LES CHRONIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

CLAUS VON STAUFFENBERG L’ÉTOFFE DES HÉROS

L’attentat du 20 juillet 1944, auquel Hitler réchappa de justesse, fut ourdi par un groupe des généraux de la Wehrmacht, mais, c’est le colonel Claus von Stauffenberg qui en sera à la fois l’acteur décisif et le symbole. Celui de ces Allemands qui, désespérés de voir leur nation souillée par le nazisme, aspiraient à regagner le rang des peuples civilisés.

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Le 15 juillet 1944, au quartier général de la Wolfschanze (Prusse Orientale), Stauffenberg au garde-à-vous devant Hitler

C’est le 20 juillet 1944, vers 12h30 que la bombe qui doit tuer Hitler en pleine conférence dans son repère prusien de Rastenburg explose. Aussi effroyable que soit la détonation, Hitler n’est que légèrement blessé. Alors que cinq de son entourage sont tués et d’autres grièvement atteints. Claus von Stauffenberg qui a entreposé la bombe, dans une serviette, sous la table où Hitler devisait devant les cartes d’état-mjor, a eu le temps de s’éloigner de ce baraquement sous haute surveillance. Il avait réussie à s’y introduire en tant que colonel chargé de questions logistiques liées à la situation de la Wehrmacht sur le front de l’est, mais il est pour Hitler un quasi quidam. Peu d’hommes avaient le prévilège de rencontrer le chef de l’Allemagne nazie : on mesure à ce détail l’extraordinaire obstination que Claus von Stauffenberg a déployée pour mener à bien un dessein qui est le fruit d’une longue préparation.

Son échec s’inscrit dans une longue lignée d’une série d’attentats contre le Führer qui avorteront ou furent reportés, fiascos répétés qui décidèrent Claus von Stauffenberg à risquer le tout pour le tout en tuant lui même Hitler. L’histoire de son engagement personnel dépasse largement son itinéaire et implique également tous ceux, militaires et intellectuels. Ils seront des centaines qui participèrent à ce complot censé provoquer un tournant décisif de la Seconde Guerre mondiale.

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 Hermann Goering et Martin Bormann inspectent les lieux de l’attentat

Pour la première fois, des chefs de la Wehrmacht, et parmi eux des généraux de premier plan, notamment Henning von Tresckow, qui, le premier projeta de tuer Adolf Hitler en 1938, Hans Günther von Kluge, Friedrich Olbricht, ou encore le général Carl-Heinrich von Stülpnagel, basé à Paris, s’engagaient en tuant Hitler, mais aussi Himmler et Goering, à neutraliser la SS et à faire la paix avec les alliés américains et anglais, afin de permettre à ceux-ci d’arriver avant les Russes à Berlin. Cette option qui avait l’aval de Rommel, le maréchal le plus populaire du Reich, qui resta par ailleur à l’écart de l’action, échoua lamentablement et se termina en bain de sang.

Après que les conjurés furent assassinés, la guerre continua un an durant. S’il n’a pas changé le cours de l’histoire, l’attentat du 20 juillet 1944 en a néenmoins modifié la teneur, puisque l’action des conjurés et leur sacrifice auront permis à l’Allemagne de ne pas être perçue comme unanimement hitlérien. Pour saisir la genèse de cette entreprise, le parcours du comte Claus von Stauffenberg est exemplaire. Comme l’immense majorité des hommes de la Wehrmacht, celui-ci se réjouira, en 1933, de la victoire d’Hitler. Participant avec enthousiaste à la campagne de France de 1940, il est un représentant de l’aristocratie qui voit en Hitler un chef, un rédempteur de l’Allemagne humiliée par le traité de Versailles, sans être pour autant national-socialiste.

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 Discours d’Hitler au peuple Allemands dans la nuit du 20 au 21 juillet 1944

Nationaliste, catholique, au moins formellement, lecteur d’Hölderlin et traducteur d’Homère, Stauffenberg est un sujet exceptionnel, à la fois cavalier émérite et intellectuel de haut vol. Romantique durant sa jeunesse, il fait partie du cercle du poète de Stefan George dont l’œuvre appelle à un renouveau germanique. Sans être engagé politiquement, Stauffenberg est en consonance avec les thèses de la révolution conservatrice allemande, mouvance dont Ernst Jünger sera le fleuron littéraire le plus brillant. Anti libérale et méprisant à l’égard de la démocratie cette mouvance est mise à contribution par le national-socialisme mais elle s’en dissoucie très vite. Si le capitaine Jünger, en poste à Paris en 1940, devient anti nazi, le cheminement de Stauff, comme l’appellent ses camarades, est plus long. C’est au printemps 1942, que celui-ci comprend l’étendue des massacres politiques et raciaux commis par la SS et certains bataillons de la Wehrmacht en Russie.

La politique raciale du troisième Reich le scandalise, d’autant plus qu’il croit que l’alliance avec les peuples ukrainiens et slaves est possible contre Staline. C’est progressivement, qu'il se convainc de la nécessité d’éliminer celui qu’Ernst Jünger, avec d’autres officiers allemands, appellent le cochon. Contrairement à ce que certains ont pu arguer, ce n’est pas l’enlissement de l’armée allemande en Russie qui fait germer les idées de complot, même si cette situation y a contribué. C’est la prise de conscience du caractère intrinsèquement criminel d’un régime devenu néfaste pour la survie même de l’Allemagne.

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 Stefan George Berthold et Claus von Stauffenberg en 1924

À l’automne 1942, Stauffenberg prends contact avec des généraux tels qu’Henning von Tresckow à un moment ou des Allemands conservateurs mais aussi libéraux et socialistes se rencontrent clendestinement pour ébaucher des projets qui ont pour objectif de préparer l’après-guerre et de ramener l’Allemagne parmi les nations civilisées. Au départ Claus von Stauffenberg n’est qu’un conjuré virtuel parmi d’autres. Mais sa vie bascule en septembre 1943, quand il revient très grièvement blessé du front Tunisien où il a perdu un œil, la main droite et deux doigts de la main gauche lors d’un bombardement. Comme s’il n’avait plus rien à perdre que la vie, il se lance à corps perdu dans l’idée d’organiser le meutre d’Hitler.

Mais ce ne sera que peu à peu qu'il se convainc de le tuer lui-même. Peut avant son action du 20 juillet, plusieurs attentats ont été formentés et tous ont échoués in extremis. Le premier est celui mis sur pied par le général Henning von Tresckow, le 13 mars 1943, qui doit avoir lieu au quartier général du maréchal von Kluge, avec la complicité de celui-ci. Un groupe d’hommes devait attendre que le Führer soit installé au mess des officiers pour l’abattre de plusieurs balles de revolver, ainsi qu’Himmler qui devait être présent.

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Mariage de Claus von Stauffenberg avec Nina Freïïn von Lerchenfeld en 1933

Une manière de faire d’une pierre d’eux coups et ainsi de décapiter la SS, fer de lance de l’idéologie nazie. Au dernier moment, Himmler annule le rendez-vous prévu. Les conjurés décident alors de mettre une bombe dans la soute de l’avion dans lequel Hitler repart, la bombe devant sauté à une heure précise. En vain, car le détonnateur gèle en plein vol! Le diable semble être de la partie : À chaque fois qu’une tentative est faite, elle échoue sur un détail ou à cause des tergiversations d’un acteur de l’attentat. Le 20 mars, autre tentative : le lieutenant-colonel von Gersdorff, qui s’est armé d’une ceinture d’explosifs, projette de se faire sauter en même temps qu'Hitler doit venir admirer des prises de guerre russes lors d’une réunion de la Wehrmacht. Mais le Führer traverse les salles où sont exposés les butins au pas de course. Il repart une demi-heure après son arrivée, alors que le détonateur était réglé sur 45 minutes.

En novembre 1943, après avoir pris à Berlin ses fonctions à la tête de l’AHA, services généraux de l’armée de réserve, où sa mission officielle est de diriger la logistique générale de l’armée sous les ordres du général Friedrich Olbricht, Stauffenberg devient un conjuré déterminé. Sa mission est de coordonner l’organisation du coup d’État. La tâche est ardue car l’opposition anti nazie est hétéroclite.

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Trois groupes forment la nébuleuse des comploteurs. Parmi ceux-ci, la résistance conservatrice regroupée autour de personnalités politiques comme Carl Friedrich Goertdeler, bourgmestre de Leipzig, qui ne fut pas défavorable à Hitler au début. Les modernes du cercle de Kreisau, animé en particulier par Helmut James von Moltke, petit neveu du célèbre maréchal von Moltke, qui seront parmi les promoteurs de l’Allemagne fédérale, enfin il y a les militaires dont les principales figures sont le maréchal von Witzleben, le général d’armée Beck, le général de division Olbritch et le général de brigade von Tresckow, assisté d’une cohorte d’officiers supérieurs aux motivations diverses et parfois ambïgues. C’est gens n’ont pas la même vision de l’Allemagne, certains catholiques ou réactionnaires, veulent restaurer une Allemagne non démocratique.

D’autres penchent vers le libéralistme, voire la social-démocracie. Tous sont anticommunistes et font de Staline l’adversaire absolu. De son côté Stauffenberg, s’il reste fondamentalement conservateur, a évolué. Il n’exclut pas de collaborer avec des socialistes pour abattre Hitler. C’est le général Olbricht qui conçoit l’idée de détourner au profit des conjurés le plan Walkyrie, projet initialement conçu par le Führer pour parer une inventuelle révolte des populations soumises aux lois raciales du Reich.

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Claus von Stauffenberg avec ses enfants en 1943

L’application de ce plan, dès la mort d’Hitler, doit permettre à la Wehrmacht d’instaurer la loi matiale et de neutraliser le parti nazi et la SS : Aux chefs militaires qui ne sont pas dans le secret, on pourra faire croire qu’ils obéissent à leur supérieur hiérarchique et à l’autorité légitime. Utiliser les directives du Führer pour le déposer est une idée lumineuse, probablement la seule qui permette d’organiser sérieusement un coup d’État policier, écrit Jean-Louis Thiériot. Lumineux sur papier, ce plan est néanmoins problématique, car il décidera du déclenchement de l’opération? Habitués à obéir à leurs supérieurs, leur supérieur suprême étant Hitler, certains généraux vont hésiter quant à l’action ultime. Ce sera le cas du général Fromm, supérieur hiérarchique de Stauffenberg et membre de l’OKH, commandement en chef de la Wehrmacht qui faisait dépendre le déclenchement des opérations de la mort d’Hitler.

Le 11 février 1944, une nouvelle tentative de tuer Hitler échoue. Celui-ci doit inspecter les nouveaux uniformes de la Wehrmacht. Un jeune soldat prussien, Heinrich Kleist doit se sacrifier sur son passage en faisant sauter une serviette bourrée d’explosifs. Mais à la dernière minute Hitler se décommande. Ulcéré par ces échecs, Stauffenberg se rend compte de l’opportunisme de ces généraux qui craignent les conséquences de la mort d’Hitler et appréhendent un conflit avec la SS. Plus profondément, cette ambivalence fait ressortir le fait qu’Hitler, aussi détesté soit-il parmi les officiers de la Wehrmacht, reste le chef ligitime pour l’immense majorité de la troupe. Comment se débarasser de celui qui est encore aux yeux de la plupart des Allemands l’homme incontesté?

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De gauche à droite : Berthol, Claus et Alexander entourent leur père en 1924

Conscient de son isolement, il écrit quelques mois avant de passer à l’action : Ce que je fais, c’est de la trahison. Mais ce qu’ils font c’est de la trahison de leur pays. Nommé le 1er juin par le général Olbricht chef d l’AHA, il a désormais accès aux réunions au sommet avec Hitler et met au point lui-même les dispositifs de l’attentat. Il amorcera les  deux bombes qui sont censées ne laisser aucune chance au dictateur. Le déclenchement de l’opération Waklyrie s’en suivera automatiquement après la mort d’Hitler. Mais le hasard ou le diable, une fois encore, vont compromettre cette belle ordonnance. Une bombe seulement sautera, Stauffenberg nayant pas eu le temps d’amorcer la seconde. Surtout la serviette où elle était entreposée, sous la table de la conférence présidée par Hitler, sera déplacée par l’officier qui prendra la place de Stauffenberg, lequel a dû s’absenter momentanément de la pièce après l’y avoir laissée. Tout est en place, il n’y a qu’à attendre.

Après la détonation, ayant vu un homme sur une civière recouvert du manteau d’Hitler, Stauffenberg affirmera à ses interlocuteurs au téléphone qu’Hitler était mort et qu’il fallait déclencher l’opération Walkyrie. Mais quelques heures plu tard, Goebbels dément l’information. L’opération Waklkyrie qui avait pris du retard, dans l’expectative de la confirmation de la mort d’Hitler, se retourne contre ses initiateurs qui vont se quereller, laissant la part belle à la Gestapo et à la SS qui iront très vite en besogne. Quand Hitler prend la parole à la radio et que les officiers hésitants reconnaissent sa voix, c’en est fini de la conjuration.

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Le 20 juillet 1944, dans la nuit Stauffenberg et ses plus proches collaborateurs seront fusillés. Avant de mourir, celui-ci s’écrit Vive la Sainte Allemagne. D’autres seront condamnés plusieurs semaines plus tard après un simulacre de procès et leur pendaison seront filmée pour qu’Hitler se repaisse du spectacle. Les familles des conjurés subiront la vindicte d’Himmler qui leur fera subir la loi raciale au nom de laquelle on est coupable des actes de ceux de son clan. Ils connaîtront pour beaucoup, la prison et la déportation. Malgré leur tragique échec. Qui peut évoquer celui d’Antigone face à Creon, les conspirateurs de cette conjuration héroïque auront contribué à fonder les bases d’une Allemagne nouvelle.

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Roland Freisler ouvant une séance du tribunal du peuple

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Berthold, comte Schenk von Stauffenberg (1905 1944) était un juriste allemand et un résistant au Troisième Reich. Avec son frère Claus von Stauffenberg, Berthold von Stauffenberg fut complice du complot contre Adolf hitler. L'attentat du 20 juillet 1944 ayant échoué, il fut victime de la répression qui s'ensuivit. Claus Von Stauffenberg avait nommé son fils aîné Berthold Maria von Stauffenberg né en 1934 en hommage à son frère. Il fut pendu à un croc de boucher le 10 août 1944.

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 Plaque commémorative pour les fusillés du 20 juillet 1944,  Bendlerblock (Berlin).



10/01/2014
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