LES CHRONIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

LA PRESSE COLLABORATIONNISTE PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Après la défaite de 1940, il devient essentiel de rallier les Français à la nécessité d’une collaboration avec l’Allemagne. Pour le régime de Vichy, cette adhésion est inhérente à l’encadrement de la société et passe par la maîtrise des sources d’information.

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Journal Gringoire 10 juillet 1942

Le décret du 26 juillet 1936 institue un Commissariat général de l’Information, chargé de contrôler les médiats et mobiliser l’opignion publique contre l’Allemagne. Le 1er avril 1940, cet organe d’État devient le Secrétariat d’État de l’Information et de la Propagande, et dépent du ministère de l’Information. Sa fonction est de faire accepter aux Français la défaite, et les conséquences bénéfiques de celle-ci, à travers trois médias : le cinéma, la radio, mais aussi la presse écrite.

Le contrôle des informations diffusées passe par l’Office français d’information (OFI) : le 10 octobre 1941, Pierre Domique, directeur de l’OFI, revient sur ses objectifs : il s’agit en deux mots, de substituer à la presse de type capitaliste et libéral une presse qui ressemble aux presses allemandes et italiennes, c'est-à-dire, qui, sans être positivement une presse d’État, soit toujours à la disposition de l’État. Les thèmes de la propagande sont élaborés dans un bureau d’étude, dirigé par Paul Marion et dépendant du Secrétariat d’État de l’Information et de la Propagande. Avec quatre grands services : la presse, la propagande, la radio et le cinéma. Face à cette politique de propagande en faveur de l’Allemagne, les journaux adoptèrent trois attitudes : soit ils se sabordent (Le Canard enchainé, l’Intransigeant, Le Populaire), soit ils se réfugient en zone libre, essentiellement à Lyon-Paris-Soir, Le Figaro), soit ils collaborent (Je suis partout, Le Matin) : ce sont ces journaux qui vont incarner ce que l’historiographie appelle la presse collaborationniste.

 

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Marcel Déat au congrès national du Rassemblement national populaire à la Mutualité, novembre 1942

La moitié des journaux de la presse collaborationniste en zone occupée, la zone Nord sont subventionnés par les éditions Le Pont, créées par l’ambassade d’Allemagne elle-même dérigée par Otto Abetz qui dirige la Propaganda Staffel, spécialisée dans la censure. Les journaux s’insérant dans une visée collaborationniste traitent tous dans les mêmes thèmes le bénéfice de la présence germanique sur le territoire, la haine des Juifs, des Anglais et des bolchéviks, ainsi que le redressement d’une France malade par le régime de Vichy. La collaboration de certaines sources d’informations n’a pas commencé en 1940 dans les années qui précèdent la guerre Otto Abetz développe en effet des relations avec Le Matin, créé en 1883 et racheté par Maurice Bunau-Varilla. Dans un rapport du diplomate américain Bullit à son gouvernement, on apprend que de mai à novembre 1938, l’Allemagne aurait jeté 350 millions en pâture à la presse française. Le journal Gringoire approuve les accords de Munich, puis la présence des Allemands sur le territoire, ainsi que la révolution nationale de Pétain.

Le Matin se tourne de son côté vers l’Allemagne. L’édition du 11 novembre 1941 porte le titre : Ce qu’Hitler a réussi en huit ans. L’ambassade d’Allemagne finance la plus part des organes de presse sous l’Occupation, comme Les Nouveaux Temps créé par Jean Luchaire, germanophile convaincu, en 1940. L’institut d’étude des questions juives, créé pendant la guerre, publie un grand illustré de la race intitulé Revivre : le premier numéro parait en mars 1943. La presse collaborationniste à ses figures de proue comme Alphonse de Châteaubriand, qui fonde la Gerbe en juillet 1940, Marcel Déat chef du Rassemblement national populaire, soutient l’œuvre, Louis Ferdinand Céline écrit pour l’Appel, Jacques Doriot, chef du Partie Populaire Français, soutient Le Franciste, l’organe de presse du parti franciste, et fonde Le Cri du Peuple en octobre 1940.

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Otto Abetz Ambassadeur du IIIe Reich à Paris, 1943

Je suis partout qui paraît le 29 novembre 1930, dont Robert Brasillach est le rédacteur en chef à partir de 1937, est le titre le plus lu de la presse collaborationniste. En 1932, le journal plébiscite Mussolini, puis soutient la phalange espagnole et la garde de fer roumaine. Marqué par le front populaire; il appelle plusieurs fois à fusiller Blum. En 1936-1937, Je suis partout se rapproche du nazisme, avec la parution de deux numéros spéciaux : Le Juifs en 1938 et Les Juifs en France en 1939, Brasillach allant jusqu’à déclarer le 25 septembre 1942 : Il faut se séparer des Juifs en bloc et ne pas garder les petits. Les courants du journal vont du nationalisme de Maurras au socialisme populiste d’Édouard Drumont, l’auteur de La France juive, qui décrit le juif comme mercantile, intriguant, subtil, rusé, et l’aryen comme enthousiaste, héroïque, chevaleresque, désinteressé, franc, confiant. En 1943, Pierre-Antoine Cousteau prend la tête de l’ebdomadaire : à partir de cette période, le quotidien affiche une sympathie de plus en plus marquée pour l’occupant, allant même jusqu’à accueillir les troupes des Waffen SS dans ses locaux. L’action française, dirigé par Charles Maurras, parait pour la première fois le 21 mars 1908 et a pour devise Tout ce qui est national est nôtre. Bien que très hostile à l’Allemagne. L’Action française apporte son soutien aux accords de Munich en 1938. Après la défaite, elle soutient le régime de Vichy en qui elle voit le meilleur garant de l’unité nationale et pourfend les résistants qu’elle qualifie de dissidents, puis de terroristes, appelant à une répression sévère à leur encontre.

La presse collaborationniste et la jeunesse

La jeunesse n’est pas obliée par la presse collaborationniste : les deux organes principaux sont O lo lê, journal breton qui parait de novembre 1940 à mai 1944, et surtout Le Téméraire, qui parait pour la première fois le 15 avril 1943, avec en sous titre Journal de la jeunesse moderne. Les objectifs de cette publication sont variés en premier lieu, il s’agit de nourrir la haine des bouc-émissaires, les Juifs, bolcheviks et anglais, et en second lieu, de former des jeunesses hitlériennes à la française. Le journal délivre des bulletins d’information sur les jeunesses hitlériennes. Dans l’un de ceux-ci on peut lire Sait-on qu’à l’étranger, en Allemagne il existe des Écoles de jeunes Chefs, où l’on s’est donné pour idéal de former de véritables chevaliers.

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Grande réunion publique organisée par l’équipe de Je suis partout à la salle Wagram Paris, avril 1943

Face à cette presse collaborationniste une partie de la population se tourne vers la presse spécialisée (sport, magasines féminins) Franc-tireur, Combat ou Libération). La Presse du Nord est largement avantagée comparée à celle du Sud en juin 1943, elle détient 65% des quantités de papier journal octroyées, et à la fin de l’occupation 75%. Plus de 60% des titres de zone sud disparaissaient en 1943, contre 32% des titres zone nord. Malgré un relatif rétablissement de la circulation entre les zones en mars 1943, les journaux du sud passent rearement la zone de démarcation. De plus, à partir de 1943, les services de la censure allemande s’installent en zone sud.

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Discourt de Jean Luchaire à la Mutualité, Paris avril 1943

Le 31 mai 1944 le service des éditions de l’ambassade d’Allemagne contrôle directement La France socialiste, Aujourd’hui, Les Nouveaux Temps, L’œuvre, Le Matin, ainsi que quatorze hebdomadaires, dix bimensuels et trois grands illustrés. Le débarquement allié ne diminue pas l’influence de la presse collaborationniste : d’avril à juin 1944, les tirages de certains titres de cette obédience atteignent leur point culminant. Ainsi, Je suis partout se vend 220 000 exemplaires le 1er mai 1944! La presse collaborationniste disparait de deux manières : certains journaux choississent d’arrêter volontairement la publication après le débarquement allié, comme La Gerbe, Le Téméraire, ou encore Le Cri du peuple. D’autres comme Le Matin et Je suis partout voient leurs sorts réglementés par la loi no 46-994 du 11 mai 1946, qui porte sur le transfert et la dévolution de biens et d’éléments d’actif d’entreprises ayant publié pendant l’Occupation. À la Libération, les journaux collaborationnistes sont fermés, leurs locaux mis sous scellés, et leur matériel saisi.



31/12/2013
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