LES CHRONIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

CHRONIQUES


LES SPORTIFS JUIFS À L’ÉPREUVE DU NAZISME

Contrairement aux préjugés antisémites, les Juifs ont massivement intégré le mouvement sportif dès la fin du XIXe siècle et se sont illustrés dans les grandes compétitions. Exclus dès les premiers mois par le régime nazi, ils ont pour une grande majorité d’entre eux disparu dans la Shoah. Des réalités qui sont au cœur de l’exposition présentée au Mémorial de la Shoah à Paris.

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Congrès sportif à Nuremberg, Allemagne, 1930

Dès la fin du XIXe siècle, la pratique sportive se démocratise et se diffuse en Europe à toutes les sphères des sociétés. L’engouement pour les nouvelles disciplines sportives (sports aquatiques) et l’attrait pour l’activité physique au sein des clubs mistes, non confessionels, favorisent le brassage culturel, le changement des mentalités, la diffusion des idées hygiénistes et les réflexions sur la culture du corps. Le processus d’intégration par le sport concerne tous les groupes sociaux et notamment les communautés juives dès le début du XXe siècle. En Hongrie, la participation des Juifs aux mouvements sportifs est particulièrement importante. Ces derniers sont fortement représentés dans plusieurs disciplines notamment dans le water-polo et ce jusque dans l’équipe nationale. Alors que ce sport s’impose comme sport national et cristallise les passions autant que le football, les joueurs sont élevés au rang de défenseur de l’identité hongroise et les victoires se chargent d’une sybolique patriotique, à l’instar du mouvement Sokol en Tchécoslovaquie.

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le sportif antifasciste.Une du journal du comité d'organisation du rassemblment international sportif contre le nazisme et le fascisme, France, 1934

Pour la communauté juive, influencée par l’appel de Max Nordau pour un judaïsme du muscle, le sport est perçu comme un moyen de se réapproprier la force juive, et d’accéder à la réussite sociale malgré un contexte hostile lui fermant souvent les portes de l’université. Béla Komjadi, entraîneur juif de l’équipe nationale, est une figure emblématique de cette réussite. Son rôle significatif dans le développement d’un style de jeu novateur, porté par une attention particulière des pouvoirs publics aux sports collectifs, a permis de propulser l’équipe hongroise jusqu’à la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 1932. Au cours de ces Jeux, se démarque György Brody, autre atlète juif, considéré comme l’un des plus grands gardiens de but de l’histoire du water-polo.

Toutefois dans ses mêmes années, le durcissement du régime de l’amiral Horty et la multiplication d’actes antisémites poussent certains sportifs juifs à émigrer vers des pays plus propices à leurs carrières. André Roder, défenseur central du Magyar TK de Budapest quitte la Hongrie en 1930 pour jouer au Racing à Paris, puis rejoint l’équipe de la Barrichonne de Châteauroux comme entraîneur-joueur en 1938. Sa carrière de footballeur prend fin avec la guerre. Engagé au 21e régiment de marche des volontaires étrangers (RMVE), il participe à la campagne de France.

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Parcours de la flamme olympique d'Olympie à Berlin 1936

Après sa démobilisation, André Roder décide de rejoindre la zone libre en septembre 1941. Arrêté par les gendarmes français, il est astreint à résidence avec sa famille à Décines. Dénoncé à la Gestapo, il échappe en avril 1944 à l’arrestation alors que sa belle-sœur Fanny et ses neuveux Frida et Marcel sont arrêtés puis déportés par le convoi 73 et 74. Paradoxalement, à l’époque où l’équipe hongroise de water-polo, composé en partie d’athlètes juifs, fait le déplacement à Berlin pour les Jeux Olympiques en 1936 et remporte la médaille d’or, d’autres athlètes juifs ne peuvent concourir. C’est le cas de la sauteuse en hauteur allemande d’origine juive, Gretel Bergmann, écartée de l’équipe nationale à un mois des jeux. Des sportifs de tous pays appellent à Boycotter les Jeux du Reich mais, finalement assez peu prennent la décision de ne pas se rendre à Berlin, à l’exception des nageuses de l’Hakoah de Vienne, Judith Deutsch et Ruth Langer. Dans leur lettre de renoncement à prendre part au Jeux, elles dénoncent les mesures antijuives mise en place en Allemagne par les nazis ainsi que les exclusions et actes de violence dont sont victimes, les Juifs. Dans le domaine sportif, ces derniers ont été exclus des terrains de sport, des piscines et des compétitions nationales, dès les premiers mois de 1933.

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Le début de l'exode des Juifs de l'aquarium juif à Bad Herweck, Mannheim Allemagne 1935

Les sportifs en désobéissance

Après les Jeux de Berlin, l’étau se resserre sur l’Europe et les dispositions antisémites se multiplient dans les clubs sportifs en Europe centrale et orientale. Des paragraphes aryens sont adoptés, excluant les Juifs des clubs et de l’utilisation des équipements sportifs. En raison de leur boycott des Jeux  Judith Deutch et Ruth Langer sont écartée de l’équipe autrichienne de natation avant de réussir à s’exlier, avec plusieures nageuses de l’Hakoah, à quelques mois de l’Anschluss. À cette occasion, un match de football est organisé entre l’Allemagne et l’Autriche pour célébrer l’événement. Lors de cette rencontre, Matthias Sindelar, surnommé le Mozart du football autrichien, marque deux buts et offre la victoire à son équipe, défiant ainsi les dignitaires nazis présent et signifiant son opposition à l’annexion. Quelques semaines plus tard, il refuse d’intégrer la nouvelle équipe du Reich. Ces manifestations d’hostilité et de désobéissance civile à l’encontre de la propagande nazie sont une forme de Rezistenz.

Fin janvier 1939, il est retrouvé mort dans son appartement dans des circonstances mystérieuses, probablement assassiné. Le jour de son enterrement, près de 15 000 personnes suivent le cercueil dans les rues de Vienne. Dès le début de la guerre, cette Rezistenz change de visage : certains sportifs rejoignent l’opposition et la résistance armée. C’est le choix de Janusz Kusocinski, champion de Pologne sur 800, 1500 et 5000 et 10 000 m au début des années 1930. Au Jeux Olympique de Los Angels en 1932, il décroche la médaille d’or sur 10 000 mètres et entre dans l’histoire comme le premier athlète polonais, champion olympique. Des blessures à répétition l’empêchent de poursuivre sa carrière qui s’interrompt définitivement le 1er septembre 1939 lorsque la Pologne est envahie par l’Allemagne. Après s’être porté volontaire, il intègre un régiment d’infanterie et prend part aux combats pour défendre Varsovie.

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Pas un athlète à Berlin! Affiche du Comité d'action contre le déroulement des Jeux Olympiques à Berlin France, 1936

Blessé à deux reprises Janusz Kusocinski est décoré de la Croix de guerre (Krzyz Walecznych). Après la capitulation polonaise, il rejoint une organisation de résistance. Wilki (Les Loups). Arrêté le 28 mars 1940, il est fusillé au cours d’une exécution de masse, le 21 juin, dans la forêt de Palmiry, au nord de Varsovie. En France, la Seconde Guerre mondiale, boulverse le destin de sportifs, souvent au sommet de leurs performances. Victimes des persécutions nazies, de la législation antisémite de Vichy, ils sont pourchassés, arrêtés et déportés. Trois figures aux destins singuliers ont été confrontées à cette situation. Leurs itinéraires varient au cours de la période, au gré parfois de quelques paradoxes. C’est le cas du nageur français Alfred Nakache. Figure emblématique de la natation française à la veille du déclenchement des hostilités, le nageur poursuit un temps la compétition sous le régime de Vichy Héros nécessaire, il participe à la tournée Borotra en Afrique du Nord au printemps 1941, aux côtés de cent cinquante sportifs dont Marcel Cerdan, et devient recordman du monde en juillet de la même année à Marseille.

Mais le champion est la cible d’attaque de journaux antisémites tandis que le Commissaire à l’Éducation générale et aux Sports lui interdit de participer aux championnats de France en 1943. Arrêté à Toulouse en décembre, il est déporté à Auschwitz le mois suivant avec sa femme Paule et sa fille Annie, assassinées dès leur arrivée. Alfred Nakache rejoint le camp d’Auschwitz-III-Monowitz. D’autres sportifs, également de réputation internationale comme Alex Ehrlich, verront leur carrière brisée. Né en 1919 à Komancza, dans un village des Carpates en Pologne, Alex débute sa carrière de pongiste au Hasmonea Lwow, club omnisports créé en 1908 où se retrouvent les sportifs juifs. Il connaît une carrière fulgurante : à trois reprises, aux championnats du monde de Prague (1936), de Baden (1937) et du Caire (1939), il est médaillé d’argent.

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Adolf  Hitler et les membres du CIO font leur entrée dans le stade olympique de Berlin, 1936

Les rencontres et les participations dans les compétitions du champion polonais, installé en France depuis le début des années 1930, sont demeurés célèbres. Ainsi lors d’un légendaire Pologne-Roumanie à Prague, Alex Ehrlich, ambidextre, s’opose à Farkas Maneth, champion juif originaire de Cluj, pendant 2 h 15 pour marquer un seul point, la guerre va interrompre et boulverser une carrière prometteuse à bien des égards. Arrêté en juin 1944 à Bourbon-l’Archambeault, Alex est déporté à Auschwitz. Une autre figure française complète ce tableau : Victor Young Perez, né en 1911 dans le quartier juif de Tunis. Il est venu à la boxe au hasard en remplacant un boxer au Championnat d’Afrique du Nord. Afin de poursuivre dans les meilleures conditions sa carrière, il quitte la Tunisie et vient s’installer à Paris où il exerce divers métiers tout en multipliant les combats de boxe. Le 4 juin 1931, il bat Valentin Angelmann et remporte le titre de champion de France. Quelques mois plus tard, le 26 octobre dans une salle du Vel d’Hiv comble, il devient champion du monde des poids mouche par KO au 2e round contre l’Américain Frankie Genaro.

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L'équipe de football de châteauroux où André Roder est joueur et entraîneur, France, 1938-1939

Il perd son titre l’année suivante mais poursuit sa carrière en combattant dans de nombreux pays avant d’accepter de se rendre à Berlin pour affronter l’autrichien Ernst Weiss, le 11 novembre 1938, dans une ville saccagées après les violences de la Nuit de Cristal. Après l’entrée des troupes allemandes dans Paris, il choisit magré tout de demeurer dans la capitale avec ses amis. Il est arrêté pour défaut de port de l’étoile jaune le 18 juin 1943 et interné à  Drancy pour être déporté à Auschwitz le 7 octobre 1943 par le convoi no 60. Sélectionné pour le travail, il est affecté au camp d’Auschwitz-III- Monowitz, où il se fait connaître comme ancien boxeur.

La pratique dévoyée du sport dans l’univer concentrationnaire

Ces trois sportifs au sommet de leur discipline dans les années 1930 Alfred Nakache, Victor Young Perez et Alex Ehrlich sont arrêtés, interné à Drancy puis déporté. Ils font la terrible expérience de l’univers des camps de concentration. Au même titre que les centaines de milliers de déportés à Auschwitz. Ils subissent la faim, le froid et les humiliations. Reconnus ils sont souvent victimes de tortures sportives Alfred Nakache doit aller récupérer des clés et des cailloux au fond d’une citerne d’incendie. Ces séances, qui se répètent régulièrement, lui valurent le nom de nageur d’Auschwitz, éludant parfois sa stature de champion français, recorman du monde. À d’autres reprises au cours de l’été 1944, les longueurs effectuées dans cette citerne d’eau relèvent d’acte de résistance et de dignité humaine face è l’insoutenable.

Victor Young Perez, affecté au camp d’Auschwitz-III-Monowitz, se fait aussi connaître comme ancien boxeur. Un combat resté célèbre l’oppose à un boxeur de catégorie poids lourd. Il doit confirmer la supériorité du combattant aryen, le matche est interrompu par les gardes SS pour éviter la victoire de Perez. Envoyé dans les kommandos de travail en représailles, il tente de s’évader, repris, il est battu pendant plusieurs jours : sa raison n’est jamais altérée. Employée aux cuisines du camp de Buna-Monowitz, il intègre l’équipe de boxe, constituée par le commandant du camp, d’automne 1943 à mai 1944. Le 18 janvier au cours des marches de la mort parmi les milliers d’autres détenus, une rafale de mitraillette d’un garde allemand met fin à la vie du boxeur.

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L'équipe hongroise de water-polo aux Jeux Olympiques de Berlin, 1936 (György Brödy à droite sur la photo)

Après la libération d’Auschwitz et les marches de la mort, Alfrd Nakache et Alex Ehrlich sont respectivement internés au camp de Buchenwald et de Dachau. Amaigris, affaiblis, ils poursuivent une carrière sportive au lendemain de la guerre. Le nageur d’Auschwitz tente de se reconstruire à Toulouse, après avoir appris l’assassinat de sa femme et de sa fille à Auschwitz. Il reprend l’entaînement de manière intensive et participe aux Jeux Olympiques de Londres en 1948. Aucune performance sportive d’envergure à son actif mais une participation qui témoigne d’une réelle force morale alors que sa carrière a été en grande partie interrompue et boulversée par les années de guerre. De retour des camps, alors que ses parents restés à Lwow (Pologne) ont été assassinés, Alex Ehrlich s’installe définitivement à Paris, intègre l’équipe de France et devient, comme Farkas Paneth, un entraîneur de renommée internationale. Une reconnaissance qui témoigne de la passion de vivre d’hommes que le régime nazi avait promis à la mort.

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le foutballeur autrichien Matthias Sindelar lors de la rencontre entre les équipes autrichienne et allemande, Autriche 1938

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04/01/2014
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LA PRISE DE SINGAPOUR EN FÉVRIER 1942

Éclipsée par le conflit dans le Pacifique, la guerre sur le continent asiatique a pourtant été le théâtre d’événements capitaux durant la Seconde Guerre mondiale. C’est ainsi que la prise de Singapour par le Japon impérial ébranla la présence britannique en Extrême-Orient.

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Singapour en 1942

En 1937, la prise de Nankin par le Japon ce conclut par un gigantesque massacre de civils et prisonniers de guerre chinois. En consquence, les États-unis décide de prendre un certain nombre de sanctions économiques qui menace l’économie japonaise. L’échec des différentes négociations diplomatiques renforce les bellicistes japonais qui souhaitent prendre par la force ce que les États-Unis refuse de leur livrer. L’armée japonaise commence alors à préparer une offensive générale selon deux axes, le Pacifique et l’Asie du Sud-Est dont les ressources naturelles permetraient d’éviter une nouvelle crise économique. Avant même le déclenchement de cette offensive et suite à la guerre franco-thaïlandaise et ses premiers affrontements en septembre 1940, Tokyo parvient à imposer au gouvernement de Vichy le droit d’utiliser les aérodromes et les ports du sud de l’Indochine. De plus le Japon entame des discussions avec la Thaïlande pour obtenir un droit de passage pour ses troupes. Ainsi il se positionne dans la région pour passer à l’offensive et faire sauter le dernier obstacle sur la route du pétrole des Indes néerlandaises : Singapour. Située à l’extrémité sud de la Malaisie. Cette île, qui contrôle le détroit de Malacca, occupe une position stratégique entre l’Extrême-Orient et l’océan Indien. En outre, la Malaisie est riche en ressources naturelles. En 1824, la Grande-Bretagne avait pris possession de cette région et construit sa principale base navale en Extrême-Orient.

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Arthur Percival, premier à droite de l'officier japonais, le 15 février 1942

Dès 1935, les Britanniques commencent à élaborer un plan de défense de Singapour mais n’envisagent pas pour autant une attaque provenant de la Thaïlande. La Malaisie est un pays en grande partie montagneux, avec des vallés marécageuses dues aux fortes précipitations ce qui rend le terrain difficile. Aussi les britanniques vont orienter les défenses de l’île de Singapour le long des côtes. Néanmoins, en 1938, l’évantualité d’un débarquement de troupes dans le nord de la Malaisie est prit en compte mais le manque de moyens ne permet pas de renforcer le dispositif. En effet, malgré une menace bien réelle, la guerre en Europe mobilise la quasi-totalité des ressources de l’armée britannique. À la veille de l’offensive japonaise, Churchill parvient à envoyer à Singapour, les cuirassés Repulse et Prince of Wales.

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L'un des cinq canons de 381 mm chargé de la défense de Singapour.

L’attaque sur Perl Harbor, le 7 décembre 1941, annonce le début de l’offensive du Japon dans le Pacifique et l’Asie du Sud-Est, le lendemain suite à l’absence de réponse de la Thaïlande à la demande de droit de passage pour ses troupes, le Japon rallie par la force le Royaume-Thaï. Parallèlement, des troupes japonaises débarquent sur la côte malaisienne, à Kota Bharu, et dans le sud de la Thaïlande. La Royal Air Force lance un raid massif sur cette côte mais sans succès, les troupes ennemis s’étant déjà retirées. À cours de carburant, les 110 appareils britanniques sont contraints de se ravitailler sur les aérodromes du nord de la Malaisie et l’aviation japonaise en profite pour en détruire la quasi-totalité; elle s’assure ainsi la supériorité aérienne en Malaisie.

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Les troupes shōwa défilent à Fullerton Square

Le 11 décembre les deux cuirassés britanniques sont repérés par les Japonais qui les bombardent immédiatement. En deux heures, les deux fleurons de la Royal Navy sont coulés mettant un terme à toute possibilité de résistance britannique sur mer. Cette perte est vécue comme un véritable drame à Londres. Churchill écrira : De toute la guerre, je n’ai jamais reçu choc plus brutal. Au cours du mois de janvier 1942, le général Yamashita fonce vers le sud et prend à revers les positions adverses en attaquant par la jungle. À Singapour, on se prépare à une attaque venant du nord, mais ce secteur de la ville est dépourvu de défenses solides et il faut improviser. Le 8 février, les troupes japonaises s’élancent sur la ville et sont confrontées à une forte résistance. Néanmoins les vagues d’assaut submergent les défenseurs. Le 15 février le général Persival est contrain de capituler. Dernier déshonneur, Yamashita exige que Percival porte lui-même le drapeau de la reddition. C’est la fin d’une campagne qui a fait près de 9000 morts parmi les Britanniques et 3000 chez les japonais. En 73 jours, le symbole de la puissance britannique en Extrême-Orient s’est éffondré. Après Singapour, les Tommy’s vont connaître un véritable sentiment d’infériorité face aux soldats japonais qui se considèrent désormais comme invincible.


04/01/2014
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LA POLITIQUE AMÉRICAINE FACE À LA MONTÉE DES PÉRILS 1933-1941

En 1929, la crise économique qui plonge les États-Unis et le reste du monde dans une profonde dépression pousse le gouvernement américain à placer au second plan sa politique étrangère. Franklin D. Roosevelt, président des États-Unis de 1933 à 1945, est d’ailleur élu lors de son premier mandat sur un programme de redressement économique : le New Deal. Alors que les crises internationales en Europe et en Asie se multiplient dans les années trente, les États-Unis affichent la volonté de se retirer des affaires du monde et s’orientent vers une politique isolationniste. Le président Roosevelt, qui se montrait favorable à l’interventionniste et aux idées Wilsoniennes dans les années 1920, se voit contraint de changer le discours sous la pression du Congrès et de l’opinion publique.

Cette vague d’isolationnisme qui déferle sur toute l’Amérique de 1933 à 1937 est favorisée par différents facteurs aussi bien économiques que politique ou idéologique. La période de Grande Dépression que connaît le pays pousse le gouvernement à se préoccuper en priorité des questions intérieures et des problèmes économiques, reléguant au second plan la politique étrangère. Les crises qui agitent le monde (L’invasion de la Manchourie par le Japon en 1931, l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933, et l’invasion de l’Éthiopie par l’Italie en 1935) inquiètent le peuple américains qui souhaite se tenir en dehors de toutes crise internationale.

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Franklin Roosevelt lors de sa campagne électorale pour les présidentielles, 1932.

Le bien-fondé de la participation des États-Unis à la première Guerre mondiale est fortement remis en question, notamment après les conclusions de l’enquête réalisée par la commission Nye en 1934 qui soulignent l’influence des banquiers et industriels américains sur le gouvernement en 1917. Si Roosevelt semble très soucieux de l’influence américaine à l’étranger, il doit s’incliner face à la prédominance de l’isolationnisme au Congrès et dans l’opinioin publique. D’une part, il met en place une politique de bon voisinage (Good Neighborning Policy) qu’il inaugure avec l’Amérique latine rompant ainsi avec la doctrine Monroe qui prévalait depuis 1823. Cette politique vise à réduire les interventions américaines, militaires ou diplomatiques dans les affaires intérieures des pays concernés.

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Actionnaires dans les rues lors du krach boursier, 25 octobre 1929

En 1933. Il signe la convention de Montevideo et renonce, de ce fait au droit d’ingérence unilatérale dans les affaires sud-américaines. En 1934, il fait abroger l’amandement Platt qui permettait à Washington d’intervenir à Cuba, abandonnant ainsi le protectoriat. Dans la même année, le Congrès vote la transition vers l’indépendance des Philipppines. Puis c’est le droit d’intervention au Panama qui est aboli en 1936. D’autre part, le Congrès maintient les États-Unis dans une posture de neutralité par l’intermédiaire d’une série de lois empêchant d’approvisionner les pays belligérants en fournitures militaires et différents produits. Dès avril 1934, le Johnson Act interdit l’émission sur le territoire américain de tout emprunt en faveur du pays n’ayant pas honoré leurs dettes. Le 31 août 1935, la loi sur la neutralité des États-Unis est signée. Afin d’éviter toute implication dans un conflit, elle interdit, pour une durée de six mois, la livraison d’armes à des pays belligérants, ne faisant aucune distinction entre l’agresseur et l’agressé.

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Le président Roosevelt encerclé par des agences du New Deal, caricature de C. Berryman, 1935

Cette loi est reconduite le 29 février 1936 avec davantage de restrictions, comme l’interdiction de prêts aux pays en guerre. Elle est appliquée pendant la guerre. Elle est appliquée pendant la guerre italo-éthiopienne et la guerre civile en Espagne. Le président Roosevelt déplore le fait que ces lois pénalisent les états agressés et limitent son action politique. Le 1er mai 1937, la clause Cash and Carry (payé et emporté) autorise finalement les clients à venir chercher eux-même les marchandises en les payants comptants et à prendre en charge leur transport. Par ailleurs, Roosevelt propose la participation des États-Unis au Tribunal permanent de justice internationale, mais le Sénat, pourtant majoritairement démocrate, refuse de s’y engager.

La volonté de Roosevelt

Entre 1937 et 1939, Roosevelt montre une attitude ambiguë face à l’isolationisme du Congrès. Il maintient les États-Unis dans la neutralité. Mais il ne cache pas, à travers ses discours, sa volonté de venir en aide aux pays démocratiques. En juillet 1937, le Japon déploie une offensive militaire en Chine, s’empare de Pékin et étend sa domination sur de larges territoires. L’Allemagne, alors aux mains d’Hitler, avait quant à elle, débuté son réarmement en 1935 et remilitarisé la Rhénanie en 1936. Dans son discours à Chicago, le 5 octobre 1937, Roosevelt se prononce donc en faveur de la mise en quarantaine, commerciale et diplomatique, des fauteurs de troubles internationaux par effort commun des nations pacifiques.

Cependant les isolationistes américains résistent et aucun engagement concret n’est pris dans ce sens. La politique d’apaisement persiste, même lorsque les avions japonais coulent la canonnière américaine Panay en décembre 1937, peu après le massacre de Nankin en Chine. Après la Nuit de Cristal, le 9 novembre 1938, qui marque une radicalisation de l’antisimitisme en Allemagne, le président américain fait officiellement part de son indignation. Il rappelle son ambassadeur à Berlin sans pour autant fermer la représentation diplomatique en Allemagne. Alors que la conférence de Munich de septembre 1938 semble conforter la politique expansionniste et agressive allemande, Roosevelt souhaite préparer son pays militairement.

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Manifestation antihitlérienne à New-York, février 1939

En janvier 1939, il demande donc des crédits supplémentaires pour augmenter les effectifs de l’armée de terre et développer l’aviation. Sur le plan diplomatique, Roosevelt tente de jouer un rôle de médiateur et de raisonner les dirigeants européens. Le 15 avril 1939, après l’anextion de Memel et de l’Albanie, il écrit à Hitler et Mussolini pour leur demander l’assurance qu’ils arrêteront les agressions dans l’est de l’Europe. De même il lance un appel le 24 août aux Allemands et aux Polonais afin d’arriver à un accord. Enfin durant l’été 1939, il écrit à Molotov pour le convaincre de poursuivre positivement les négociations avec la France et l’Angleterre. Cette action diplomatique ne rencontrant quasiment aucun écho, Roosevelt entame alors une correspondance secrète avec Winston Churchill afin de déterminer le soutien américain au Royaume-Uni. Dès le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Roosevelt réclame au Congrès la levée de l’ambargo sur les armes et les munitions afin de venir en aide aux pays alliés. Il obtient gain de cause et le 4 novembre 1939 avec l’abrogation automatique, la clause Cash and Carry s’appliquant désormais aux armements et munitions.

En novembre 1940, Roosevelt entame son troisième mandat, confronté par ce succès, le président américain s’investit davantage dans le champ de la politique étrangère tandis que le Congrès se ravise progressivement en faveur d’une aide aux pays attaqués. Harry Opkins, devenu conseiller diplomatique en chef en temps de guerre, trouve des solutions innovantes pour soutenir le Royaume-Uni. De son côté Roosevelt entretient d’excellentes relations avec Churchill qui est devenu Premier ministre en mai 1940. L’Allemagne ayant envahi la France, le Danemark, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg au printemps 1940, le Royaume-Uni se trouve en situation d’isolement, Roosevelt promeut deux chefs républicains : Henri L. Stimson comme secrétaire de guerre et Frank Knox comme secrétaire de la Marine, tous deux partisans de l’intervention. Des groupes de pressions se constituent pour susciter un mouvement en faveur de la France et de l’Angleterre. C’est le cas du Comitte to Defend America by Aiding the Allies (le comité White) créé en juin 1940. La chute de Paris a finalement un effet décisif sur l’opinion américaine qui se détourne alors peu à peu de l’isolationisme.

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Harry LIoyd Hopkins

En août 1940, Roosevelt viole volontairement l’acte de neutralité américaine en signant l’accord Destroyers for Bases. En échange de la possibilité d’établir des bases navales ou aériennes dans les possessions territoriales britanniques, les États-Unis fournissent 50 destroyers au Royaume-Uni. En septembre il demande au Congrès de mettre en place une conscription de troupes. Pour la première fois de l’histoire américaine, ce dernier vote un service militaire obligatoire en temps de paix. Au mois d’octobre, le total des crédits affectés au réarmement s’élève à plus de 17 milliards de dollards.

À l’occasion d’une conférence de presse le 17 décembre 1940, Roosevelt annonce publiquement sa volonté de participer à l’effort de guerre des pays amis en leur fournissant du matériel de défense : Nous devons devenir le grand arsenal de la démocratie. Pour ce faire, il met en place le programme Lend Lease (prêts-bails). La loi est finalement signée le 11 mars 1941 et autorise le président à aider le gouvernement de tous pays dont il jugera la défense vitale pour celles des États-Unis. Cette aide économique et matérelle dont bénéficie prioritairement l’Angleterre, le prêts-bails sera également accordé à la Russie en juillet 1941, constitue un appui inestimable et quasiment gratuit pour ces pays. Ces aides, qui devaient éviter le coût d’un conflit aux États-Unis, s’élèveront finalement à plus de 50 milliards de dollards depuis leur création jusqu’à la fin de la guerre.

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Conférence de l’Atlantique : Franklin Roosevelt et Winston Churchill lors de leur rencontre sur le croiseur USS Augusta, le 14 août 1941

En septembre 1940, le Japon profite de la défaite française pour envahir le nord de l’Indochine et signe un accord tripartite avec l’Allemagne et l’Italie. Washington accorde officiellement son soutien à la Chine en lui octroyant un prêts-bails en mai 1941. Parallèlement les États-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas décrètent l’ambargo complet sur le pétrole, l’acier et la ferraille, ainsi que le gel des capitaux japonais déposés sur le sol américain. Le Japon ne cède pas et continue de durcir sa ligne de conduite en refusant de se retire de l’Indochine. En juillet 1941, Roosevelt nationalise les forces militaires philippines et nomme le général Douglas MacArthur commandant en chef des forces armées américaines en Extrème-Orient. Les relations avec le Japon sont alors profondément détériorées. En août 1941, alors que l’Europe est en pleine guerre, Roosevelt et Churchill se rencontrent à bord d’un navire de guerre au large de Terre-Neuve lors de la conférence de l’Atlantique. Ils signent le 14 août une charte qui prévoit les caractères fondamentaux du monde d’après-guerre et une politique internationale nouvelle permettant d’assurer la paix et la sécurité collective. Roosevelt engage ainsi son pays dans une vaste alliance avec les démocraties.

Sous prétexte de défendre le continent américain, le président envoie 4000 Marines en Islande afin d’empêcher une invasion allemande. D’autre part, en réponse à un tir émis par un sous-marin allemand sur un navire américain, Roosevelt décide que la flotte de guerre escortera tous convois marchands dans les eaux territoriales des États-Unis. De plus, les navires de guerre et l’aviation américaine reçoivent l’ordre d’attaquer les sous-marins et navires de l’Axe surpris dans ces eaux. Le 7 décembre 1941, les forces japonaises attaquent la plus grande base navale américaine à Pearl Harbor. Les bombardements causent de lourdes pertes humaines et matérielles aux forces navales : on compte plus de 2400 tués et près de 1200 blessés, 8 cuirassés, 3 croiseurs, 3 destroyers et 4 autres navires sont coulés ou mis hors d’usage; plus de 130 avions sont détruit. Dès le lendemain le président Roosevelt convoque le Congrès qui déclare la guerre au Japon. Par le jeu des alliances, l’Allemagne et l’Italie déclarent  en retour la guerre aux États-Unis, le 11 décembre 1941.

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Le général Douglas MacArthur pendant la Seconde Guerre mondiale

Dès le 20 décembre, Roosevelt fait voter une loi sur la conscription élargissant la mobilisation à tous Américains entre 20 et 44 ans. Le soutient diplomatique et le système d’aide aux pays démocratiques (consacré par le programme Lend Lease) n’ont pas permit aux Américains d’éviter un conflit militaire. Après le choc causé par la violente attaque de Pearl Harbor, Roosevelt se voit souteneu par la nation tout entière pour engager son pays dans une guerre devenue mondiale. L’isolationnisme américain a vécu et une tout nouvelle politique internationale va voir le jour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

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F. Roosevelt s’adresse au Congrès le 8 décembre 1941

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Des Marines apprennent l’attaque japonaise sur Pearl Harbor le 7 décembre 1941

 

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Bateaux américains détruits pendant l’attaque japonaise de Pearl Harbor, 7 décembre 1941


04/01/2014
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LA CAMPAGNE DE SYRIE UNE BLESSURE MORALE

Moins connus que les succès militaires des FFL à Bir Hakeim en 1942, les combats de la campagne de Syrie, entre mai et juin 1941, virent affronter, non sans déchirement, des Français vichystes du Levant contre leurs compatriotes qui avaient choisi de suivre le général de Gaulle dans son combat pour la France libre.

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Le général Dentz, haut commissaire et commandant supérieur des troupes françaises du Levant, avec son état-major, juin 1941

La campagne de Syrie, ou opération Exporter, voit l’invasion pour les Alliés de la Syrie et du Liban, alors sous contrôle du gouvernement de Vichy. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la Société des Nations avait en effet confié aux Français un mandat au Levant afin de conduire progressivement la Syrie et le Liban vers l’Indépendance. Au printemps 1941, les raisons de cette campagne qui va plonger ces territoires dans la guerre sont multiples. Le général Dentz, nommé haut-commissaire en Syrie après s’être rallié au maréchal Pétain, est chargé de maintenir l’ordre et l’intégrité de ces territoires. De son côté, le général de Gaulle voit dans ces terres un vivier d’hommes susceptibles de rejoindre les premiers éléments des forces de la France libre qu’il commence à constituer. Si les Britanniques semblent initialement hésitants quant à une telle opération, la situation irakienne, où une révolte contre l’autorité anglaise est soutenue par les Allemands, fini par les décider. Surtout, ils voient dans l’autorisation donnée par le général Dentz aux Allemands de ravitailler leurs avions à l’aérodrome d’Alep le signe d’une collaboration active et militaire. Après avoir prit connaissance du projet de l’amiral Darlan, alors chef du gouvernement, de permettre l’utilisation de bases aériennes et navales, et la livraison de matériel de guerre à l’armée allemande, les Britanniques décident d’une opération militaire en Syrie.

L’invasion du Levant français est menée sous le commandement britannique du général Wilson, avec les troupes alliées britanniques, indiennes, australiennes et françaises. La 1re division légère de la France libre, qui compte 5 400 hommes, se rassemble en Palestine, au camp de Kastina, sous les ordres du général Legentilhomme. Elle est constituée de militaires et de civils engagés après l’armistice de 1940, de Légionnaires et de troupes coloniales d’Afrique du Nord et de l’Afrique noire qui ont suivi leurs officiers. L’opération est lancé le 8 juin 1941 : la 7e division australienne se dirige le long de la côte Saint-Jean-d’Acre vers Beyrouth soutenue par les tirs de la Royal Navy, tandis que la 1re division FFL et la 5e brigade indienne pénètrent en Syrie en direction de Damas. Le général Dentz solicite l’intervention de l’aviation allemande, avant de se rétracter. La Luftwaffe intervient finalement entre le 15 juin et le 8 juillet, mais hors de la zone de combat terrestre, infligeant des dommages aux forces navales britanniques. Au cours de combat fratricides, les soldats des FFL doivent affronter d’autres français Vichystes, comme à Kissoueh pour la prise de Jebel Maani.

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Des soldats australiens devant des Morane-Saulnier MS.406 français sur l'aérodrome d'Alep en juin 1941.

Dès le 15 juin, Dentz organise une contre-offensive qui, sans parvenir à faire évoluer la situation causes de nombreuses pertes aux deux camps. À partir du 17, et à la fin d’une campagne ratée en Lybie, de nouvelles forces sont engagées du côté des alliés. Les Gaullistes et les Britanniques entrent finalement à Damas le 21 juin, mais Dentz refusant le cessez-le-feu, les affrontentements se poursuivent jusqu’au 12 juillet. Après 23 jours de combats, les pertes humaines sont importantes : 4 700 morts ou blessés parmi les soldats du Commonwealth, 156 tués chez les Français libres et 1066 chez les soldats de l’armée du levant. L’armistice est signé à Saint-Jean-d’Acre le 14 juillet, remettant aux Britanniques le mandat sur les pays du Levant. Le général Catroux représentant de la France libre, n’est pas autorisé à signer. Dentz refusant de traiter avec les gaullistes. les Français de Syrie ont désormais la possibilité de se rallier à la cause alliée ou d’être rapatriés en France. 6000 d’entre eux font le choix de s’enrôler dans les Forces françaises libres, tandis que la grande majorité préfère rejoindre la métropole.

Cette opération au Levant est l’illustration tragique de cette période des années 1940-1941 où deux France se sont opposées. Le dilemme des officiers a atteint son paroxysme dans la campagne de Syrie. Pour Dentz, désobéir à Vichy en refusant le combat signifiait la rupture de l’armistice et donc le risque d’invasion de la zone libre et de la mainmise des Allemands sur l’Afrique du Nord. Pour De Gaulle, cette opération était nécessaire pour rallier l’armée du Levant forte de 37 000 hommes à son combat pour la France libre. Animé d’un grand sens du devoir, mais nourrissant des convictions opposées et s’accusant mutuellement de trahison, ces hommes ont été jusqu’au bout de leur engagement.


01/01/2014
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LA PRESSE COLLABORATIONNISTE PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Après la défaite de 1940, il devient essentiel de rallier les Français à la nécessité d’une collaboration avec l’Allemagne. Pour le régime de Vichy, cette adhésion est inhérente à l’encadrement de la société et passe par la maîtrise des sources d’information.

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Journal Gringoire 10 juillet 1942

Le décret du 26 juillet 1936 institue un Commissariat général de l’Information, chargé de contrôler les médiats et mobiliser l’opignion publique contre l’Allemagne. Le 1er avril 1940, cet organe d’État devient le Secrétariat d’État de l’Information et de la Propagande, et dépent du ministère de l’Information. Sa fonction est de faire accepter aux Français la défaite, et les conséquences bénéfiques de celle-ci, à travers trois médias : le cinéma, la radio, mais aussi la presse écrite.

Le contrôle des informations diffusées passe par l’Office français d’information (OFI) : le 10 octobre 1941, Pierre Domique, directeur de l’OFI, revient sur ses objectifs : il s’agit en deux mots, de substituer à la presse de type capitaliste et libéral une presse qui ressemble aux presses allemandes et italiennes, c'est-à-dire, qui, sans être positivement une presse d’État, soit toujours à la disposition de l’État. Les thèmes de la propagande sont élaborés dans un bureau d’étude, dirigé par Paul Marion et dépendant du Secrétariat d’État de l’Information et de la Propagande. Avec quatre grands services : la presse, la propagande, la radio et le cinéma. Face à cette politique de propagande en faveur de l’Allemagne, les journaux adoptèrent trois attitudes : soit ils se sabordent (Le Canard enchainé, l’Intransigeant, Le Populaire), soit ils se réfugient en zone libre, essentiellement à Lyon-Paris-Soir, Le Figaro), soit ils collaborent (Je suis partout, Le Matin) : ce sont ces journaux qui vont incarner ce que l’historiographie appelle la presse collaborationniste.

 

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Marcel Déat au congrès national du Rassemblement national populaire à la Mutualité, novembre 1942

La moitié des journaux de la presse collaborationniste en zone occupée, la zone Nord sont subventionnés par les éditions Le Pont, créées par l’ambassade d’Allemagne elle-même dérigée par Otto Abetz qui dirige la Propaganda Staffel, spécialisée dans la censure. Les journaux s’insérant dans une visée collaborationniste traitent tous dans les mêmes thèmes le bénéfice de la présence germanique sur le territoire, la haine des Juifs, des Anglais et des bolchéviks, ainsi que le redressement d’une France malade par le régime de Vichy. La collaboration de certaines sources d’informations n’a pas commencé en 1940 dans les années qui précèdent la guerre Otto Abetz développe en effet des relations avec Le Matin, créé en 1883 et racheté par Maurice Bunau-Varilla. Dans un rapport du diplomate américain Bullit à son gouvernement, on apprend que de mai à novembre 1938, l’Allemagne aurait jeté 350 millions en pâture à la presse française. Le journal Gringoire approuve les accords de Munich, puis la présence des Allemands sur le territoire, ainsi que la révolution nationale de Pétain.

Le Matin se tourne de son côté vers l’Allemagne. L’édition du 11 novembre 1941 porte le titre : Ce qu’Hitler a réussi en huit ans. L’ambassade d’Allemagne finance la plus part des organes de presse sous l’Occupation, comme Les Nouveaux Temps créé par Jean Luchaire, germanophile convaincu, en 1940. L’institut d’étude des questions juives, créé pendant la guerre, publie un grand illustré de la race intitulé Revivre : le premier numéro parait en mars 1943. La presse collaborationniste à ses figures de proue comme Alphonse de Châteaubriand, qui fonde la Gerbe en juillet 1940, Marcel Déat chef du Rassemblement national populaire, soutient l’œuvre, Louis Ferdinand Céline écrit pour l’Appel, Jacques Doriot, chef du Partie Populaire Français, soutient Le Franciste, l’organe de presse du parti franciste, et fonde Le Cri du Peuple en octobre 1940.

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Otto Abetz Ambassadeur du IIIe Reich à Paris, 1943

Je suis partout qui paraît le 29 novembre 1930, dont Robert Brasillach est le rédacteur en chef à partir de 1937, est le titre le plus lu de la presse collaborationniste. En 1932, le journal plébiscite Mussolini, puis soutient la phalange espagnole et la garde de fer roumaine. Marqué par le front populaire; il appelle plusieurs fois à fusiller Blum. En 1936-1937, Je suis partout se rapproche du nazisme, avec la parution de deux numéros spéciaux : Le Juifs en 1938 et Les Juifs en France en 1939, Brasillach allant jusqu’à déclarer le 25 septembre 1942 : Il faut se séparer des Juifs en bloc et ne pas garder les petits. Les courants du journal vont du nationalisme de Maurras au socialisme populiste d’Édouard Drumont, l’auteur de La France juive, qui décrit le juif comme mercantile, intriguant, subtil, rusé, et l’aryen comme enthousiaste, héroïque, chevaleresque, désinteressé, franc, confiant. En 1943, Pierre-Antoine Cousteau prend la tête de l’ebdomadaire : à partir de cette période, le quotidien affiche une sympathie de plus en plus marquée pour l’occupant, allant même jusqu’à accueillir les troupes des Waffen SS dans ses locaux. L’action française, dirigé par Charles Maurras, parait pour la première fois le 21 mars 1908 et a pour devise Tout ce qui est national est nôtre. Bien que très hostile à l’Allemagne. L’Action française apporte son soutien aux accords de Munich en 1938. Après la défaite, elle soutient le régime de Vichy en qui elle voit le meilleur garant de l’unité nationale et pourfend les résistants qu’elle qualifie de dissidents, puis de terroristes, appelant à une répression sévère à leur encontre.

La presse collaborationniste et la jeunesse

La jeunesse n’est pas obliée par la presse collaborationniste : les deux organes principaux sont O lo lê, journal breton qui parait de novembre 1940 à mai 1944, et surtout Le Téméraire, qui parait pour la première fois le 15 avril 1943, avec en sous titre Journal de la jeunesse moderne. Les objectifs de cette publication sont variés en premier lieu, il s’agit de nourrir la haine des bouc-émissaires, les Juifs, bolcheviks et anglais, et en second lieu, de former des jeunesses hitlériennes à la française. Le journal délivre des bulletins d’information sur les jeunesses hitlériennes. Dans l’un de ceux-ci on peut lire Sait-on qu’à l’étranger, en Allemagne il existe des Écoles de jeunes Chefs, où l’on s’est donné pour idéal de former de véritables chevaliers.

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Grande réunion publique organisée par l’équipe de Je suis partout à la salle Wagram Paris, avril 1943

Face à cette presse collaborationniste une partie de la population se tourne vers la presse spécialisée (sport, magasines féminins) Franc-tireur, Combat ou Libération). La Presse du Nord est largement avantagée comparée à celle du Sud en juin 1943, elle détient 65% des quantités de papier journal octroyées, et à la fin de l’occupation 75%. Plus de 60% des titres de zone sud disparaissaient en 1943, contre 32% des titres zone nord. Malgré un relatif rétablissement de la circulation entre les zones en mars 1943, les journaux du sud passent rearement la zone de démarcation. De plus, à partir de 1943, les services de la censure allemande s’installent en zone sud.

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Discourt de Jean Luchaire à la Mutualité, Paris avril 1943

Le 31 mai 1944 le service des éditions de l’ambassade d’Allemagne contrôle directement La France socialiste, Aujourd’hui, Les Nouveaux Temps, L’œuvre, Le Matin, ainsi que quatorze hebdomadaires, dix bimensuels et trois grands illustrés. Le débarquement allié ne diminue pas l’influence de la presse collaborationniste : d’avril à juin 1944, les tirages de certains titres de cette obédience atteignent leur point culminant. Ainsi, Je suis partout se vend 220 000 exemplaires le 1er mai 1944! La presse collaborationniste disparait de deux manières : certains journaux choississent d’arrêter volontairement la publication après le débarquement allié, comme La Gerbe, Le Téméraire, ou encore Le Cri du peuple. D’autres comme Le Matin et Je suis partout voient leurs sorts réglementés par la loi no 46-994 du 11 mai 1946, qui porte sur le transfert et la dévolution de biens et d’éléments d’actif d’entreprises ayant publié pendant l’Occupation. À la Libération, les journaux collaborationnistes sont fermés, leurs locaux mis sous scellés, et leur matériel saisi.


31/12/2013
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