LES CHRONIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

LA GARE DE BOBIGNY

Situé à quelques kilomètres à l’est de Paris, au lieu-dit La Couture, la gare de Bobigny fut entre 1943 et 1944, le lieu de départ des juifs internés à Drancy vers les camps de concentration et d’extermination. D’abord simple halte sur la ligne de chemin de fer de la Grande Ceinture de Paris, c’est en 1928 que la gare de Bobigny devient une véritable gare de voyageurs sur le trajet de la ligne Bobigny-Sucy-Bonneuil. Mais dans cette environnement maraîcher et agricole, la partie voyageurs est bientôt fermée en raison d’un trafic insuffisant; seule la halte aux marchandises, construite dans les années 1930 continue à être désservie. Environ deux kilomètres séparent la gare de Bobigny de la ville de Drancy où pendant les années d’occupation, sont internés à la cité de la Muette de nombreux juifs arrêtés en France. De mars 1942 à juillet 1943, ceux-ci partent vers les camps de la mort depuis la gare du Bourget au su et au vu de tous car l’établissement est auvert au public.

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Vue aérienne de l’ancienne gare d Bobigny

À partie de l’été 1943 jusqu’à l’été 1944, c’est de la gare de Bobigny désaffectée et situé dans une zone très peu urbanisée et donc jugée plus discrète par les Allemands que partent vingt-et un convois emmenant vers les camps de la mort 22 407 hommes femmes et enfants de tous âges : dix-neuf pour Auschwitz, un pour Kaunas, un pour Tallin. Ils ne seront que 1 474 à revenir.

Les convois sont formés la veille du départ le long de la voie située entre la halle à marchandises et l’actuelle avenue Henri Barbusse; un commando d’internés de Drancy vient répendre un peu de paille dans les wagons et y installer quelques seaux. Le jour du départ, les autobus et les camions amènent les internés. Ils sont entassés dans les wagons, qui, une fois scellés s’engagent sur la ligne de la Grande Ceinture pour rejoindre le réseau menant vers l’Est de la France. La préservation et la mise en valeur de ce patrimoine mémoriel, lié à celui de Drancy constituent un enjeu majeur pour comprendre ce que fut l’entreprise criminelle de l’Allemagne nazi et la déportation des Juifs de France.

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La halle à marchandises

À partir des années 1980, une prise de conscience du rôle de la gare de Bobigny dans la Shoah se fait jour quand se profile un projet de destruction de son bâtiment voyageurs. Elle amène la Ville à réagir auprès du Premier ministre. En 1988, la SNCF renonce à détruire la gare et en 1993, la ville demande un classement du lieu au titre des Monuments historiques, demande qui aboutira le 24 janvier 2005 à la parution d’un arrêté portant inscription à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques du site de l’encienne gare. Le 16 mars suivant, Réseau ferré de France cède à la ville l’encienne gare de voyageurs et un terrain de 1 450m2. Dès lors un projet de mise en valeur est lancé. Ce lieu étant le seul exemple en France de gare de déportation aujourd’hui désaffectée mais préservée dans un état proche de sa configuration d’origine.

Le projet va s’inscrire dans un réseau patrimonial constitué de lieux qui ont abrité l’une des séquences de la trajectoire des déportés depuis le lieu de leur arrestation à celui de leur extermination. Le projet s’articule autour de trois objectifs : révéler le site avec la dignité qui s’impose, informer le public avec son histoire et s’interroger sur les grandes questions éthiques suscitée par la Shoah.

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V
oisin de la gare, la friche industrielle et ferroviaire, d’une surface de 3,5 hectares, fera l’objet d’un aménagement paysager de qualité qui, respectueux de l’existant, prévoit des espaces de commémoration et de recueillement mais sera aussi l’occasion de recoudre le tissue urbain et de reliers plusieurs quartiers de Bobigny aujourd’hui enclavés. Une étude dans ce sens a été confiée à l’École du paysage de Versaille. Par ailleur, l’association Topographie de la mémoire a été chargée d’une étude préalable sur les enjeux du projet de mise en valeur de l’ancienne gare. Parallèlement, une autre étude a été réalisée sur l’histoire du site. Ces deux documents sont consultables au service des archives de l’hôtel de ville.

Un projet scénographique et artistique, conçu dans le respec des lieux, permettra d’accompagner le public dans sa découverte du site, de lui faire prendre conscience de sa dimension historique en mettant à sa disposition des informations qui restituent son histoire dans le contexte local, national et européen de l’époque.

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Le pylone d’éclairage de la halle à marchandise

Enfin de faire vivre la gare de Bobigny un projet pédagogique et culturel proposera un programme d’accueil du public alliant la volonté de maintenir vivante la mémoire des déportations et celle de s’intéroger sur les grandes questions éthiques soulevées par la Shoah. L’ambition est d’offrir au public des outils de réflexion qui permettent d’être en mesure d’identifier les situations nouvelles d’exclusion, de racisme et d’antisémitisme, portant atteinte aux droits de l’homme en Europe. Ce travail sera encadré par un conseil scientifique chargé d’en assurer la valeur éthique. La halle à marchandises, d’une surface de 300m2 sera restaurée, mais laissée vide, évoquant ainsi l’absence de ceux qui un jour sont parti de là et, pour beaucoup, ne sont jamais revenus. C’est devant ce bâtiment que seront organisées les cérémonies de commémorations. De son côté, la gare voyageurs, elle aussi restaurée et réhabilitée, deviendra le lieu d’accueil du public. La ville de Bobigny a fait appel à la participation des pouvoirs publics dans toutes  leurs composantes : Union européenne, État, Conseil régional, Conseil général, CNCF, Fondation du patrimoine, mais également à des mécènes privés.

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Le point Z aiguillait les convois de déportés vers Auschwitz

Le Mémorial de la Shoah et la Fondation pour la mémoire de la Shoah sont associés au projet. De même, les associations, les habitants de Bobigny ainsi que toutes les personnes qui le désirent sont invités à s’exprimer sur le projet. Cette volonté se traduit par la mise en place d’un comité de préfiguration qui réunit les principaux partenaires institutionnels et associatifs scientifiques qui élaborent le projet pédagogique et culturel. La phase de préfiguration doit permettre de réaliser des pré-études techniques, d’élaborer un contenu pédagogique et scientifique, de procéder à la dépolution du site et de réunir les acteurs autour d’une volonté commune. L’ouverture du site se fera vers 2013.



06/12/2013
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