LES CHRONIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

LA BATAILLE DE STALINGRAD

La bataille de Stalingrad ne fut pas seulement un affrontement titanesque entre l’Armée rouge et la Wehrmacht mais aussi un champ d’expérimentation de la guerre en zone urbaine, Moins décisive stratégiquement qu’on ne l’a dit, elle aura démontré les limites de l’armée allemande et symbolisé la défaite politique du IIIe Reich.

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Vue de Stalingrad pendant un bombardement aérien allemand, novembre 1942

Sept décinies après la reddition de la VIe armée du maréchal Pulus, près de soixante ans après que le dernier prisonniers allemand ait enfin été autorisé à retourner dans ce qui avait été son pays, et après que la ville ait été rebaptisée Volgograd, la seule évocation du nom de Stalingrad fait immédiatement surgir des images tragiques et frappe toujours autant les imaginations y compris de ceux qui sont peu férus d’histoire. Aujourd’hui encore, ce nom reste un symbole de la lutte contre le nazisme.

Alors que la Wehrmacht a été stoppé à Moscou pendant l’hiver1941. Mettant un terme à une avancée spectaculaire depuis le déclenchement de l’opération Barbarossa, le 22 juin 1941, elle est repartie à l’assaut au printemp 1942. Elle fait, cette fois porter l’essentiel de son effort sur le front sud car, en raison des pertes gigantesques de l’année précédente, elle ne peut plus attaquer dans toutes les directions. À nouveau, l’Armée rouge doit reculer dans le chaos en subissant des pertes énormes. Ce plan bleu, les Allemands le lancent pour s’emparer des pétroles du Caucasse et couper l’une des principales routes par lesquelles transite l’aide anglosaxonne aux Soviétiques qui remonte depuis l’Iran. Il s’agit de vaincre l’URSS au plus tôt, et en tout cas liquider ce front avant l’arrivée massive des troupes Américaines en Europe.

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Vue des ruines au sud de la ville de Stalingrad et du silo à grains, septembre-octobre 1942

Mais les Allemands commettent l’erreur de diviser leurs forces une fois que leur offensive quitte l’Ukraine pour pénétrer en Russie au sud. Une partie des forces se dirige vers le Caucasse, tandis que l’autre poursuit sa route vers l’est afin de protéger les flancs des forces précédentes et aussi tenter de couper le cours de la Volga. Du coup, la pointe sud finie par être ralentie par la résistance soviétique à la fin de l’été. Stratégiquement, le plan bleu a d’ores et déjà échoué, tout au moins pour ce qui concerne l’année 1942. L’effort se porte alors sur Stalingrad, qui ne constituait pas véritablement un objecti jusque-là. La cité est investie, le 23 août, par la VIe Armée du général Paulus, après avoir été réduite en ruines par de très nombreux raids aériens.

Les Soviétiques ont décidé de ne plus reculer. Stalingrad doit être tenue coûte que coûte, les pétroles de Bacou transide par la Volga et la ville abritent un très important nœud ferroviaire ainsi que des industries lourdes. Pour la défendre, la 62e armée commandée par le général Tchouïkov et des milices ouvrières locales. Ces forces seront constamment maintenues à la limite de l’inxtinction totale par l’arrivée de renforts qui sont réinjectés au fil des jours dans la ville à travers la Volga. Au fur et à mesure de son avance, dans l’agglomération, la Wehrmacht se retrouve prise au piège de la guerre urbaine. Guerre atroce et la plus difficile de toutes les formes de guerre imaginables, ne serait-ce que parce qu’elle rassemble, tout à la fois, les caratéristiques du combat les plus archaïques, et celles du combat le plus important et le plus technique, C’est durant ces mois de l’automne 1942 que pratiquement tous les paradigmes tactiques de la guerre en zone urbaine furent créés et ils sont encore globalement en vigeur de nos jours.

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Aire de rassemblement de la population civile restée dans la zone de combat, septembre-octobre 1942

À ce jeu terrible les Soviétiques, vont exceller, ce qui ne les empêchera pas de payer un prix exorbitant en termes de vies humaines. Tous les combattants vont vivre un enfer digne de celui de Dante. Combattants soviétiques et allemands sont litéralement imbriqués. Il y a plus de front et les positions sont parfois à quelques mètres les uns des autres; on se bat autant à distance de tir qu'au corps à corps. Dans une telle configuration, la Wehrmacht perd l’essentiel de ses atouts mobilité, puissance de feu, professionnalisme, modernité. Mais elle avance tout de même, lentement, trop lentement. Elle inflige des pertes inouïs à son adversaire, mais elle en subit aussi, et dans des proportions encore jamais vues. Elle s’épuise et son rytme de progression est de plus en plus lent : s’il se calculait en kilomètres en septembre il se calcule en mètres en novembre, lorsque les positions soviétiques sont réduites à une mince bande courant le long de la Volga.

Les Allemands envoient toujours plus de renforts, mais les Soviétiques aussi. Ces derniers peuvent se le permettre, tandis que les Allemands sont obligés de retirer des troupes de leur axe de progression vers le Caucase, qui s’en trouve affaibli d’autant. Pendant neuf semaines, les combats se poursuivent sans pour autant être décisifs. Pendant ce temps les Soviétiques amassent des renforts considérables dans les steppes au nord et au sud de la ville. Les flancs du dispositif de l’Axe menant à Salingrad sont tenus par des unités italiennes, hongrois, Roumains faibles et très mal équipées. Le renseignement Allemand ne voit rien. Le 19 novembre 1942, l’Armée rouge lance l’opération Uranus un gigantesque double envelloppement partant à la fois du nord au sud et qui bouscule les positions tenus par les Roumains et les autres armées alliése.

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Depuis les lignes Allemandes, sur les rives de la Volga, une vue de la ville et des ruines. Barricade rouge dans le lointain, hiver 1942-1943

Quatre jours plus tard, les deux tenailles de la pince font leur jonction à 80 kms à l’ouest de Stalingrad. La VIe armée est encerclée. La Luftwaffe arrive de moin en moins à la ravitailler, Vivres, munitions, médicaments tout vient à manquer. La VIe armée se clauchardise peu à peu. Plus au sud le maréchal von Manstein tente une audacieuse opération blindée en direction de la ville assiégée pour venir au secour de Paulus et de ses hommes, mais échoue. Dès lors le sort de la VIe armée est cellé : ce n’ait plus qu’une question de temps. Les Soviétiques vont alors l’écraser et la tronçonner méthodiquement, le 2 décembre 1943. Paulus se rend avec toutes les troupes encore sous ses ordres, soit 91 000 hommes dont seul 6000 survivront à la guerre. Quant aux forces Allemandes avancées en direction du Caucase, elles n’ont plus qu’a effectuer leur retrait précipité afin d’éviter le même sort.

Bilan politico- militaire

Fin mars 1943, les armées du Reich sont revenues grosso modo aux positions qu’elles occupaient au mois de mai l’année précédente, c’est-à-dire au moment du déclenchement du plan Bleu. L’offensive de 1942 n’a servi à rien et la situation générale des Allemands est incomparablement pire. Une armée a été perdue à Stalingrad. Aucun des objectifs du plan n’a été atteint, à commencer par les pétroles de Bakou. Plusieurs armées alliées de l’Allemagne ont également été anéanties (deux armées roumaines, une armée hongroise et une armée italienne), et l’alliance avec ces pays en sort considérablement affaiblie.

Elle est au bord de l’éclatement; L’Allemagne va se retrouver quasiment seule. Les pertes Allemandes s’élèvent à 280 000 hommes, soit autant que pour l’ensemble du front de l’Est entre le déclenchement de l’opération Barbarossa (22 juin 1941) et le 20 mars 1942, ce qui est irrattrapable! Quant à ses Alliés, leurs pertes sont aussi monstrueuses; près de 130 000 italiens, 117 000 Hongrois, 109 000 Roumains. Au total, l’Axe perd dans cette campagne environ 760 000 hommes, soit l’équivalent de cinquante divisions. Les pertes matérielles sont également considérables.

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La ville de Stalingrad en 1942-1943

Première conséquence pour l’ensemble du front : l’armée allemande va devoir encore réduire le nombre de combattants par kilomètre de front; il lui manque 825 000 hommes à l’Est. En Allemagne même, et malgré tous les efforts de la propagande et de l’appareil policier du régime pour masquer l’ampleur de la catastrophe, les bruits circulent, certains amplifiés par la rumeur, mais qui n’en reflètent pas moins la réalité de cette déroute. Ceux qui commence à douter du régime, mais surtout ceux qui doutent de la victoire sont de plus en plus nombreux. Le morale de l’arrière est sérieusement atteint. Beaucoup pensent que le tournant de la guerre vient de se produire, que la seule question qui compte désormais est de savoir quand la défaite arrivera.

Il est vrai que le psyché allemande est depuis très longtemps formatée pour penser la guerre en termes de bataille décisive, et c’est Hitler lui-même qui subit ce ressentiment d’une défaite. Techniquement, c’est relativement injustifié, car il n’est pas le seul à avoir commis de graves erreurs et pris de mauvaises décisions, mais c’est politiquement inévitable dans la mesure où le pouvoir nazi est aussi symboliquement concentré sur sa personne.

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Fantassins soviétiques au combat dans les ruines de l’usine de tracteurs, octobre-novembre 1942-1943

Pourtant par-delà cet énorme retentissement, les travaux récents de l’historien Jean Lopez notamment, qui font autorité sur cette question, nous incitent à réévaluer les effets stratégiques et militaires de cette défaite. Globalement, il reste incontestable que les Soviétiques ont de quoi être fiers de leur victoire, Ils ont repoussé les Allemands, les ont empêchés d’atteindre leurs objectifs dans cette campagne et leur ont infligé une défaite sans appel. Ils ont dominé la Wehrmacht dans tous les domaines : planification, choix du lieu et du moment de la percée, bonne anticipation des réactions adverses, vision stratégique, le tout sans bénéficier d’une grande supériorité quantitative. Les pertes humaines sont certes terribles on les évalue aujourd’hui à 1 130 000 hommes et les pertes matérielles gigantesques.

Mais le réservoir humain est loin d’être épuisé et, surtout l’industrie est à même de les remplacer, et même bien plus! Cet exploit productif a été rendu possible, dans des conditions dantesques, par la relocalisation de centaines d’usines de l’ouest du pays vers L’Oural, hors  d’atteinte de l’aviation allemande. À la fin de 1942, elles tournent à plein régime. Quant à l’aide des Alliés elle continue elle aussi à arriver en URSS. Le morale remonte lui aussi en flèche l’Allemagne n’est plus invincible. Par ailleurs, commençant enfin à avoir confiance dans son armée, Staline revalorise le statut des officiers notamment en mettant fin au système du double commandement : les commissaires politiques perdent une grande partie de leur pouvoir. Mesure symbolique supplémentaire : les épaulettes, symbole honni de l’armée aristocratique de la période tsariste, sont rétablies.

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Carte des opérations de novembre 1942 à mars 1943

Pourtant, force de constater que l’Armée rouge n’est pas encore au niveau de son adversaire, elle ne maîtrise pas encore pleinement toutes les subtilités ni toutes les implications de l’art des opérations. La situation stratégique de l’URSS ainsi que les erreurs allemandes ont incontestablement pesé sur l’issue de la campagne. Parallèlement à l’opération Uranus, de grandes opérations ont été lancées dans d’autres secteurs du front et se sont, elles tragiquement terminées pour les Soviétiques, notamment au sud de Moscou. De cela, ni la propagande ni l’historiographie soviétique ne diront jamais rien, ou presque. Aujourd’hui encore, les Russes peinent encore à admettre cette réalité. Grisés par la reddition de la VIe armée ils ont voulu poursuivre sur leur lancée alors qu’ils n’en avaient ni les moyens intellectuels. Manstein va à nouveau lancer des contres-attaques meurtrières dès la fin février 1943, regagnant provisoirement l’initiative.

La victoire de Stalingrad n’a pas donné tous les dividendes escomptés. Les dirigeants militaires soviétiques doivent se rendre à l’évidence : la Wehrmacht n’est pas morte à Stalingrad. La Panzerwaffe lui reste supérieure, de même que la Luftwaffe. À l’évidence, la guerre sera encore longue. Cependant les Allemands ne perçoivent pas que l’Armée rouge évolue, apprend, s’améliore considérablement, surtout leur renseignement a été incapable non seulement de comprendre le sursaut industriel soviétique, mais aussi de percevoir les immenses préparatifs de l’Armée rouge en vue de l’opération Uranus. Et puis quant bien même auraient-ils gagné à Stalingrad que cela n’aurait rien changé sur le fond : les Alliés auraient gagné un peu plus tard, et un peu plus difficilement.

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Évacuation des blessés sur un terrain d’aviation allemand, 24 septembre 1942

Stalingrad n’est pas à proprement parler le tournant de la guerre, il s’agit bien d’un événement majeur dans les opérations militaires sur le front de l’Est. Parler de tournant serait un abus, aussi importante qu’ait pu être cette campagne. En revanche, c’est l’ansemble de l’année 1942 qui constitue le tournant de la Seconde Guerre mondiale. Et Stalingrad en constitue le point d’orgue, à tous égards. Victoire spectaculaire, importante mais non décisive, elle est l’occasion d’une prise de conscience, en retard sur la réalité, parmi les peuples de l’Axe est en train de perdre la guerre, au moins depuis la seconde moitié de l’année 1941! Après la défaite sur la Volga, la Wehrmacht a définitivement perdu les moyens de mener des actions décésives, comme les années précédentes. Elle a laissé échapper pour toujour l’initiative stratégique. De son côté L’URSS a gagné de l’assurance qu’elle survivera, que son destin ne sera pas celui de la Russie de Nicolas II. Mais elle a encore beaucoup de chemin avant Berlin et beaucoup de larmes à verser.

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Retraite des troupes italo-allemandes pendant l’offensive soviétique et la bataille de Nicolaïev, janvier 1943

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Colonne de prisonniers allemands à la fin de la bataille de Stalingrad, hiver 1943



17/01/2014
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