attentat du 18 septembre 1931 contre une voie ferrée appartenant à une société japonaise (planifié par des officiers japonais), plus connu sous l’appellation de l’incident de Mukden, le Japon envahi toute la Manchourie. Rapidement conquise, cette région devient le Manchoukouo et ce protectora japonais est confié à l’empereur de Chine déchu, Pu-Yi. Première d’une longue série qui conduit à la guerre, La crise de la Manchourie révèle également l’incapacité de la Société des Nations. Fondée sur l’utilisation de la force armée la politique impérialiste menée par les Japonais viole le droit international mais ne provoquera pas de réaction des puissances occidentales avant 1940.

En janvier 1932, des moines bouddhistes japonais sont malmenés à Shanghai. Cet incident devient un nouveau prétexte pour une opération militaire : la bataille de Shanghai. Après avoir positionné des navires de guerre et des avions autour de la ville, l’aviation japonaise bombarde la cité dans la nuit du 28 janvier tandis que des fantassins s’attaquent à diverses cibles. Les combats s’intensifient jusqu’au début du mois de mars, À l’issue des affrontements et après la signature d’un cessez-le-feu le 5 mai, la ville devient une zone démilitarisée selon un accord très favorable à la Chine. En 1933, un traité de paix instaure une seconde zone démilitarisée de Tianjin à Pékin.

Puis en 1935, la province chinoise du Hebei proclame son autonomie et se rapproche du Japon, qui place finalement la région sous tutelle. L’invasion de la Chine continentale est autorisée par l’empereur Hiro-Hito au mois de juillet 1937. Après l’annextion déguisée de la Manchourie, les Japonais provoquent à nouveau un incident pour justifier une agression contre le gouvernement chinois. La ville de Pékin est occupée après qu’une garnison ait pris à partie des soldats nippons. Des opérations militaires s’étendent bientôt sur tout le pay et les Japonais prennent successivement Shangai, Nankin où ils se livrent à un terrible massacre, puis Wuhan au printemps 1939.

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Occupation de la Manchourie par les troupes japonaise  en 1932

Après les succès japonais, l’armée chinoise nationaliste de Chang-Kaï-check réorganise sa défense, et parvient à établir une résistance solide malgré les méthodes de guerre extrêmement violentes des Japonais. En 1940, les gouvernements collaborationnistes, constitués à Pékin et à Nankin fusionnent pour former le gouvernement fantoche de la République de Chine.

Après le déclenchement de la guerre contre la Chine, l’expantionnisme japonais se renforce encore. Dès 1937, l’opération Lys d’or entend rassembler les richesses pillées dans les territoires conquis. Officialisée en 1940, la Spère de coprospérité de la grande Asie orientale doit assurer l’autosuffisance des pays asiatiques et permettre la fin des échanges avec les Occidentaux. Son but premier est en fait l’expansion coloniale de l’Empire japonais qui regroupe ainsi tous les territoires contrôlés par son armée au fur et à mesure de ses conquêtes. L’Agence de développement de l’Asie Orientale est créée : elle promeut l’exploitation des territoires conquis où vont se développer les travaux forcés et se banaliser les pillages. Derrière des thèmes anti-occidentaux comme l’Asie aux Asiatiques, cette institution vise principalement à accroître l’expansion japonaise, en ogmentant ses moyens économiques et militaires. Ce sont désormais les possessions coloniales des Européens entrés en guerre qui sont visées. Enfin de prendre à revers les forces nationalistes chinoises toujours actives, le Japon souhaite maintenir ses troupes en Indochine française. Les Japonais profitent de l’offensive allemande au printemps 1940 pour envahir le nord de l’Indochine. Si le gouvernement de Vichy cède d’abord l’accès aux bases militaires du Tonkin en septembre 1940, les pourparlers sont brutalement interrompus par l’occupation de Lang Son et de Dong Dang. Durant le bombardement de Haiphong, ce sont 800 militaires français qui vont trouver la mort.

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Fouille dans les décombres après le bombardement de la ligne Canton-Hankou

De plus les affrontements entre la France et la Thaïlande constituent un contexte favorable aux ambitions nippones. Le Japon se pose comme arbitre et se range du côté de la Thaïlande qui devient alors l’alliée militaire de l’empire japonais. En juillet 1941, Vichy cède finalement au Japon le droit d’occuper toute l’Indochine qui entre dans la sphère de coprospérité de la grande Asie orientale. Concernant l’opinion internationale, les États-Unis, qui persistent encore à rester à l’écart du conflit généralisé en Europe décident de durcir leurs positions face à cette expansionnisme japonais marqué par une impitoyable brutalité. Au mois de mai 1941, le président américain Roosevelt accorde officiellement son soutien à la Chine en guerre par l’octroi d’un prê-bail. Cette aide matérielle et économique, dont bénéficie déjà l’Angleterre, permet aux États-Unis d’apporter leur soutien aux pays amis sans s’engager de façon directe et active dans le conflit. De plus Roosevelt impose, conjointement avec le Royaume-Uni, un embargo pétrolier aux Japonais. Cette pression américaine ne parvient cependant pas à faire céder le Japon qui refuse obstinément de se retirer d’Indochine. Depuis septembre 1940, l’empereur nippon est l’allié de l’Allemagne et de l’Italie avec lesquels il forme l'Axe Rome-Berlin-Tokyo. Les tensions avec les États-Unis s’aggravant progressivement, la guerre contre les Alliés, de virtuelle, va devenir réelle. Une agression contre les États-Unis paraît nécessaire aux militarismes japonais pour poursuivre la conquête chinoise qui demeure son but principal. Subissant l’ambargo pétrolier, Hiro-Hito autorise finalement l’offensive contre les Américains. Le 7 décembre 1941, l’aviation nippone attaque la flotte américaine à Pearl Harbor, impliquant les  Étas-Unis dans le conflit mondial. Seule la défaite militaire du pays, en 1945, mettra un terme à l’expansionnisme japonais.


31/12/2013
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