MARIE-MADELEINE FOUCADE
Marie-Madeleine Fourcade, née à Marseille le 8 novembre 1909 et morte le 20 juillet 1989 à Paris, a été, pendant la Seconde Guerre mondiale en France, responsable de l'un des plus importants réseaux de résistance Alliance, qui agit pour les Britanniques. Elle succède comme chef de réseau à son fondateur Georges Loustaunau-Lacau après son arrestation, en 1941. Elle est la seule femme à avoir été chef d’un grand réseau de résistance en France, et l’une des rares avec la Belge Andrée De Jongh.
La Résistance
Elle prend en 1941 la tête du réseau dont le commandant Léon Faye est le chef militaire. Elle organise le 4 novembre 1942, le départ en sous-marin depuis Le-Lavandou, du général Giraud, qui doit accueillir le débarquement allié à Alger. Arrêtée avec son état-major le 10 novembre 1942, elle s'évade et peut rejoindre Londres d'où elle dirige le réseau, qui finit par se rattacher au BCRA gaulliste, sous le pseudonyme Hérisson jusqu'à la capitulation allemande. Elle revient en France en 1943 et est capturée en juillet 1944 avant de s'évader à nouveau. En 1945, elle crée et prend la présidence de l'Association Amicale Alliance. Elle se charge alors de l'homologation de ses 3 000 agents, survivants ou disparus, ainsi que des œuvres sociales et de la publication du Mémorial de l'Alliance dédié aux 429 morts du réseau.
Marie-Madeleine Fourcade et André Girard lors d'une cérémonie au veilleur de pierre (Lyon, 1958).
Publiée en 1968 sous le titre L'Arche de Noé, la légende du réseau est un véritable best-seller. Elle préside le Comité d'action de la Résistance depuis décembre 1962 ainsi que le jury d'honneur de Maurice Papon en 1981. Remariée, mère de cinq enfants, commandeur de la Légion d'honneur, vice-présidente de l'Union Internationale de la Résistance et de la Déportation depuis 1960 et de l'Association nationale des médaillés de la Résistance (depuis 1947), membre de la LICRA, Marie-Madeleine Fourcade est représentante à l'assemblée des Communautés européennes (1981-1982) et préside en 1982 la Défense des intérêts de la France en Europe. Ses derniers combats furent pour le règlement de la crise libanaise et le procès Klaus Barbie à Lyon. Marie-Madeleine Fourcade meurt le 20 juillet 1989 à l'Hôpital militaire du Val-de-Grâce ; le gouvernement et les derniers survivants du réseau lui rendent un hommage solennel le 26 juillet à l'occasion de ses obsèques en l'église Saint-Louis des Invalides et de son inhumation au Cimetière du Père-Lachaise à Paris (division 90).
HONORÉ D'ÉTIENNE D'ORVES
Henri Louis Honoré d’Estienne d’Orves (5 juin 1901 à Verrières-le-Buisson - 29 août 1941 à Suresnes) est un officier de marine français, héros de la Seconde Guerre mondiale, martyr de la Résistance, mort pour la France. Le réseau de renseignement de la France libre, qu'il a organisé avec Jan Doornik, Maurice Barlier et d'autres s'appelait Nemrod. Honoré d’Estienne-d’Orves naît à Verrières-le-Buisson, fief de sa famille maternelle, les Vilmorin (il était le cousin germain de Louise de Vilmorin). Sa famille paternelle (son père porte le titre de noblesse de comte), de vieille souche provençale est royaliste légitimiste ; il descend du général vendéen Charles d'Autichamp, et à la maison le drapeau blanc est, comme chez les Hauteclocque d’ailleurs, de rigueur.
Il entre, en 1910, au lycée Saint-Louis-de-Gonzague, puis rejoint Louis-le-Grand en 1919 pour préparer le concours d'entrée à l'École polytechnique, où il entre en 1921. Parallèlement, il participe au groupement confessionnel catholique des Équipes sociales de Robert Garric. Lycéen proche de l'Action française, il abandonne la politique en entrant à Polytechnique[6]. Sorti de l'École polytechnique en 1923, Honoré d'Estienne d'Orves s'engage dans la marine, élève officier à l'École navale. Il participe à la campagne d'application à bord du croiseur école Jeanne d'Arc.
En 1929, il épouse Éliane de Lorgeril avec qui il aura cinq enfants. Lieutenant de vaisseau à partir de 1930, il est affecté en décembre 1939 à bord du croiseur lourd Duquesne, en tant qu'officier d'ordonnance de l'amiral Godfroy, commandant la Force X. Cette escadre se trouvant internée à Alexandrie au moment de l'armistice de juin 1940, d'Estienne d'Orves ne se satisfait pas de l'inaction à laquelle il est contraint.
Arrestation
À son retour à Nantes, il est trahi par le quartier-maître radiotélégraphiste Marty qui est en réalité un agent du contre-espionnage allemand du nom de Gaessler. Il est arrêté le 22 janvier 1941, ainsi que les époux Clément, chez qui il se trouvait, et, par la suite, les vingt-trois autres membres du réseau. Les accusés sont transférés à Berlin puis à Paris où, le 23 mai, la cour martiale allemande condamne à mort d'Estienne d'Orves ainsi que huit de ses camarades qui sont transférés à Fresnes. Cependant les condamnés ne sont pas immédiatement exécutés. Ce sursis peut s'expliquer par la volonté du général von Stülpnagel, commandant des forces d'occupation en France, de garder des otages pour une occasion spectaculaire[7]. Il est aussi possible qu'il ait été tenu compte de la forte émotion provoquée par la condamnation d'un officier de marine, au point de susciter l'intervention du gouvernement de Vichy auprès des autorités allemandes. L'amiral Darlan, vice-président du Conseil, intervient, le 25 mai 1941, dans le cadre de ses tractations avec les Allemands concernant les Protocoles de Paris, pour demander la grâce de d'Estienne d'Orves à l'amiral Canaris, en proposant en échange la fourniture de renseignements provenant du centre d'écoutes secret des Oudaïas (Rabat), afin que les Allemands soient informés sur les mouvements de la Marine britannique et le 27 mai des militaires français, proches de la Résistance, sont arrêtés, dont André Beaufre, semble-t-il (selon Loustaunau-Lacau) sur instructions de Darlan.
Exécution
Le 22 juin 1941, c'est l'entrée en guerre de l'URSS et le 21 août 1941, le résistant communiste Pierre Georges, le futur colonel Fabien, abat l'aspirant d'intendance de la Kriegsmarine Moser au métro Barbès. Le lendemain, les Allemands promulguent une ordonnance transformant les prisonniers Français en otages et le général von Stülpnagel profite de l'occasion pour faire un exemple. En représailles, cent otages seront exécutés dont d’Estienne d’Orves le 29 août 1941 au Mont-Valérien, en compagnie de Maurice Barlier, sous-lieutenant FFL et de Jan Doornik, officier hollandais. D’Estienne d’Orves a laissé un journal où il exalte sa foi patriotique et sa ferveur religieuse, ainsi que des lettres émouvantes à sa famille.
Décorations
Chevalier de la Légion d'honneur
Compagnon de la Libération - décret du 30 octobre 1944, à titre posthume
Officier du Ouissam alaouite du Royaume du Maroc
Officier de l'ordre Pour la couronnede Roumanie
Officier du Mérite militaire bulgare
Chevalier de l'Épi d'Or de Chine
BERTY ALBERCHT
Berty Albrecht, née Berthe, Pauline, Mariette Wild, née le 15 février 1893 à Marseille, est une résistante française. Décédée à la prison de Fresnes le 31 mai 1943 par pendaison, elle est l'une des six femmes Compagnons de la Libération et l'une des deux femmes inhumées dans la crypte du Mémorial de la France combattante au mont Valérien. Berty (parfois orthographié Bertie ou Berthie) Wild est issue d'une famille protestante d'origine suisse de la bourgeoisie marseillaise. Elle fait ses études à Marseille, puis à Lausanne, et obtient son diplôme d'infirmière en 1911. Elle part alors pour Londres, où elle travaille comme surveillante dans une pension de jeunes filles. Au début de la Première Guerre mondiale, elle retourne à Marseille où elle travaille pour la Croix-Rouge dans plusieurs hôpitaux militaires.
En 1918, elle épouse à Rotterdam le banquier néerlandais Frédéric Albrecht, dont elle aura deux enfants, Frédéric et Mireille. Le couple vit aux Pays-Bas, puis s'installe à Londres en 1924. C'est là qu'elle rencontre les féministes anglaises et se passionne pour la condition des femmes.
Séparée de son époux, elle s'installe à Paris en 1931 et se lie avec Victor Basch, professeur à la Sorbonne et président de la Ligue des droits de l'homme. Dans un pays où les femmes n'ont pas le droit de voter, où la contraception est rudimentaire, inefficace, peu accessible, l'avortement lourdement sanctionné, elle crée en 1933 une revue féministe, Le Problème sexuel.
Antifascisme
En 1937, Berty suit la formation de l'école des surintendantes d’usine dont la directrice est Jane Sivadon. Assistante sociale, elle travaille dans une fabrique d'instruments optiques.
Lucide sur la réalité du nazisme, Berty accueille en 1933 des réfugiés allemands dans sa maison de Sainte-Maxime, villa La Farigoulette au lieu-dit de Beauvallon, où elle rencontre le capitaine Henri Frenay. Frenay, qui appartient alors à la droite nationaliste et paternaliste, subit profondément l'influence de son amie.
Résistance
À Vichy et à Lyon, Berty Albrecht participe à toutes les initiatives de Frenay résistant qui fonde le Mouvement de Libération Nationale, plus tard rebaptisé Mouvement de Libération Française. En décembre 1940, elle prend en charge la fabrication du Bulletin bi-hebdomadaire du capitaine. Grâce aux contacts de Berty, Pierre de Froment et Robert Guédon peuvent développer leur action en zone occupée et en zone interdite.
Fin 1941, Albrecht et Frenay reconnaissent le général de Gaulle en tant que symbole de la Résistance, mais renâclent à accepter son autorité. Peu à peu, Frenay se détache de la Révolution nationale qu'Albrecht avait toujours rejetée. Ensemble, ils lancent successivement trois journaux : après le Bulletin, Les Petites Ailes de France, puis Vérités et enfin Combat. Leur mouvement prend alors le nom de Combat.
En 1941, commissaire au chômage de la ville de Lyon, Berty, fonctionnaire de l'État français, militante connue d'avant-guerre, est surveillée de près par la police française et, sans doute, par les services allemands. Elle organise le service social qui, en zone libre, aide les militants emprisonnés et leur famille. Arrêtée en 1942 par la Surveillance du Territoire, Berty s'évade et entre dans la clandestinité.
Plaque apposée au no 16 de la rue de l'Université, Paris 7e, où habita Berty Albrecht
L'invasion de la zone libre change la situation. Prise par l'Abwehr le 28 mai 1943 à Mâcon, Berty est d'abord incarcérée à la prison du Fort Montluc (Lyon). Le 31 mai, elle est transférée à la prison de Fresnes dans le quartier des droits communs où elle est retrouvée pendue le même jour, probablement par suicide en vue pour elle d'éviter de parler sous la torture. Le 26 août, elle est faite Compagnon de la Libération. En mai 1945, son corps est retrouvé dans le jardin-potager de la prison.
Après-guerre
Le 29 octobre 1945, le nom de Berty Albrecht est tiré au sort pour inhumation au Mont Valérien, à Suresnes, dans le Mémorial de la France combattante, avec quinze autres noms, dont celui de Renée Lévy. La cérémonie a lieu le 11 novembre 1945.
Distinctions
Compagnons de la Libération : elle est l'une des six femmes nommées dans cet ordre
Médaille militaire à titre posthume
Croix de guerre 1939-1945 avec palme
Médaille de la Résistance avec rosette
CHARLES DELESTRAIN
Charles Delestraint (né le 12 mars 1879 à Biache-Saint-Vaast dans le Pas-de-Calais - mort le 19 avril 1945 à Dachau en Allemagne) est un général français, héros de la Résistance, premier chef de l'Armée secrète. Après des études secondaires à Lille, Charles Delestraint, fils de comptable, entre à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr en 1897. Admis à l'École de Guerre en mars 1914, le capitaine Delestraint s'illustre en août 1914 dans une mission spéciale près de Haybes, en Belgique où il permet la liaison des IVe Armée et Ve Armée. Il est fait prisonnier le 30 août 1914 lors de l'attaque de Chesnois-Auboncourt et ne sera libéré qu'en 1918.
Régulièrement promu de 1918 à 1936 jusqu'au grade de colonel, il commande la 3e Brigade de Chars au Quartier Lizé à Metz et compte le colonel Charles de Gaulle parmi ses subordonnés. Les deux hommes ont hérité du général Jean-Baptiste Eugène Estienne la même vision novatrice de l'utilisation des blindés dans la stratégie moderne. Le 23 décembre 1936, Charles Delestraint est élevé au grade de général de brigade.
Inscription sur les murs du Panthéon de Paris
Le général Delestraint, placé dans le cadre de réserve depuis mars 1939 pour cause de limite d'âge, est rappelé dans le cadre d'active le 1er septembre 1939 lors de la mobilisation générale de septembre 1939. Il commande les chars de combat de la VIIe Armée puis, à compter du 2 juin 1940, le Groupement Cuirassé, avec lequel il couvre le repli de deux armées et réduit la poche d'Abbeville.
Résistance
Delestraint refuse la défaite et l'armistice. En août 1942, après avis d'Henri Frenay, et sur proposition de Jean Moulin, le Général de Gaulle le choisit pour organiser et commander l'Armée secrète qui doit regrouper différents mouvements de la Résistance en zone Sud : Combat, Libération et Franc-Tireur. Delestraint prend le pseudonyme de Vidal et travaille en coordination avec Jean Moulin pour élargir la structure à la zone Nord. Il avait comme secrétaire pendant cette période François-Yves Guillin, comme chef du 2e bureau de son état-major Joseph Gastaldo dont l'adjoint est André Lassagne.
Arrestation et déportation
Le général est arrêté par un agent de l'Abwehr de Dijon au métro Rue de la Pompe, le 9 juin 1943, quelques jours avant l'arrestation de Jean Moulin, alors qu'il a rendez-vous avec Joseph Gastaldo. Après plus de 50 heures d'interrogatoire ininterrompu, le général Delestraint est placé en détention à la maison d'arrêt de Fresnes en juillet 1943 puis déporté, en application du décret Nacht und Nebel, au camp de concentration de Natzwiller-Struthof en Alsace.
Transféré au camp de Dachau en septembre 1944, il aurait été abattu, sur ordre, d'une balle dans la nuque le 19 avril 1945 quelques jours avant l'arrivée des Alliés. Cependant selon le récit en 1946 d'un témoin oculaire, M. Penchenat, déporté à Dachau qui en sa qualité de chiropracteur était affecté à l'infirmerie, le général était mort dans ses bras des suites d'une dysenterie et autres mauvais traitements. Son corps est incinéré au crématoire du camp.
DE L’ARRESTATION DU 21 JUIN 1943 À L’AFFAIRE DE CALUIRE
La rencontre de Caluire du 21 juin 1943 est marquée par les affrontements internes entre Jean Moulin et les chefs de la Résistance en zone sud, rétifs à son autorité. Une réunion au cours de laquelle il sera arrêté, puis remis à Klauss Barbie, dans des conditions qui ne sont pas élucidées. Un épisode tragique qui continue de susciter des contreverses.
Le 21 juin lors d’une réunion clendestine qui se tient dans la banlieue lyonnaise, à Caluire, dans la maison du Docteur Dugoujon, une dizaine de policiers du SD (service de sécurité allemand) ainsi que les membres du Sipo (service de sureté) font irruption et arrêtent, outre le médecin et quelques patientes Jean Moulin, Raymond Aubrac et André Lassagne de Libération-Sud. Henry Aubry et René Hardy, tous deux membres de Combat (Hardy étant aussi en charge du Nap-fer), le colonel Lacaze (à la tête du 4e bureau de l’AS), le colonel Schwarzfeld, responsable du mouvement lyonnais France d’abord, ainsi que Bruno Larat, un agent londonien qui avait rejoint la France, en février 1943, pour renforcer le service de liaisons aériennes et maritimes.
Tous les prisonniers, à l’exception de Hardy qui réussit à s’enfuir sont dirigés avenue Berthelot à l’École de Santé militaire, siège du Sipo-SD, puis emprisonnés à Montluc. Cette arrestation scellera le destin de Jean Moulin, de Bruno Larat et du colonel Schwarzfeld. L’identité de Moulin ne fut percée à jour par Barbie que le 24 ou 35 juin. Cette vague d’arrestations fait suite à celles qui avaient été effectuées en Provence en avril 1943. Elle avait conduit au démantèlement de filières (122 personnes arrêtées dont 17 relâchées faute de preuves suffisantes) et au retournement d’un agent marseillais, Jean Multon dit Lunel. Sur ses indigations tout s’enchaîne.
Le SD de Marseille intercepte un message fixant rendez-vous entre René Hardy et le général Delestrain. Le 7 juin Hardy prend le train de nuit Paris Lyon pour rencontrer un responsable de la Résistance-fer. Il n’aurait pas eu connaissance de la réunion parisienne du 9 juin. Pendant le trajet, il est arrêté sous son vrai nom à Chalon-sur-Saône et conduit à Lyon au siège du SD, dirigé par Barbie, où il aurait accepté de travailler pour les Allemand. Une semaine plus tard, il réapparaît à Lyon, le 9 juin, le SD arrête le général Delestrain bien que Hardy n’y soit pour rien. Prévenu de cette arrestation, Jean Moulin décide de tenir, le 21 juin une réunion consacré à l’Armée secrète, avec l’intention de nommer des responsables intérinaires, Raymond Aubrac pour la zone nord, le colonel Schwarzfeld pour la zone sud.
Les soupçons
René Hardy lors de son premier procès, janvier 1947
Bien qu’il soit reconnu comme un résistant authentique, une partie des résistants soupçonnent immédiatement René Hardy, présent à la réunion de Caluire, alors qu’il n’était pas convié, d’avoir provoqué un gué-apens qui a abouti à son arrestation et à celle de ses camarades. Il est le seul à avoir réussit à s’échapper. Caché dans un fossé, blessé au bras par un chauffeur allemand, il se réfugie chez une amie, madame Damas. La police française le récupère et le transfère à l’hôpital de l’Antiquaille; il s’échappe à nouveau et gagne le Limousin où il est hébergé par les époux Schmitdt. Presque tous les membres de Combat, Pierre Guillain de Bénouville en tête, font bloc derrière Henri Frenay pour le défendre. Au contraire, les autres responsables de mouvements, Pascal Copeau de Libération et Eugène Claudius-Petit pour Franc-Tireur sont convaincus de sa culpabilité.
Plusieurs documents à charge figurent dans les dossiers d’instruction, entre autre l’intérogatoire du 25 juin 1943 par le commissaire de police de sureté à l’hôpital de l’Antiquaille. Le rapport postérieur du commissaire Henri, de son vrai nom Charles Porte (août 1943), signale qu’Hardy accumule les imprudences, faisant des déclarations superflues à la police de Vichy. En juin 1944, Hardy est interrogé par la Sûreté militaire d’Alger. Malgré une accumulation de faits troublants, il est conclu à la non-culpabilité de Hardy. La découverte en septembre 1944, au siège du Sipo-SD de Marseille (rue Paradis), par les services de la DGER (services secrets), d’un document que l’on nomme le rapport Flora, daté du 19 juillet 1943, entraîne l’inculpation de René Hardy comme agent double, entrée au service du SD et responsable des arrestations de Caluire. De plus, la saisie dans les papiers de la Wilhemstasse (ministère des Affaires étrangères du IIIe Reich) d’un rapport, le rapport Karltenbrunner, daté du 29 juin 1943, est de nature à conforté la thèse de la culpabilité. Suivent alors deux procès.
École de service de santé militaire, avenue Berthelot, siège de la Gestapo à Lyon
Les procès
Le premier procès s’ouvre en janvier 1947 devant la cour de justice de la Seine, compétente pour traiter des affaires de trahison dans une atmosphère d’affrontements entre résistants, sur fond de guerre froide. Le PCF accuse Hardy et ses protecteurs Henry Frenay et Pierre Guillain de Bénouville. Finalement Hardy est aquitté au bénéfice du doute, le 24 janvier 1947. Deux mois jour pour jour après son aquittement, Hardy doit avouer, après avoir été reconnu par un agent de l’agence des wagons-lits et suite à la découverte de billet de sa couchette, qu’il avait bien été arreté dans la nuit du 7 au 8 juin 1943 et tranféré à Lyon pour y être interrogé à l’École de Santé militaire par Barbie, chef de la section IV du DS.
Son arrestation a été confrontée par le témoignage de Cressol, qui a partagé le même compartiment qu’Hardy et qui a été témoin de la scène. Autre témoignage interessant : celui de Lazare Rachline dit Rachet expliquant qu’Hardy lui aurait dit, sachant qu'il connaissait Bénouville : si je suis arrêté, veuillez prévenir Bénouville que Lunel est dans le train. Incarcéré, Hardy est renvoyé devant le Tribunal militaire permanent de la Seine.
Couloir de la prison de Montluc
Souvre le second procès le 24 avril 1950. La nouveauté de l’intruction tient à ce que, pour la première fois, sont sollicités les Allemands qui ont participé aux arrestations de Caluire, notamment Klaus Barbie. Celui-ci affirme haut et fort qu’Hardy a livré à la Gestapo non seulement le programme de sabotage-fer mais qu' il a indiqué une réunion des chefs de la Résistance le 21 juin 1943, finalement Hardy est aquitté à la minorité de faveur, en mai 1950, car la condamnation n’a pas été acquise à la majorité d’au moins deux voix, requise selon le code de la justice militaire.
Dans le rapport Flora rédigé par le responsable du SD de Marseille, Ernst Dunker-Delage et s’appuyant sur les révélations de Jean Multon alias Lunel, il est écrit qu’Hardy, connu par les Allemands sous le pseudonyme de Didot, a été arrêté sur les instigations de Multon alors qu’il se rendait à Paris. Conduit à la Gestapo de Lyon, il a été utilisé comme un contre-agent, ce qui a permis de faire arrêter le 25 juin à Lyon Moulin, alias Max, alias Regis, délégué personnel du général De Gaulle, président du Comité directeur des MUR, en même temps que cinq chefs des mouvements unis. (Selon les versions de Daniel Cordier reprise par Jean-Pierre Azéma la date du 25 juin mentionnée pour les arrestations est en réalité celle du jour où Jean Moulin a été identifié. Il aurait été identifié grâce à des aveux d’Henri Aubry qui a lâché le nom sous la torture). Ce qui est sûr, c’est que le rapport Flora, découvert en septembre 1944, sera l’une des pièces à charge dans les procédures intentées contre Hardy. Ajoutons à cela que Multon n’a jamais varié dans sa déposition et qu’il a toujours affirmé que Hardy avait donné la réunion de Caluire.
Dans les documents des Archives du tribunal militaire du second procès, on constate qu'un grand nombre de témoins mettent l’accent sur le comportement pour le moins troublant d’Hardy. Pratiquement tous les rescapés de Caluire, qu’il s’agisse d’Aubrac de Lacaze ou d’Aubry, impute leur arrestation à Hardy. Ainsi Aubrac : j’ai pensé dè le premier jour qu’il était impossible qu’un homme ait pu s’évader sans la complicité des Allemands. Il en va de même pour l’évasion de l’hôpital. De son côté, le colonel Lacaze affirme que : si Hardy n’avait pas eu connaissance de la réunion, nous n’aurions pas été arrêtés.
Aubry accuse également Hardy d’avoir été à l’origine des arrestations. En revanche, Henri Frenay et Pierre Guillain de Bénouville sont persuadés du contraire. Les témoins directs de la scène de Caluire, comme le Dr Dugoujon, Marguerite Brossier (la femme de ménage), Claude Rougis (un cantonnier) s’étonne du manque de zèle des Allemands à poursuivre le fuyard. Le directeur de l’hôpital où il est soigné aurait appris par un ami chargé des services du contre-espionnage que Hardy était un agent double. Les témoignages allemands confortent la thèse de la culpabilité. Barbie reconnaît que René Hardy s’est toujours montré compréhensif et que, sa première arrestation, il a accepté de travailler pour lui et a été vite libéré. Il affirme qu’une mise en scène a été organisée par Hardy et par lui-même et que l’opération de Caluire a réussi.
En l’état actuel des sources, la responsabilité des arrestations de Caluire et de la chute de Max pèsent sur trois hommes, tous les trois membres du groupe Combat Henry Aubry, Pierre Guillain de Bénouville, René Hardy. Il semble bien que ce dernier ne soit pas rendu à Caluire de sa propre initiative. Si l’on s’en tient à la déclaration d’Aubry en 1945, c’est lui qui aurait parlé à Hardy de la réunion mais ce serait Bénouville (Barrès) qui aurait prévenue Hardy de la tenue d’une réunion pour désigner le remplaçant du général Delestrain. Au sein de Combat, il avait été décidé par Barrès qu’Hardy m’acompagnerait à la réunion pour me soutenir. Dans sa déposition du 4 mai 1948, Bénouville affirme que c’est bien Aubry qui l’a averti de la réunion.
Carte de membre du jury au contre procès de René Hardy (recto verso)
J’ai dû dire à Aubry qu’étant donné qu’Hardy était revenu parmi nous, il était nécessaire qu'il assiste à la réunion. Le but de cette réunion était de désigner le successeur de Delestrain. Cette question m’intéressait directement et je voulais que notre point de vue prévale. Je savais que Max tenterait d’imposer son point de vue dans la discussion et je voulais que nos délégués soient en nombre. Celui qui devait succéder à Vidal ne devait pas être considéré comme dépositaire du commandement, mais simplement à titre de délégué technique, attaché par Londres à l’état-major de l’AS. Pour l’heure, compte tenu des dossiers et des archives consultées, il ressort qu’il y a eu des imprudences. Outre Aubry, l’une des responsabilités vient de Bénouville qui demande à René Hardy, alors responsable de Sabotage-fer et membre de Combat, d’épauler Aubry pour imposer le point de vue de Combat dans le contrôle de l’AS. Ayant eu connaissance de l’évantuelle arrestation de René Hardy dans le train qui le conduisait à Paris, il aurait pu s’étonner de le voir réapparaître une huitaine de jours après et ne pas faire appel à un résistant suspect, le mettre au vert comme le voulait les consignes.
Or, il est le premier à juger sa présence nécessaire pour neutraliser les avis de Jean Moulin. Au moment où ce dernier entend faire exécuter strictement les directives de Londres, les responsables de Combat souhaitent contourner son autorité et celle de la France. Pour s’entendre avec les services américains que Bénouville avait approchés au printemps 1943 pour en obtenir des fonds. Aubry et Bénouville ont commis une erreur en ne renseignant pas Jean Moulin de la présence d’un militant suplémentaire à la réunion. Le délégué du général De Gaulle s’est montré surpris de la présence de René Hardy à Lyon alors qu'il aurait du être à Paris et qu’il n’était pas invité. Pour autant a-t-on le droit de charger René Hardy? Est-il allé en pleine connaissance de cause à Caluire? S’est-il laissé piéger? C’est ce que Hardy a toujours soutenu. Jean-Pierre Azéna écrit : il n’est impossible qu’il ait pu se livrer avec Barbie à une sorte de poker menteur, devenu un piège dont il porte la responsabilité. Quoiqu’il en soit, le rapport Flora et le rapport Kaltenbrunner pèse lourdement dans le sens de la culpabilité de Hardy.
Henry Frenay témoigne lors du 2e procès de René Hardy, 2 mai 1950
Les enjeux politiques
Enfin on ne doit pas oublier les enjeux politiques de la réunion de Caluire. À ce moment-là, la crise est ouverte entre Jean Moulin et un certain nombre de responsables des MUR avant tout, ceux de Combat. Ces derniers entendaient affirmer leur autonomie tant vis-à-vis de Moulin, qui voulait réintroduire les partis politiques au sein du Conseil national de la Résistance qu’à l’égard de la France libre. La tension était à son comble entre Rex et Combat, et c’est sur ce fond qu’intervient la réunion de Caluire. L’enjeu était de taille puisque Bénouville et Aubry ont cru que l’objet de la réunion était de pourvoir au remplacement immédiat de Delestraint. Combat voulait se faire entendre et faire prévaloir sont point de vue. On comprend mieu pourquoi Hardy a pu être envoyé dans une réunion à laquelle il n’avait pas été convoqué et cela contrairement aux règles de sécurité.
À leur décharge, on peut dire que les résistants ont constamment pris des libertés avec la sécurité. Reste que les légèretés prise par Bénouville avec les consignes de sécurité ont pesé lourd dans un contexte de répression accrue depuis le début de 1943. En définitive, l’affaire Caluire demeure singulière. Elle intervient sur fond de montée en puissance et donc, de fortes tensions, à l’intérieur d’une Résistance qui apparaît de plus en plus comme la seule relève politique viable. Comment dès lors s’étonner qu’elle demeure un enjeu de mémoire vivace encore aujourd’hui.