LES CHRONIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

LA POLITIQUE AMÉRICAINE FACE À LA MONTÉE DES PÉRILS 1933-1941

En 1929, la crise économique qui plonge les États-Unis et le reste du monde dans une profonde dépression pousse le gouvernement américain à placer au second plan sa politique étrangère. Franklin D. Roosevelt, président des États-Unis de 1933 à 1945, est d’ailleur élu lors de son premier mandat sur un programme de redressement économique : le New Deal. Alors que les crises internationales en Europe et en Asie se multiplient dans les années trente, les États-Unis affichent la volonté de se retirer des affaires du monde et s’orientent vers une politique isolationniste. Le président Roosevelt, qui se montrait favorable à l’interventionniste et aux idées Wilsoniennes dans les années 1920, se voit contraint de changer le discours sous la pression du Congrès et de l’opinion publique.

Cette vague d’isolationnisme qui déferle sur toute l’Amérique de 1933 à 1937 est favorisée par différents facteurs aussi bien économiques que politique ou idéologique. La période de Grande Dépression que connaît le pays pousse le gouvernement à se préoccuper en priorité des questions intérieures et des problèmes économiques, reléguant au second plan la politique étrangère. Les crises qui agitent le monde (L’invasion de la Manchourie par le Japon en 1931, l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933, et l’invasion de l’Éthiopie par l’Italie en 1935) inquiètent le peuple américains qui souhaite se tenir en dehors de toutes crise internationale.

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Franklin Roosevelt lors de sa campagne électorale pour les présidentielles, 1932.

Le bien-fondé de la participation des États-Unis à la première Guerre mondiale est fortement remis en question, notamment après les conclusions de l’enquête réalisée par la commission Nye en 1934 qui soulignent l’influence des banquiers et industriels américains sur le gouvernement en 1917. Si Roosevelt semble très soucieux de l’influence américaine à l’étranger, il doit s’incliner face à la prédominance de l’isolationnisme au Congrès et dans l’opinioin publique. D’une part, il met en place une politique de bon voisinage (Good Neighborning Policy) qu’il inaugure avec l’Amérique latine rompant ainsi avec la doctrine Monroe qui prévalait depuis 1823. Cette politique vise à réduire les interventions américaines, militaires ou diplomatiques dans les affaires intérieures des pays concernés.

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Actionnaires dans les rues lors du krach boursier, 25 octobre 1929

En 1933. Il signe la convention de Montevideo et renonce, de ce fait au droit d’ingérence unilatérale dans les affaires sud-américaines. En 1934, il fait abroger l’amandement Platt qui permettait à Washington d’intervenir à Cuba, abandonnant ainsi le protectoriat. Dans la même année, le Congrès vote la transition vers l’indépendance des Philipppines. Puis c’est le droit d’intervention au Panama qui est aboli en 1936. D’autre part, le Congrès maintient les États-Unis dans une posture de neutralité par l’intermédiaire d’une série de lois empêchant d’approvisionner les pays belligérants en fournitures militaires et différents produits. Dès avril 1934, le Johnson Act interdit l’émission sur le territoire américain de tout emprunt en faveur du pays n’ayant pas honoré leurs dettes. Le 31 août 1935, la loi sur la neutralité des États-Unis est signée. Afin d’éviter toute implication dans un conflit, elle interdit, pour une durée de six mois, la livraison d’armes à des pays belligérants, ne faisant aucune distinction entre l’agresseur et l’agressé.

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Le président Roosevelt encerclé par des agences du New Deal, caricature de C. Berryman, 1935

Cette loi est reconduite le 29 février 1936 avec davantage de restrictions, comme l’interdiction de prêts aux pays en guerre. Elle est appliquée pendant la guerre. Elle est appliquée pendant la guerre italo-éthiopienne et la guerre civile en Espagne. Le président Roosevelt déplore le fait que ces lois pénalisent les états agressés et limitent son action politique. Le 1er mai 1937, la clause Cash and Carry (payé et emporté) autorise finalement les clients à venir chercher eux-même les marchandises en les payants comptants et à prendre en charge leur transport. Par ailleurs, Roosevelt propose la participation des États-Unis au Tribunal permanent de justice internationale, mais le Sénat, pourtant majoritairement démocrate, refuse de s’y engager.

La volonté de Roosevelt

Entre 1937 et 1939, Roosevelt montre une attitude ambiguë face à l’isolationisme du Congrès. Il maintient les États-Unis dans la neutralité. Mais il ne cache pas, à travers ses discours, sa volonté de venir en aide aux pays démocratiques. En juillet 1937, le Japon déploie une offensive militaire en Chine, s’empare de Pékin et étend sa domination sur de larges territoires. L’Allemagne, alors aux mains d’Hitler, avait quant à elle, débuté son réarmement en 1935 et remilitarisé la Rhénanie en 1936. Dans son discours à Chicago, le 5 octobre 1937, Roosevelt se prononce donc en faveur de la mise en quarantaine, commerciale et diplomatique, des fauteurs de troubles internationaux par effort commun des nations pacifiques.

Cependant les isolationistes américains résistent et aucun engagement concret n’est pris dans ce sens. La politique d’apaisement persiste, même lorsque les avions japonais coulent la canonnière américaine Panay en décembre 1937, peu après le massacre de Nankin en Chine. Après la Nuit de Cristal, le 9 novembre 1938, qui marque une radicalisation de l’antisimitisme en Allemagne, le président américain fait officiellement part de son indignation. Il rappelle son ambassadeur à Berlin sans pour autant fermer la représentation diplomatique en Allemagne. Alors que la conférence de Munich de septembre 1938 semble conforter la politique expansionniste et agressive allemande, Roosevelt souhaite préparer son pays militairement.

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Manifestation antihitlérienne à New-York, février 1939

En janvier 1939, il demande donc des crédits supplémentaires pour augmenter les effectifs de l’armée de terre et développer l’aviation. Sur le plan diplomatique, Roosevelt tente de jouer un rôle de médiateur et de raisonner les dirigeants européens. Le 15 avril 1939, après l’anextion de Memel et de l’Albanie, il écrit à Hitler et Mussolini pour leur demander l’assurance qu’ils arrêteront les agressions dans l’est de l’Europe. De même il lance un appel le 24 août aux Allemands et aux Polonais afin d’arriver à un accord. Enfin durant l’été 1939, il écrit à Molotov pour le convaincre de poursuivre positivement les négociations avec la France et l’Angleterre. Cette action diplomatique ne rencontrant quasiment aucun écho, Roosevelt entame alors une correspondance secrète avec Winston Churchill afin de déterminer le soutien américain au Royaume-Uni. Dès le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Roosevelt réclame au Congrès la levée de l’ambargo sur les armes et les munitions afin de venir en aide aux pays alliés. Il obtient gain de cause et le 4 novembre 1939 avec l’abrogation automatique, la clause Cash and Carry s’appliquant désormais aux armements et munitions.

En novembre 1940, Roosevelt entame son troisième mandat, confronté par ce succès, le président américain s’investit davantage dans le champ de la politique étrangère tandis que le Congrès se ravise progressivement en faveur d’une aide aux pays attaqués. Harry Opkins, devenu conseiller diplomatique en chef en temps de guerre, trouve des solutions innovantes pour soutenir le Royaume-Uni. De son côté Roosevelt entretient d’excellentes relations avec Churchill qui est devenu Premier ministre en mai 1940. L’Allemagne ayant envahi la France, le Danemark, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg au printemps 1940, le Royaume-Uni se trouve en situation d’isolement, Roosevelt promeut deux chefs républicains : Henri L. Stimson comme secrétaire de guerre et Frank Knox comme secrétaire de la Marine, tous deux partisans de l’intervention. Des groupes de pressions se constituent pour susciter un mouvement en faveur de la France et de l’Angleterre. C’est le cas du Comitte to Defend America by Aiding the Allies (le comité White) créé en juin 1940. La chute de Paris a finalement un effet décisif sur l’opinion américaine qui se détourne alors peu à peu de l’isolationisme.

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Harry LIoyd Hopkins

En août 1940, Roosevelt viole volontairement l’acte de neutralité américaine en signant l’accord Destroyers for Bases. En échange de la possibilité d’établir des bases navales ou aériennes dans les possessions territoriales britanniques, les États-Unis fournissent 50 destroyers au Royaume-Uni. En septembre il demande au Congrès de mettre en place une conscription de troupes. Pour la première fois de l’histoire américaine, ce dernier vote un service militaire obligatoire en temps de paix. Au mois d’octobre, le total des crédits affectés au réarmement s’élève à plus de 17 milliards de dollards.

À l’occasion d’une conférence de presse le 17 décembre 1940, Roosevelt annonce publiquement sa volonté de participer à l’effort de guerre des pays amis en leur fournissant du matériel de défense : Nous devons devenir le grand arsenal de la démocratie. Pour ce faire, il met en place le programme Lend Lease (prêts-bails). La loi est finalement signée le 11 mars 1941 et autorise le président à aider le gouvernement de tous pays dont il jugera la défense vitale pour celles des États-Unis. Cette aide économique et matérelle dont bénéficie prioritairement l’Angleterre, le prêts-bails sera également accordé à la Russie en juillet 1941, constitue un appui inestimable et quasiment gratuit pour ces pays. Ces aides, qui devaient éviter le coût d’un conflit aux États-Unis, s’élèveront finalement à plus de 50 milliards de dollards depuis leur création jusqu’à la fin de la guerre.

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Conférence de l’Atlantique : Franklin Roosevelt et Winston Churchill lors de leur rencontre sur le croiseur USS Augusta, le 14 août 1941

En septembre 1940, le Japon profite de la défaite française pour envahir le nord de l’Indochine et signe un accord tripartite avec l’Allemagne et l’Italie. Washington accorde officiellement son soutien à la Chine en lui octroyant un prêts-bails en mai 1941. Parallèlement les États-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas décrètent l’ambargo complet sur le pétrole, l’acier et la ferraille, ainsi que le gel des capitaux japonais déposés sur le sol américain. Le Japon ne cède pas et continue de durcir sa ligne de conduite en refusant de se retire de l’Indochine. En juillet 1941, Roosevelt nationalise les forces militaires philippines et nomme le général Douglas MacArthur commandant en chef des forces armées américaines en Extrème-Orient. Les relations avec le Japon sont alors profondément détériorées. En août 1941, alors que l’Europe est en pleine guerre, Roosevelt et Churchill se rencontrent à bord d’un navire de guerre au large de Terre-Neuve lors de la conférence de l’Atlantique. Ils signent le 14 août une charte qui prévoit les caractères fondamentaux du monde d’après-guerre et une politique internationale nouvelle permettant d’assurer la paix et la sécurité collective. Roosevelt engage ainsi son pays dans une vaste alliance avec les démocraties.

Sous prétexte de défendre le continent américain, le président envoie 4000 Marines en Islande afin d’empêcher une invasion allemande. D’autre part, en réponse à un tir émis par un sous-marin allemand sur un navire américain, Roosevelt décide que la flotte de guerre escortera tous convois marchands dans les eaux territoriales des États-Unis. De plus, les navires de guerre et l’aviation américaine reçoivent l’ordre d’attaquer les sous-marins et navires de l’Axe surpris dans ces eaux. Le 7 décembre 1941, les forces japonaises attaquent la plus grande base navale américaine à Pearl Harbor. Les bombardements causent de lourdes pertes humaines et matérielles aux forces navales : on compte plus de 2400 tués et près de 1200 blessés, 8 cuirassés, 3 croiseurs, 3 destroyers et 4 autres navires sont coulés ou mis hors d’usage; plus de 130 avions sont détruit. Dès le lendemain le président Roosevelt convoque le Congrès qui déclare la guerre au Japon. Par le jeu des alliances, l’Allemagne et l’Italie déclarent  en retour la guerre aux États-Unis, le 11 décembre 1941.

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Le général Douglas MacArthur pendant la Seconde Guerre mondiale

Dès le 20 décembre, Roosevelt fait voter une loi sur la conscription élargissant la mobilisation à tous Américains entre 20 et 44 ans. Le soutient diplomatique et le système d’aide aux pays démocratiques (consacré par le programme Lend Lease) n’ont pas permit aux Américains d’éviter un conflit militaire. Après le choc causé par la violente attaque de Pearl Harbor, Roosevelt se voit souteneu par la nation tout entière pour engager son pays dans une guerre devenue mondiale. L’isolationnisme américain a vécu et une tout nouvelle politique internationale va voir le jour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

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F. Roosevelt s’adresse au Congrès le 8 décembre 1941

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Des Marines apprennent l’attaque japonaise sur Pearl Harbor le 7 décembre 1941

 

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Bateaux américains détruits pendant l’attaque japonaise de Pearl Harbor, 7 décembre 1941



04/01/2014
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