CHRONIQUES
LA BATAILLE DE STALINGRAD
La bataille de Stalingrad ne fut pas seulement un affrontement titanesque entre l’Armée rouge et la Wehrmacht mais aussi un champ d’expérimentation de la guerre en zone urbaine, Moins décisive stratégiquement qu’on ne l’a dit, elle aura démontré les limites de l’armée allemande et symbolisé la défaite politique du IIIe Reich.
Vue de Stalingrad pendant un bombardement aérien allemand, novembre 1942
Sept décinies après la reddition de la VIe armée du maréchal Pulus, près de soixante ans après que le dernier prisonniers allemand ait enfin été autorisé à retourner dans ce qui avait été son pays, et après que la ville ait été rebaptisée Volgograd, la seule évocation du nom de Stalingrad fait immédiatement surgir des images tragiques et frappe toujours autant les imaginations y compris de ceux qui sont peu férus d’histoire. Aujourd’hui encore, ce nom reste un symbole de la lutte contre le nazisme.
Alors que la Wehrmacht a été stoppé à Moscou pendant l’hiver1941. Mettant un terme à une avancée spectaculaire depuis le déclenchement de l’opération Barbarossa, le 22 juin 1941, elle est repartie à l’assaut au printemp 1942. Elle fait, cette fois porter l’essentiel de son effort sur le front sud car, en raison des pertes gigantesques de l’année précédente, elle ne peut plus attaquer dans toutes les directions. À nouveau, l’Armée rouge doit reculer dans le chaos en subissant des pertes énormes. Ce plan bleu, les Allemands le lancent pour s’emparer des pétroles du Caucasse et couper l’une des principales routes par lesquelles transite l’aide anglosaxonne aux Soviétiques qui remonte depuis l’Iran. Il s’agit de vaincre l’URSS au plus tôt, et en tout cas liquider ce front avant l’arrivée massive des troupes Américaines en Europe.
Vue des ruines au sud de la ville de Stalingrad et du silo à grains, septembre-octobre 1942
Mais les Allemands commettent l’erreur de diviser leurs forces une fois que leur offensive quitte l’Ukraine pour pénétrer en Russie au sud. Une partie des forces se dirige vers le Caucasse, tandis que l’autre poursuit sa route vers l’est afin de protéger les flancs des forces précédentes et aussi tenter de couper le cours de la Volga. Du coup, la pointe sud finie par être ralentie par la résistance soviétique à la fin de l’été. Stratégiquement, le plan bleu a d’ores et déjà échoué, tout au moins pour ce qui concerne l’année 1942. L’effort se porte alors sur Stalingrad, qui ne constituait pas véritablement un objecti jusque-là. La cité est investie, le 23 août, par la VIe Armée du général Paulus, après avoir été réduite en ruines par de très nombreux raids aériens.
Les Soviétiques ont décidé de ne plus reculer. Stalingrad doit être tenue coûte que coûte, les pétroles de Bacou transide par la Volga et la ville abritent un très important nœud ferroviaire ainsi que des industries lourdes. Pour la défendre, la 62e armée commandée par le général Tchouïkov et des milices ouvrières locales. Ces forces seront constamment maintenues à la limite de l’inxtinction totale par l’arrivée de renforts qui sont réinjectés au fil des jours dans la ville à travers la Volga. Au fur et à mesure de son avance, dans l’agglomération, la Wehrmacht se retrouve prise au piège de la guerre urbaine. Guerre atroce et la plus difficile de toutes les formes de guerre imaginables, ne serait-ce que parce qu’elle rassemble, tout à la fois, les caratéristiques du combat les plus archaïques, et celles du combat le plus important et le plus technique, C’est durant ces mois de l’automne 1942 que pratiquement tous les paradigmes tactiques de la guerre en zone urbaine furent créés et ils sont encore globalement en vigeur de nos jours.
Aire de rassemblement de la population civile restée dans la zone de combat, septembre-octobre 1942
À ce jeu terrible les Soviétiques, vont exceller, ce qui ne les empêchera pas de payer un prix exorbitant en termes de vies humaines. Tous les combattants vont vivre un enfer digne de celui de Dante. Combattants soviétiques et allemands sont litéralement imbriqués. Il y a plus de front et les positions sont parfois à quelques mètres les uns des autres; on se bat autant à distance de tir qu'au corps à corps. Dans une telle configuration, la Wehrmacht perd l’essentiel de ses atouts mobilité, puissance de feu, professionnalisme, modernité. Mais elle avance tout de même, lentement, trop lentement. Elle inflige des pertes inouïs à son adversaire, mais elle en subit aussi, et dans des proportions encore jamais vues. Elle s’épuise et son rytme de progression est de plus en plus lent : s’il se calculait en kilomètres en septembre il se calcule en mètres en novembre, lorsque les positions soviétiques sont réduites à une mince bande courant le long de la Volga.
Les Allemands envoient toujours plus de renforts, mais les Soviétiques aussi. Ces derniers peuvent se le permettre, tandis que les Allemands sont obligés de retirer des troupes de leur axe de progression vers le Caucase, qui s’en trouve affaibli d’autant. Pendant neuf semaines, les combats se poursuivent sans pour autant être décisifs. Pendant ce temps les Soviétiques amassent des renforts considérables dans les steppes au nord et au sud de la ville. Les flancs du dispositif de l’Axe menant à Salingrad sont tenus par des unités italiennes, hongrois, Roumains faibles et très mal équipées. Le renseignement Allemand ne voit rien. Le 19 novembre 1942, l’Armée rouge lance l’opération Uranus un gigantesque double envelloppement partant à la fois du nord au sud et qui bouscule les positions tenus par les Roumains et les autres armées alliése.
Depuis les lignes Allemandes, sur les rives de la Volga, une vue de la ville et des ruines. Barricade rouge dans le lointain, hiver 1942-1943
Quatre jours plus tard, les deux tenailles de la pince font leur jonction à 80 kms à l’ouest de Stalingrad. La VIe armée est encerclée. La Luftwaffe arrive de moin en moins à la ravitailler, Vivres, munitions, médicaments tout vient à manquer. La VIe armée se clauchardise peu à peu. Plus au sud le maréchal von Manstein tente une audacieuse opération blindée en direction de la ville assiégée pour venir au secour de Paulus et de ses hommes, mais échoue. Dès lors le sort de la VIe armée est cellé : ce n’ait plus qu’une question de temps. Les Soviétiques vont alors l’écraser et la tronçonner méthodiquement, le 2 décembre 1943. Paulus se rend avec toutes les troupes encore sous ses ordres, soit 91 000 hommes dont seul 6000 survivront à la guerre. Quant aux forces Allemandes avancées en direction du Caucase, elles n’ont plus qu’a effectuer leur retrait précipité afin d’éviter le même sort.
Bilan politico- militaire
Fin mars 1943, les armées du Reich sont revenues grosso modo aux positions qu’elles occupaient au mois de mai l’année précédente, c’est-à-dire au moment du déclenchement du plan Bleu. L’offensive de 1942 n’a servi à rien et la situation générale des Allemands est incomparablement pire. Une armée a été perdue à Stalingrad. Aucun des objectifs du plan n’a été atteint, à commencer par les pétroles de Bakou. Plusieurs armées alliées de l’Allemagne ont également été anéanties (deux armées roumaines, une armée hongroise et une armée italienne), et l’alliance avec ces pays en sort considérablement affaiblie.
Elle est au bord de l’éclatement; L’Allemagne va se retrouver quasiment seule. Les pertes Allemandes s’élèvent à 280 000 hommes, soit autant que pour l’ensemble du front de l’Est entre le déclenchement de l’opération Barbarossa (22 juin 1941) et le 20 mars 1942, ce qui est irrattrapable! Quant à ses Alliés, leurs pertes sont aussi monstrueuses; près de 130 000 italiens, 117 000 Hongrois, 109 000 Roumains. Au total, l’Axe perd dans cette campagne environ 760 000 hommes, soit l’équivalent de cinquante divisions. Les pertes matérielles sont également considérables.
La ville de Stalingrad en 1942-1943
Première conséquence pour l’ensemble du front : l’armée allemande va devoir encore réduire le nombre de combattants par kilomètre de front; il lui manque 825 000 hommes à l’Est. En Allemagne même, et malgré tous les efforts de la propagande et de l’appareil policier du régime pour masquer l’ampleur de la catastrophe, les bruits circulent, certains amplifiés par la rumeur, mais qui n’en reflètent pas moins la réalité de cette déroute. Ceux qui commence à douter du régime, mais surtout ceux qui doutent de la victoire sont de plus en plus nombreux. Le morale de l’arrière est sérieusement atteint. Beaucoup pensent que le tournant de la guerre vient de se produire, que la seule question qui compte désormais est de savoir quand la défaite arrivera.
Il est vrai que le psyché allemande est depuis très longtemps formatée pour penser la guerre en termes de bataille décisive, et c’est Hitler lui-même qui subit ce ressentiment d’une défaite. Techniquement, c’est relativement injustifié, car il n’est pas le seul à avoir commis de graves erreurs et pris de mauvaises décisions, mais c’est politiquement inévitable dans la mesure où le pouvoir nazi est aussi symboliquement concentré sur sa personne.
Fantassins soviétiques au combat dans les ruines de l’usine de tracteurs, octobre-novembre 1942-1943
Pourtant par-delà cet énorme retentissement, les travaux récents de l’historien Jean Lopez notamment, qui font autorité sur cette question, nous incitent à réévaluer les effets stratégiques et militaires de cette défaite. Globalement, il reste incontestable que les Soviétiques ont de quoi être fiers de leur victoire, Ils ont repoussé les Allemands, les ont empêchés d’atteindre leurs objectifs dans cette campagne et leur ont infligé une défaite sans appel. Ils ont dominé la Wehrmacht dans tous les domaines : planification, choix du lieu et du moment de la percée, bonne anticipation des réactions adverses, vision stratégique, le tout sans bénéficier d’une grande supériorité quantitative. Les pertes humaines sont certes terribles on les évalue aujourd’hui à 1 130 000 hommes et les pertes matérielles gigantesques.
Mais le réservoir humain est loin d’être épuisé et, surtout l’industrie est à même de les remplacer, et même bien plus! Cet exploit productif a été rendu possible, dans des conditions dantesques, par la relocalisation de centaines d’usines de l’ouest du pays vers L’Oural, hors d’atteinte de l’aviation allemande. À la fin de 1942, elles tournent à plein régime. Quant à l’aide des Alliés elle continue elle aussi à arriver en URSS. Le morale remonte lui aussi en flèche l’Allemagne n’est plus invincible. Par ailleurs, commençant enfin à avoir confiance dans son armée, Staline revalorise le statut des officiers notamment en mettant fin au système du double commandement : les commissaires politiques perdent une grande partie de leur pouvoir. Mesure symbolique supplémentaire : les épaulettes, symbole honni de l’armée aristocratique de la période tsariste, sont rétablies.
Carte des opérations de novembre 1942 à mars 1943
Pourtant, force de constater que l’Armée rouge n’est pas encore au niveau de son adversaire, elle ne maîtrise pas encore pleinement toutes les subtilités ni toutes les implications de l’art des opérations. La situation stratégique de l’URSS ainsi que les erreurs allemandes ont incontestablement pesé sur l’issue de la campagne. Parallèlement à l’opération Uranus, de grandes opérations ont été lancées dans d’autres secteurs du front et se sont, elles tragiquement terminées pour les Soviétiques, notamment au sud de Moscou. De cela, ni la propagande ni l’historiographie soviétique ne diront jamais rien, ou presque. Aujourd’hui encore, les Russes peinent encore à admettre cette réalité. Grisés par la reddition de la VIe armée ils ont voulu poursuivre sur leur lancée alors qu’ils n’en avaient ni les moyens intellectuels. Manstein va à nouveau lancer des contres-attaques meurtrières dès la fin février 1943, regagnant provisoirement l’initiative.
La victoire de Stalingrad n’a pas donné tous les dividendes escomptés. Les dirigeants militaires soviétiques doivent se rendre à l’évidence : la Wehrmacht n’est pas morte à Stalingrad. La Panzerwaffe lui reste supérieure, de même que la Luftwaffe. À l’évidence, la guerre sera encore longue. Cependant les Allemands ne perçoivent pas que l’Armée rouge évolue, apprend, s’améliore considérablement, surtout leur renseignement a été incapable non seulement de comprendre le sursaut industriel soviétique, mais aussi de percevoir les immenses préparatifs de l’Armée rouge en vue de l’opération Uranus. Et puis quant bien même auraient-ils gagné à Stalingrad que cela n’aurait rien changé sur le fond : les Alliés auraient gagné un peu plus tard, et un peu plus difficilement.
Évacuation des blessés sur un terrain d’aviation allemand, 24 septembre 1942
Stalingrad n’est pas à proprement parler le tournant de la guerre, il s’agit bien d’un événement majeur dans les opérations militaires sur le front de l’Est. Parler de tournant serait un abus, aussi importante qu’ait pu être cette campagne. En revanche, c’est l’ansemble de l’année 1942 qui constitue le tournant de la Seconde Guerre mondiale. Et Stalingrad en constitue le point d’orgue, à tous égards. Victoire spectaculaire, importante mais non décisive, elle est l’occasion d’une prise de conscience, en retard sur la réalité, parmi les peuples de l’Axe est en train de perdre la guerre, au moins depuis la seconde moitié de l’année 1941! Après la défaite sur la Volga, la Wehrmacht a définitivement perdu les moyens de mener des actions décésives, comme les années précédentes. Elle a laissé échapper pour toujour l’initiative stratégique. De son côté L’URSS a gagné de l’assurance qu’elle survivera, que son destin ne sera pas celui de la Russie de Nicolas II. Mais elle a encore beaucoup de chemin avant Berlin et beaucoup de larmes à verser.
Retraite des troupes italo-allemandes pendant l’offensive soviétique et la bataille de Nicolaïev, janvier 1943
Colonne de prisonniers allemands à la fin de la bataille de Stalingrad, hiver 1943
L’ASSASSINAT D’HEYDRICH
Le 27 mai 1942, le dirigeant nazi Reinhard Heydrich est mortellement blessé lors d’un attentat commis à Prague par des parachutistes tchèques. Acteur majeure de l’organisation de l’extermination des Juifs en Europe, sa disparition n’interrompt pas pour autant le processus génocidaire.
Prototype du chef nazi Reinhard Heydrich
Homme de confiance d’Adolf Hitler Reinhard Heydrich est protecteur du Reich en Bohême-Moravie, chef des services de sécurité nazis organisateur en chef de la solution finale. Il est ainsi l’un des hommes les plus puissants dans la hiérarchie nazie. Son assassinat est donc considéré par le gouvernement tchèque, en exil à Londres et par le gouvernement britannique, comme un acte d’une grande importance stratégique. Des hommes sont spécialement entraînés en Grande-Bretagne pour cette mission baptisée Opération Anthropoid. Ils sont parachutés sur le territoire du protecorat dans la nuit du 28 au 28 décembre 1941.
Après avoir atteri, Josef Gabcik et Jan Kubis réussissent au fil du temps à nouer des contacts avec des membres de la résistance tchèque qui les cachent et les aident à mener à bien leur projet. Le 27 mai 1942, dans un virage d’une rue de Prague, ils attendent la voiture décapotable d’Heydrich qui circule sans protection particulière. Tandis qu’elle ralenti Josef Babcik se jette devant la voiture et tente d’ouvrir le feu mais sa Sten s’enraye, Jan Kubis lance alors une grenade qui explose à l’arrière de la voiture et blesse mortellement Heydrich. Les deux hommes prennent la fuite. Cet évènement suscite la colère d’Hitler, et a un retentissement dans toute l’Europe.
La voiture d’Heyrich après l’attentat
Réfugiés dans la crypte de l’église orthodoxe Saint- Cyrille-et-Méthode, Gabcik, Kubis et d’autres membres du groupe sont encerclés par les troupes nazies. Le 18 juin 1942, après avoir été dénoncés par leur camarade Karel Curda. Piégés, ils résistent héroïquement à l’assaut de plus de 800 soldats allemands puis se suicident pour éviter d’être capturés.
Heydrich, idéologue de la solution finale
À 38 ans, Heydrich est au faît d’une carrière qui a commencé dans la marine. Après avoir adhéré au Parti national socialiste, il rejoint en 1931 la Schutztaffel (SS), le corps d’élite de ce parti, et connaît une ascension fulgurante sous l’impulsion d’Heinrich Himmler qui l’engage pour élaborer et mettre en place un service de renseignement du parti, le Sicherheitsdienst (SD). Cet organe recueille des informations sur les adversaires présumés du pouvoir hitlérien, en tout premier lieu les Juifs. Le leitmotiv antisémite est chez Heydrich d’autant plus obsédant qu'il est accusé par certains d’avoir lui-même des origines juives.
A partir de 1935, Reinhard Heydrich contrôle presque toutes les sections de la police politique du Reich : la Gestapo, le contre-espionnage, les polices de lutte contre la criminalité et des frontières. Doté d’un sens obsenssionnel de l’organisation, il occupe un rôle central dans la mise en œuvre de la radicalisation de la politique discriminatoire du Reich à l’égard des Juifs.
Josef Gabcik et Jan Kubis les deux parachutistes qui ont conçu l’attentat de Prague
En 1939 lorsque l’Allemagne envahit la Pologne, Heydrich constitue les Einsatzgruppen, troupes chargées de pacifier les régions conquises par la Wehrmacht. Ces corps armés ont pour mission de germaniser les nouveaux territoires allemands en expulsant, déportant ou en éliminant les indésirables, dont les Juifs font partie. Comme l’a montré l’historien Edward Husson dans son livre Heydrich et la solution finale paru en 2008, il est un des agents majeurs de l’organisation du crime de masse antisémite. Le 20 janvier 1942, il préside la conférence de Wannsee qui scelle l’issue génocidaire de la question juive. Pour ligitimer le choix de l’extermination, Heydrich dénonce cyniquement la multiplication des Juifs sur le territoire allemand engendrée par la conquête de la Pologne et l’attaque de l’URSS après juin 1941.
La mort de Reinhard Heydrich a un impact minime sur la poursuite de la guerre et du génocide. En effet, l’immense bureaucratie criminelle mise en place par les serviteurs du IIIe Reich est suffisamment rodée pour fonctionner de manière autonome. Néanmoins, son assassinat entraîne une répression sanglante dans les milieux de la résistance tchèque. Quelque 13 000 arrestations sont effectuées parmi ceux qui sont soupçonnés d’avoir accueillit les assassins. Suspecté de cacher le commando recherché, le village de Lidice est martyrisé. Les nazis exécutent sommairement 263 adultes dont 71 femmes, en déportent 198, et placent en orphelinat 98 enfants dont 16 seulement survivront, après avoir incendier et de raser la bourgade. Celle-ci est alors rayée de toutes les cartes géographiques allemandes.
LA FRANCE LIBRE À L’ÉPREUVE DE L’OPÉRATION TORCH
Si le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, est un succès sur le plan militaire, notamment grâce à l’action des résistants. C’est par ailleurs une épreuve politique pour le général de Gaulle auquel les Américains ont préféré le général Giraud, favorable à Vichy.
Le Général Eisenhower et l’amiral Cunningham étudient les plans du débarquement
Le débarquement des forces anglaises et américaines au Maroc et en Algérie, nom de code Torch, le 8 novembre 1942, est un tournant majeur de la guerre en Europe. Conçu par les Alliés pour reprendre l’initiative à l’Ouest après une longue période de succès des puissances de l’Axe et pour ouvrir le second front réclamé par Staline. Le principe de l’opération est adopté entre Anglais et Américains le 24 juillet 1942 et le généralisime Eisenhower est désigné, le 14 août pour le mettre en œuvre. L’objectif est de désserrer l’étau de la Wehrmacht sur l’Armée rouge en fixant Allemands et Italiens sur un autre théâtre d’opération.
Préparé très rapidement, le débarquement est conditionné par l’action des résistants qui doit empêcher les autorités d’Afrique du Nord, fidèle au gouvernement de Vichy, de faire tirer sur les troupes alliées. En effet l’armée française d’Afrique du Nord doit défendre le territoire contre quiconque, c'est-à-dire contre toute attaque suivant la doctrine de défense imposée par le général Weygand et repris par le général Juin. Il faut donc éviter les combats contre les Alliés. De son côté, le général de Gaulle a été tenu à l’écart de l’opération, tant les préventions de Roosevelt sont grande à son égard. Il faut aussi éviter l’anglophobie latente qui sévit dans l’armée de l’Afrique depuis l’affaire de Mers-el-Kébir (3 juillet 1940) et le rapatriement d’unités ayant combattu en Syrie contre les forces anglo-gaullistes. En outre l’amiral Darlan bien qu’évincé du pouvoir, demeure le commandant en chef de toutes les forces armées françaises, y compris de l’Afrique du Nord, lesquelles sont placées sous le commandement du général Juin.
Troupes américaines et anglaises devant Alger, 9 novembre 1942
C’est dans ce contexte complexe et très conflictuel que l’on doit appréender le rôle des résistants dans le débarquement. Bien qu’ils soient très minoritaires, en Afrique du Nord, les Américains misent sur leur action pour neutraliser les autorités de Vichy. Ils sont aidés par Robert Murphy que le président Roosevelt a envoyé comme conseiller spécial dès la fin 1940. Le groupe le plus structuré de la résistance, désigné à tort comme le groupe des Cinq en 1945, est formé dès 1940. L’ambition initiale de ces patriotes qui refusent l’armistice est d’aider l’Amérique le jour où viendra nous aider. Né de la réunion de plusieurs mouvances, ce groupe qui compte de nombreux Juifs, rassemble des civils et des militaires de toutes convictions : gaullistes, partisans de la Révolution nationale, Monarchistes, un groupe s’est formé à Oran, à l’été 1940, autour de l’industriel Roger Carcassonne (Mécère du groupe) et de son frère.
À Alger, Henri Aboulker éminent professeur de médecine, respecté de toutes les comunautés, et son fils José, étudiant en médecine, antifasciste et gaulliste, sont à l’origine de l’autre groupe. Henri d’Astier de la Vigerie, monarchiste, affecté au 2e Bureau de l’état-major d’Oran, frère d’Emmanuel, chef du mouvement de résistance Libération-Sud, et de François, général engagé dans les forces aériennes françaises libres, les rejoint. Le contact est établi avec Jacques Lemaigre-Dubreuil, directeur des huileries Lesieur. Aux civils s’adjoignent des militaires : le colonel Germain Jousse, commandant la place d’Alger, en relation avec les Américains depuis le début de 1941, est rejoint plus tard par le général Mast, commandant la division d’Alger.
Tract américain distribué lors de l’opération Torch, novembre 1942 (Recto et verso)
Le colonel van Hecke, chef des chantiers de jeunesse, le général Monsabert, commandant la brigade de Blida, ainsi que le colonel Baril, commandant le 29e régiment de tirailleurs algériens, et le colonel Tostain, à Oran, répondent à l’appel, de même que le général Béthouart, camarade de promotion du général de Gaulle à Saint Cyr, commandant de la garnison de Casablanca, et le colonel Lorber à Bône. C’est patriotes fournissent aux Américains des renseignements sur l’état d’esprit des représentants de Vichy, sur l’activité des commissions allemandes et italiennes d’armistice, sur la fourniture d’armes, de véhicules, de ravitaillement pour les forces de l’Axe en Lybie.
Les Américains choisissent le général Giraud, tout oréolé du succès de son évasion d’Allemagne, pour être le chef militaire français à l’issue du débarquement. Contacté en zone sud par Lemaigre-Dubreuil, celui-ci est représenté à Alger par le général Mast, du 19e corps d’armée. Les lieux de débarquement ayant été fixés, le général Eisenhower. Qui commande l’opération depuis Gibraltar, envoie son adjoint, le général Clark à Cherchell (Algérie, le 23 octobre, pour fixer les mondalités d’intervention des résistants tout en éludant la date et les lieux de débarquement et en exagérant l’importance des moyens humains débarqués (500 000 hommes au lieu de 110 000 dont 23 000 Britanniques).
Les Américains ont prévue d’armer les résistants mais deux tentatives de livraison sur les côtes algériennes ont échoué en raison du mauvais temps et de la défaillance des liaisons radio. Les risques encourus par l’état-major américain pour se rendre à Cherchell les commissions allemandes et italiennes d’armistide assurent une surveillance efficace en Afrique du Nord, suffisent à montrer l’importance accordée au rôle des résistants pour la réussite du débarquement. Prévenus huit jours avant l’opération, Germain Jousse et Henri d’Astier de la Vigerie mettent en œuvre le plan d’action des 400 jeunes volontaires, dirigé par José Aboulker, pour neutraliser les autorités civiles et militaires et les communications, à Alger, Jousse à l’idée d’utiliser au profit des résistants, le plan de maintien d’ordre légionnaire (SOL) reposant sur des volontaires de place en cas d’invasion.
Porteur d’un brassard et d’un ordre de mission pour remplacer les postes de garde de touts les centres de commandement et de transmissions, les 400 jeunes résistants doivent occuper sans combat les centres vitaux de la capitale algérienne. Le message codé Robert arrive! Diffusé sur les ondes anglaises et américaines le 7 novembre Robert pour Murphy, le conseiller de Roosevelt est bien interprété par le général de Gaulle comme l’imminence du débarquement en Afrique du Nord. Cette annonce le prend tout de même de court. Son chef d’état-major Pierre Billotte, raporte ses fameuses paroles : Eh bien, j’espère que ces gens de Vichy vont les jeter à la mer, on ne pénètre pas en France par effraction! Le lendemain de Gaulle est covoqué par Churchill, gêné de lui avouer que les Américains ont exclu les Français libres de l’opération, alléguant la crainte d’un combat fratricide. Mais le soir même, de Gaulle se ressaisit et réagit avec grandeur sur les ondes de la BBC en invitant les chefs, les soldats, les fonctionnaires, les colons français d’Afrique du Nord à aider nos Alliés! Joignez vous à eux sans réserves! Ne vous souciez pas des noms, ni des formules! Français d’Afrique du Nord que par vous nous rentrionts en ligne d’un bout à l’autre de la Méditerranée, et voilà la guerre gagnée grâce à la France! Sur place le groupe gaulliste Combat de René Capitant, apporte son aide dans la nuit du 8 novembre.
Carte des débarquements alliés en Algérie et au Maroc
Les résistants occupent preque tous les points stratégiques de la ville et font prisonniers le général Juin et l’amiral Darlan, présent inopinément à Alger au chevet de son fils dont l’état de santé ses brusquement aggravé. Le colonel Baril favorise le débarquement des unités américaines à Sidi Ferruch. En fin, l’aéroport de Blida est neutralisé par le général Monsabert qui aidé par les jeunes gens réunis autour de Jean Bensaïd (Jean Daniel). Grâce à l’action des résistants, les Alliés font leur entrée dans la ville durant l’après-midi. L’amiral Darlan, chef de l’ensemble des forces armées, autorise le général Juin, commandant en chef en Afrique du Nord à signer un cessez-le-feu pour la seule place d’Alger avec le général Ryder, commandant du groupe de débarquement. Mais celui-ci se retranche derrière l’autorité de Pétain, qui donne l’ordre de riposter au Maroc et à Oran.
C’est dans cette même ville que le colonel Tostain enfreint les ordres des résistants et prévient le général Boisseau, commandant la division, escomptant son ralliement. N’accordant aucun crédit à ses propos, ce dernier ordonne la riposte, soutenu par le vice-amiral Rioult, qui commandant la marine, fait déclencher le feu contre les éléments débarquant à Arzew. La riposte est ordonnée. Au Maroc, le général Béthouart fait aussi prévenir le général Noguès qui avertit le vice-amiral Michelier. C’est un échec, la riposte est ordonnée. Au terme de ses trois jours de combat, le bilan est lourd : les pertes françaises s’élèvent à 1 346 hommes : 347 en Algérie (essentiellement en Oran) et 999 au Maroc. Quant aux Américains, ils ont perdu 479 hommes et ont 720 blessés. Au total, on compte 1 825 morts et 2 127 blessés.
Entrée des Américains à Casablanca
Le général Giraud passé par Gibraltar au PC d’Eisenhower pour négocier la direction des opérations, n’est pas parvenu à joué le rôle que l’on entendait de lui à Alger. Dès le 9 novembre, de Gaulle veut envoyer une délégation pour rencontrer Giraud mais doit passé sous les fourches caudines des Américains. Tout à leur logique de guerre, ceux-ci traitent, le 13 novembre, directement avec Darlan, chantre de la collaboration, qui reste la plus haute autorité sur place. Lors de la réunion des Français de Grande-Bretagne à l’Albert Hall de Londres le 11 novembre, de Gaulle rappelle les bases de l’unité, puis le lendemain, il prévient le département d’État que tout arrangement entre la France combattante et le haut-commissaire d’Afrique du Nord est impossible. De leurs côtés, les orgsnisations de la Résistance demandent que les destins de l’Afrique du Nord soient au plus tôt, remis entre les mains du général de Gaulle. Mais la censure américaine sévissant, seul Radio Brazaville et les postes de Douala et Beyrouth diffusent le message.
Par ailleur, le gouvernement de Vichy jette le masque en donnant son accord à l’intervention de la Luftwaffe en Tunisie. Les forces germano-italiennes envoient des renforts et font du protectorat français un tremplin pour la reconquête de l’Afrique du Nord. Enfin, l’invasion de la zone sud, ce même 11 novembre, par les troupes allemandes met un terme à la parcelle de souveraineté du gouvernement de Vichy.
De Gaulle rencontre le général Giraud à son arrivée à Alger, le 30 mai 1943, pour coprésider le CFLN
Le débarquement a été perçu tout autrement par les nationalistes d’Afrique du Nord qui considèrent que les vies de leurs camarades marocains ont été sacrifiées inutilement par les ordres de riposte des proconsuls de Vichy. Messali Hadji, chef du peuple algérien, depuis sa prison où il a été incarcéré, synthétise leur état d’esprit : c’est la première grande défaite de l’armée coloniale française depuis 1830. À cet égard aussi, les Américains font figure de libérateurs et c’est à eux que le nationaliste algérien Ferhat Abbas remet, le 10 février 1943, le manifeste du peuple algérien réclamant l’égalité des droits et plus d’autonomie. Les querelles fraco-françaises n’ont évidemment pas contribué à rehausser le prestige de la France et les fêlures entre les communautés s’accroissent irrémédiabement.
Cette succession d’événements accélère l’institutionnalisation de la Résistance sous les ordres de De Gaulle. Son délégué auprès de la Résistance en France, Jean Moulin, met sur pied le Conseil de la Résistance en y intégrant mouvements, partis et syndicats. Enfin l’opinion publique française, déjà boulversée par les rafles de Juifs en 1942, est définitivement acquise aux Alliés. Dorénavant, les ponts sont coupés avec les autorités de Vichy et la métropole. La création du Comité français de la libération nationale (CFLN) le 3 juin 1943, organisme bicéphale, porte la marque du général de Gaulle qui apparaît déjà comme le patron.
Remise des médailles de la Résistance par le général de Gaulle aux résistants d’Alger, 30 mai 1943
En trois mois, il impose grâce aux gaullistes du CFLN, face à un Giraud dénué de sens politique. En octobre 1943, après avoir liquidé tous les lois de Vichy en Algérie, le général de Gaulle, à l’approche du premier anniversaire du 8 novembre 1942, fait Compagnon de la Libération, pour leur aide aux Alliés, les résistants José Aboulker, Henri d’Astier de la Vigerie, Germain Jousse et Jean Dreyfus, tué lors de l’opération. Alfred Pillafort, autre victime, a été promu Compagnon, a titre posthume, en mars 1943, puis Roger Carcassonne, en novembre 1945. Il souligne ainsi l’importance de cette résistance métropolitaine, l’union dans la France combattante. L’attribution de six croix de Compagnon de la Libération est un geste fort et exceptionnel.
LA BATAILLE D’EL ALAMEIN
Alors que les Allemands subissent des revers sur le front de l’Est, la bataille d’El Alamein remportée par l’Anglais Montgomery, qui se déroule à partir de juillet 1942 à la frontière égyptienne, marque le début du reflux des troupes de l’Afrika Korps du maréchal Rommel.
Le maréchal Rommel et son état-major
Le 21 juillet 1942, Winston Churchill, alors en visite aux États-Unis, apprend la nouvelle de la chute de Tobrouk. Il est d’autant plus affligé que cette défaite, qu’il qualifie de désastreuse, revêt à ses yeux une grande importance symbolique. L’année précédente, la forteresse avait tenu en échec les forces de l’Axe sur le seule front terrestre où les Britanniques s’opposaient directement aux Allemands. La reddition de Tobrouk constitue donc le point culminant des combats qui ont débuté le 26 mai et se sont déroulés jusqu’au 11 juin sur les positions alliées qui constituaient la position de Gazala. Les combats ont été très dures, les pertes particulièrement importantes des deux côtés. Après avoir été mises en difficulté, les forces germano-italiennes commandée par le général Rommel ont malgré tout réussi la percée et désorganisé les forces alliées.
La rapide chute de Tobrouk s’explique alors par une manœuvre audacieuse, conduite par le général Rommel, qui dépasse la forteresse pour faire croire aux Britanniques qu'il court à la frontière à la poursuite des forces alliées, avant de se retourner vers le port. Celui-ci, d’une grande importance stratégique, ne peut opposer une véritable résistance du fait de la désorganisation qui y règne. La poursuite des forces alliées continue alors, à peine freinée à Marsa Matrouh, et les forces de la Panzer Armee Afrika passe la frontière égyptienne et atteignent El Alamein le 30 juin 1942. Rommel, promu Generalfeldmarschall par Hitler, comptant sur la dynamique de la victoire, la désorganisation et la démoralisation de l’adversaire, attaque le 1er juillet.
Progression des blindés de la 15 Panzerdivision de l’Afrika Korps
Mais ses forces ont subi une usure considérable et il ne possède plus que 44 chars allemands et 13 chars italiens face aux Britanniques qui en alignent plus de cent. Le 4 juillet, l’offensive marquant le pas et les pertes devenant lourdes, Rommel se met sur la défensive. Les forces de l’Axe reçoivent des renforts et disposent de 50 chars et d’environ 2000 fantassins allemands ainsi que 54 chars italiens et 4000 fantassins italiens. Pour leur part, les Britanniques comptent plus de 200 chars. Dans la nuit du 8 au 9 juillet 1942, Rommel lance à nouveau ses forces à l’attaque, les Britanniques contre-attaquent. Les pertes sont à nouveau lourdes des deux côtés et le général Auchinleck, qui commande les forces britanniques décide d’arrêter les combats. Il a réussit à bloquer l’avance de l’Axe qui paraissait irrésistible. Les deux adversaires s’enterrent, se réorganisent et reçoivent des renforts. Cependant la balance penche du côté allié. En effet, les renforts sont plus nombreux et de nouveaux armements plus puissants, en particulier les chars d’origine américaine, Grant puis Sherman, permettent de rétablir l’équilibre technique. Enfin les lignes de ravitaillement alliées sont plus courtes et plus sûres. De plus, les forces de l’Axe subissent de plein fouet les effets de l’activité des forces navales basées à Malte, qui font payer un lourd tribut à chaque convoi italien. La décision stratégique d’exploiter les défaites des britanniques en les poursuivant jusqu’en Égypte, vers le Nil, a détourné les moyens qui auraient pu être mis en jeu pour attaquer Malte.
Cette décision conforme à la vision de Rommel, a provoqué de fortes dissensions au sein des structures de commandement de l’Axe, de ce fait, les effectifs sont loin d’atteindre la norme et le ravitaillement, surtout en carburant, est très insuffisant, D’autre part, si certains chars allemands de type PzKfW-III et PzKfW-IV des modèles plus récents soutiennent aisément la comparaison, voire surclassent leur adversaires, ce n’est pas le cas des chars allemands de type PzKfW-II et des chars italiens M13/40. Enfin la supériorité aérienne passe définitivement et massivement dans le camp allié. Le 30 août 1942, Rommel attaque de nouveau. C’est une attaque classique, pour lui, de débordement par le sud, le désert. Cependant, le terrain n’est pas aussi favorable qu'en Tripolitaine ou en Cyrénaïque.
La seconde bataille d’El Alamein
La position d’El Alamein est comprise entre la Méditerranée, au nord et des dépressions et des terrains empêchant les manœuvres des véhicules au sud, Enfin, les flancs sud des Alliés peut être ancré à des crêtes qui favorisent les défenses et ont été en partie fortifiées. Le général Montgomery, qui a remplacé Auchinleck depuis le début d’août dispose de 700 chars contre 229 allemands et 240 italiens et, surtout, a préparé son terrain. L’offensive s’arrête sur un sanglant échec pour Rommel qui, malade, est remplacé par le général Stumme, le 19 septembre. La phase des offensives allemandes est terminée, les deux adversaires s’enterrent à nouveau. Montgomery organise ses troupes, met en œuvre d’efficaces opérations de réception et surtout s’assure une supériorité de un à trois dans presque tous les domaines.
De leur côté, les Germano-Italiens installent de fortes positions, protégées par de larges champs de mines et de pièges, surnommés les jardins du diable. Les unités d’infanterie sont utilisées pour tenir le terrain tandis que les unités motorisées et blindées sont réservées afin de mener les contre-attaques. La guerre de mouvement prend fin et les adversaires entrent dans une logique de guerre de position et d’attrition où le poids du matériel et du ravitaillement va prendre le pas sur les seules capacités de manœuvre. L’attaque alliée débute le 23 octobre par un déluge d’artillerie. Rommel revient d’urgence car Stumme est décédé d’une crise cardiaque. Une véritable bataille d’usure s’engage; le 29 octobre au soir, il ne reste plus à la Panzer Armee Afrika que 90 chars à opposer à près de 800 chars alliés. Dans la nuit du 1er au 2 novembre 1942, Montgomery lance l’opération Supercharge. Les pertes britanniques sont très importantes mais les forces germano-italiennes sont exsangues. Rommel ordonne une première fois la retraite. Celle-ci est contremandée à la suite d’un ordre direct d’Hitler de tenir la position à tout prix.
Le général Montgomery observant le mouvement de ses blindés, novembre 1942
Devant la situation et l’impossibilité de tenir plus longtemps, le repli vers la Libye est décidé le 4 novembre. Cependant, ce délais n’a fait qu’accroître les pertes de l’Axe et rend encore plus incertain, voire impossible, le désengagement des unités insuffisamment motorisées. Le 7 novembre, Rommel atteint le Sidi-Barrani, mais il n’a plus que 7 500 hommes et 11 chars. La retraite ne s’arrêtera réellement qu’en Tunisie. La bataille d’El Alamein qui devait parachever le triomphe du maréchal Rommel et lui permettre de marcher sur le Caire est perdue par les troupes de l’Axe. C’est à cette occasion que Winston Churchill déclare : Ce n’est pas la fin, ce n’est même pas le commencement de la fin. Mais c’est peut être la fin du commencement.
C’est au général Koenig qu’il imcombre de diriger les hommes de la 1e division légère française libre (1e DLFL) qui participe aux combats depuis la mi-septembre dans le cadre de la 8e armée du général Montgomery. Le but des Anglais est de percer les défenses ennemies en progressant le long de la route côtière. Montgomery prévoit une attaque de diversion vers le sud des positions germano-italiennes afin d’immobiliser une partie des forces ennemis retranchées à Himeimat, falaise transformée en citadelle dont l’abord est miné. À cette fin, deux bataillons de la Légion sont mobilisés le 23 octobre à 22 h. Le lieutenant-colonel Amilakvari lance à l’assaut, le premier bataillon, commandé par le commandant Pâris de la Bollardière, puis le second dirigé par Gabriel Bablon. Au fil d’une rude bataille, la compagnie de légionnaires menés par Pierre Messmer s’empare de la falaise. Inssuffisamment soutenus par l’artillerie, il ne peuvent maintenir leur position et doivent se replier, Manœuvre au cour de laquelle le lieutenant-colonel Amikvari trouvera la mort.
CLAUS VON STAUFFENBERG L’ÉTOFFE DES HÉROS
L’attentat du 20 juillet 1944, auquel Hitler réchappa de justesse, fut ourdi par un groupe des généraux de la Wehrmacht, mais, c’est le colonel Claus von Stauffenberg qui en sera à la fois l’acteur décisif et le symbole. Celui de ces Allemands qui, désespérés de voir leur nation souillée par le nazisme, aspiraient à regagner le rang des peuples civilisés.
Le 15 juillet 1944, au quartier général de la Wolfschanze (Prusse Orientale), Stauffenberg au garde-à-vous devant Hitler
C’est le 20 juillet 1944, vers 12h30 que la bombe qui doit tuer Hitler en pleine conférence dans son repère prusien de Rastenburg explose. Aussi effroyable que soit la détonation, Hitler n’est que légèrement blessé. Alors que cinq de son entourage sont tués et d’autres grièvement atteints. Claus von Stauffenberg qui a entreposé la bombe, dans une serviette, sous la table où Hitler devisait devant les cartes d’état-mjor, a eu le temps de s’éloigner de ce baraquement sous haute surveillance. Il avait réussie à s’y introduire en tant que colonel chargé de questions logistiques liées à la situation de la Wehrmacht sur le front de l’est, mais il est pour Hitler un quasi quidam. Peu d’hommes avaient le prévilège de rencontrer le chef de l’Allemagne nazie : on mesure à ce détail l’extraordinaire obstination que Claus von Stauffenberg a déployée pour mener à bien un dessein qui est le fruit d’une longue préparation.
Son échec s’inscrit dans une longue lignée d’une série d’attentats contre le Führer qui avorteront ou furent reportés, fiascos répétés qui décidèrent Claus von Stauffenberg à risquer le tout pour le tout en tuant lui même Hitler. L’histoire de son engagement personnel dépasse largement son itinéaire et implique également tous ceux, militaires et intellectuels. Ils seront des centaines qui participèrent à ce complot censé provoquer un tournant décisif de la Seconde Guerre mondiale.
Hermann Goering et Martin Bormann inspectent les lieux de l’attentat
Pour la première fois, des chefs de la Wehrmacht, et parmi eux des généraux de premier plan, notamment Henning von Tresckow, qui, le premier projeta de tuer Adolf Hitler en 1938, Hans Günther von Kluge, Friedrich Olbricht, ou encore le général Carl-Heinrich von Stülpnagel, basé à Paris, s’engagaient en tuant Hitler, mais aussi Himmler et Goering, à neutraliser la SS et à faire la paix avec les alliés américains et anglais, afin de permettre à ceux-ci d’arriver avant les Russes à Berlin. Cette option qui avait l’aval de Rommel, le maréchal le plus populaire du Reich, qui resta par ailleur à l’écart de l’action, échoua lamentablement et se termina en bain de sang.
Après que les conjurés furent assassinés, la guerre continua un an durant. S’il n’a pas changé le cours de l’histoire, l’attentat du 20 juillet 1944 en a néenmoins modifié la teneur, puisque l’action des conjurés et leur sacrifice auront permis à l’Allemagne de ne pas être perçue comme unanimement hitlérien. Pour saisir la genèse de cette entreprise, le parcours du comte Claus von Stauffenberg est exemplaire. Comme l’immense majorité des hommes de la Wehrmacht, celui-ci se réjouira, en 1933, de la victoire d’Hitler. Participant avec enthousiaste à la campagne de France de 1940, il est un représentant de l’aristocratie qui voit en Hitler un chef, un rédempteur de l’Allemagne humiliée par le traité de Versailles, sans être pour autant national-socialiste.
Discours d’Hitler au peuple Allemands dans la nuit du 20 au 21 juillet 1944
Nationaliste, catholique, au moins formellement, lecteur d’Hölderlin et traducteur d’Homère, Stauffenberg est un sujet exceptionnel, à la fois cavalier émérite et intellectuel de haut vol. Romantique durant sa jeunesse, il fait partie du cercle du poète de Stefan George dont l’œuvre appelle à un renouveau germanique. Sans être engagé politiquement, Stauffenberg est en consonance avec les thèses de la révolution conservatrice allemande, mouvance dont Ernst Jünger sera le fleuron littéraire le plus brillant. Anti libérale et méprisant à l’égard de la démocratie cette mouvance est mise à contribution par le national-socialisme mais elle s’en dissoucie très vite. Si le capitaine Jünger, en poste à Paris en 1940, devient anti nazi, le cheminement de Stauff, comme l’appellent ses camarades, est plus long. C’est au printemps 1942, que celui-ci comprend l’étendue des massacres politiques et raciaux commis par la SS et certains bataillons de la Wehrmacht en Russie.
La politique raciale du troisième Reich le scandalise, d’autant plus qu’il croit que l’alliance avec les peuples ukrainiens et slaves est possible contre Staline. C’est progressivement, qu'il se convainc de la nécessité d’éliminer celui qu’Ernst Jünger, avec d’autres officiers allemands, appellent le cochon. Contrairement à ce que certains ont pu arguer, ce n’est pas l’enlissement de l’armée allemande en Russie qui fait germer les idées de complot, même si cette situation y a contribué. C’est la prise de conscience du caractère intrinsèquement criminel d’un régime devenu néfaste pour la survie même de l’Allemagne.
Stefan George Berthold et Claus von Stauffenberg en 1924
À l’automne 1942, Stauffenberg prends contact avec des généraux tels qu’Henning von Tresckow à un moment ou des Allemands conservateurs mais aussi libéraux et socialistes se rencontrent clendestinement pour ébaucher des projets qui ont pour objectif de préparer l’après-guerre et de ramener l’Allemagne parmi les nations civilisées. Au départ Claus von Stauffenberg n’est qu’un conjuré virtuel parmi d’autres. Mais sa vie bascule en septembre 1943, quand il revient très grièvement blessé du front Tunisien où il a perdu un œil, la main droite et deux doigts de la main gauche lors d’un bombardement. Comme s’il n’avait plus rien à perdre que la vie, il se lance à corps perdu dans l’idée d’organiser le meutre d’Hitler.
Mais ce ne sera que peu à peu qu'il se convainc de le tuer lui-même. Peut avant son action du 20 juillet, plusieurs attentats ont été formentés et tous ont échoués in extremis. Le premier est celui mis sur pied par le général Henning von Tresckow, le 13 mars 1943, qui doit avoir lieu au quartier général du maréchal von Kluge, avec la complicité de celui-ci. Un groupe d’hommes devait attendre que le Führer soit installé au mess des officiers pour l’abattre de plusieurs balles de revolver, ainsi qu’Himmler qui devait être présent.
Mariage de Claus von Stauffenberg avec Nina Freïïn von Lerchenfeld en 1933
Une manière de faire d’une pierre d’eux coups et ainsi de décapiter la SS, fer de lance de l’idéologie nazie. Au dernier moment, Himmler annule le rendez-vous prévu. Les conjurés décident alors de mettre une bombe dans la soute de l’avion dans lequel Hitler repart, la bombe devant sauté à une heure précise. En vain, car le détonnateur gèle en plein vol! Le diable semble être de la partie : À chaque fois qu’une tentative est faite, elle échoue sur un détail ou à cause des tergiversations d’un acteur de l’attentat. Le 20 mars, autre tentative : le lieutenant-colonel von Gersdorff, qui s’est armé d’une ceinture d’explosifs, projette de se faire sauter en même temps qu'Hitler doit venir admirer des prises de guerre russes lors d’une réunion de la Wehrmacht. Mais le Führer traverse les salles où sont exposés les butins au pas de course. Il repart une demi-heure après son arrivée, alors que le détonateur était réglé sur 45 minutes.
En novembre 1943, après avoir pris à Berlin ses fonctions à la tête de l’AHA, services généraux de l’armée de réserve, où sa mission officielle est de diriger la logistique générale de l’armée sous les ordres du général Friedrich Olbricht, Stauffenberg devient un conjuré déterminé. Sa mission est de coordonner l’organisation du coup d’État. La tâche est ardue car l’opposition anti nazie est hétéroclite.
Trois groupes forment la nébuleuse des comploteurs. Parmi ceux-ci, la résistance conservatrice regroupée autour de personnalités politiques comme Carl Friedrich Goertdeler, bourgmestre de Leipzig, qui ne fut pas défavorable à Hitler au début. Les modernes du cercle de Kreisau, animé en particulier par Helmut James von Moltke, petit neveu du célèbre maréchal von Moltke, qui seront parmi les promoteurs de l’Allemagne fédérale, enfin il y a les militaires dont les principales figures sont le maréchal von Witzleben, le général d’armée Beck, le général de division Olbritch et le général de brigade von Tresckow, assisté d’une cohorte d’officiers supérieurs aux motivations diverses et parfois ambïgues. C’est gens n’ont pas la même vision de l’Allemagne, certains catholiques ou réactionnaires, veulent restaurer une Allemagne non démocratique.
D’autres penchent vers le libéralistme, voire la social-démocracie. Tous sont anticommunistes et font de Staline l’adversaire absolu. De son côté Stauffenberg, s’il reste fondamentalement conservateur, a évolué. Il n’exclut pas de collaborer avec des socialistes pour abattre Hitler. C’est le général Olbricht qui conçoit l’idée de détourner au profit des conjurés le plan Walkyrie, projet initialement conçu par le Führer pour parer une inventuelle révolte des populations soumises aux lois raciales du Reich.
Claus von Stauffenberg avec ses enfants en 1943
L’application de ce plan, dès la mort d’Hitler, doit permettre à la Wehrmacht d’instaurer la loi matiale et de neutraliser le parti nazi et la SS : Aux chefs militaires qui ne sont pas dans le secret, on pourra faire croire qu’ils obéissent à leur supérieur hiérarchique et à l’autorité légitime. Utiliser les directives du Führer pour le déposer est une idée lumineuse, probablement la seule qui permette d’organiser sérieusement un coup d’État policier, écrit Jean-Louis Thiériot. Lumineux sur papier, ce plan est néanmoins problématique, car il décidera du déclenchement de l’opération? Habitués à obéir à leurs supérieurs, leur supérieur suprême étant Hitler, certains généraux vont hésiter quant à l’action ultime. Ce sera le cas du général Fromm, supérieur hiérarchique de Stauffenberg et membre de l’OKH, commandement en chef de la Wehrmacht qui faisait dépendre le déclenchement des opérations de la mort d’Hitler.
Le 11 février 1944, une nouvelle tentative de tuer Hitler échoue. Celui-ci doit inspecter les nouveaux uniformes de la Wehrmacht. Un jeune soldat prussien, Heinrich Kleist doit se sacrifier sur son passage en faisant sauter une serviette bourrée d’explosifs. Mais à la dernière minute Hitler se décommande. Ulcéré par ces échecs, Stauffenberg se rend compte de l’opportunisme de ces généraux qui craignent les conséquences de la mort d’Hitler et appréhendent un conflit avec la SS. Plus profondément, cette ambivalence fait ressortir le fait qu’Hitler, aussi détesté soit-il parmi les officiers de la Wehrmacht, reste le chef ligitime pour l’immense majorité de la troupe. Comment se débarasser de celui qui est encore aux yeux de la plupart des Allemands l’homme incontesté?
De gauche à droite : Berthol, Claus et Alexander entourent leur père en 1924
Conscient de son isolement, il écrit quelques mois avant de passer à l’action : Ce que je fais, c’est de la trahison. Mais ce qu’ils font c’est de la trahison de leur pays. Nommé le 1er juin par le général Olbricht chef d l’AHA, il a désormais accès aux réunions au sommet avec Hitler et met au point lui-même les dispositifs de l’attentat. Il amorcera les deux bombes qui sont censées ne laisser aucune chance au dictateur. Le déclenchement de l’opération Waklyrie s’en suivera automatiquement après la mort d’Hitler. Mais le hasard ou le diable, une fois encore, vont compromettre cette belle ordonnance. Une bombe seulement sautera, Stauffenberg nayant pas eu le temps d’amorcer la seconde. Surtout la serviette où elle était entreposée, sous la table de la conférence présidée par Hitler, sera déplacée par l’officier qui prendra la place de Stauffenberg, lequel a dû s’absenter momentanément de la pièce après l’y avoir laissée. Tout est en place, il n’y a qu’à attendre.
Après la détonation, ayant vu un homme sur une civière recouvert du manteau d’Hitler, Stauffenberg affirmera à ses interlocuteurs au téléphone qu’Hitler était mort et qu’il fallait déclencher l’opération Walkyrie. Mais quelques heures plu tard, Goebbels dément l’information. L’opération Waklkyrie qui avait pris du retard, dans l’expectative de la confirmation de la mort d’Hitler, se retourne contre ses initiateurs qui vont se quereller, laissant la part belle à la Gestapo et à la SS qui iront très vite en besogne. Quand Hitler prend la parole à la radio et que les officiers hésitants reconnaissent sa voix, c’en est fini de la conjuration.
Le 20 juillet 1944, dans la nuit Stauffenberg et ses plus proches collaborateurs seront fusillés. Avant de mourir, celui-ci s’écrit Vive la Sainte Allemagne. D’autres seront condamnés plusieurs semaines plus tard après un simulacre de procès et leur pendaison seront filmée pour qu’Hitler se repaisse du spectacle. Les familles des conjurés subiront la vindicte d’Himmler qui leur fera subir la loi raciale au nom de laquelle on est coupable des actes de ceux de son clan. Ils connaîtront pour beaucoup, la prison et la déportation. Malgré leur tragique échec. Qui peut évoquer celui d’Antigone face à Creon, les conspirateurs de cette conjuration héroïque auront contribué à fonder les bases d’une Allemagne nouvelle.
Roland Freisler ouvant une séance du tribunal du peuple
Berthold, comte Schenk von Stauffenberg (1905 1944) était un juriste allemand et un résistant au Troisième Reich. Avec son frère Claus von Stauffenberg, Berthold von Stauffenberg fut complice du complot contre Adolf hitler. L'attentat du 20 juillet 1944 ayant échoué, il fut victime de la répression qui s'ensuivit. Claus Von Stauffenberg avait nommé son fils aîné Berthold Maria von Stauffenberg né en 1934 en hommage à son frère. Il fut pendu à un croc de boucher le 10 août 1944.
Plaque commémorative pour les fusillés du 20 juillet 1944, Bendlerblock (Berlin).