LES CHRONIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

SERVICE DE RENSEIGNEMENT DE LA FRANCE LIBRE

Les serices spéciaux de la France libre, resté dans les mémoires sous le nom de BCRA, sont nés à Londres le 1er juillet 1940. Si le BCRA ne fut pas seulement un service de renseignement, cette mission représenta une part importante de son activité. Entre les Mémoires de son fondateur, pubiés en 1947 et 1951, et la légende noire colportée par ses détracteurs, il restait un espace pour analyse historique du travail mené par ce service.

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Le colonel Passy en août 1944

Le Bureau central de renseignements et d’action (BCRA) est une administration essentielle de la France libre, c’est-à-dire de l’État dont le général De Gaulle entreprend la construction à Londres en juin 1940. Comme tous les services de cet État, il connaît des débuts modestes deux bureaux et quatre officiers au moment de sa création le 1er juillet 1940, puis il prend de l’ampleur à mesure que ses activités se développent et se diversifient. Initialement, le service constitue le 2e bureau de l’état-major du général De Gaulle. Il est dirigé par le capitaine André Dewavrin qui prend le pseudonyme de Passy. Il est alors cantonné à la recherche de renseignements, en liason avec l’Intelligence Service britannique, notamment sur les préparatifs qui mènent les Allemands en France en vue d’un débarquement sur les côtes britanniques. En avril 1941, il prend le nom de Service de renseignement (SR). Malgré les réticences du général De Gaulle, Passy ambitionne dès l’été 1940 d’élargir les activités de son service en entreprenant une action paramilitaire en France. Pour ce faire, il noue des relations avec le Spécial Operation executive (SOE), le service britannique dédié à l’action subversive, Une section Action est créée en juin 1941 mais ne devient officielle qu’en octobre. En mars 1942, cette section est scindée en deux : La section Action/Missions (A/M) met en œuvre l’action elle s’occupe notamment de l’acheminement des agents et du matériel tandis que la section Action/Étude et coordination (A/EC) prépare des plans d’action en accord avec les Britannique.

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Entraînement à la base de Ridgway, près de Manchester

Entre-temps en décembre 1941, le SR s’est doté d’une section de contre-espionnage (CE) pour interroger les nouveaux arrivants et établir un fichier des sympatisants et des adversaires. Le 22 janvier 1942, le service est rebaptisé Bureau central de renseignements et d’action militaire (BCRAM). Enfin au cours de l’été 1942, après avoir bataillé pendant des mois avec de Gaulle, il s’impose comme service chargé de mettre en œuvre l’ensemble des missions clandestines en France. Sous le nom de BCRA, il suit désormais les directives militaires de l’état-major (Pierre Billotte) et politique du Commissariat national à l’Intérieur (CNI-André Philip). Il se dote alors d’une section Non Militaire (NM) par laquelle transitent toutes les instructions d’ordre politique.

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Bureau de recrutement à Londres, à l’été 1940

À mesure que ses fonctions se développent, le BCRA étoffe sont personnel. On peut estimer qu'’il a envoyé en mission, avant le débarquement, environ 170 agents de renseignements et entre 200 et 250 agents dédiés à l’action, saboteurs, agents de liaisons, etc. À Londres, ses effectifs passent de 23 personnes dont 10 officiers. Fin novembre 1941 à 421 personnes dont 73 officiers début 1944. Parmi les responsables se distinguent Passy, fondateur et chef incontesté du service; André Manuel, cofondateur et chef adjoint, unanimement apprécié, qui remplace Passy pendant ses absences avant de prendre la direction, fin 1943, de la base londonnienne; Pierre Brossolette, enfin qui s’impose à partir de 1942 comme la tête politique du service et exerce une forte influence sur Passy. D’autres officiers jouent un rôle important mais plus limité : Raymond Lagier (Bienvenue) puis Jacques Robert (Rewez) à la section A/M, Maurice Duclos (Saint-Jacques) à la section A/EC, Tony Mella à la section R, Roger Warin (Wybot) puis François Thierry-Mieg (Vaudreuil) à la section CE et Jacques Bingen à la section NM.

Sans jamais manifester beaucoup d’intérêt pour son action, le général De Gaulle a toujour veillé à garder le contrôle du BCRA. Au sein même de la France libre. En 1940-1941, il refuse de le laisser passer sous la coupe de l’amiral Muselier. C’est plus vrai à partir de 1943, lorsqu’il lui faut partager le pouvoir avec le général Giraud au sein du Comité français de la Libération national CFLN), créé à Alger en juin 1943. La question de la fusion entre le BCRA et les services secrets de Giraud, héritiers de ceux de Vichy, est l’un des enjeux majeurs des discussions entre les deux généraux. L’enjeu est de taille, car celui qui contrôlera les services secrets unifiés contrôlera l’action en France. De Gaulle milite pour une prééminence du président du CFLN. Giraud pour celle du commandant en chef. Un compromis débouche sur une rupture avec la tradition française : les services fusionnés sont rattachés à un organisme civil, Le Comité d’action en France Comidac, créé le 4 octobre 1943 et constitué initialement de Giraud, De Gaulle et Philip. La fusion effective est toutefois lente et difficile, entreprise par le général Cochet, elle est menée à son terme par Jacques Soustelle dans le cadre de la Direction générale des services spéciaux (DGSS), créée en novembre 1943. Elle ne s’impose concrètement qu’en avril 1944 lorsque Giraud abandonne toute fonction au sein du CFLN. Les gaullistes contrôlent alors les postes cléfs Soustelle et Passy à la tête de la DGSS, sont secondés par Manuel, chef du BCRA de Londres et Pélabon, chef de la branche algéroise mais des officiers giraudistes s’imposent à des postes stratégiques, notamment Paul Paillole et André Bonnefous à la tête du Contre-espionnage et Pierre Lejeune à la section Action.

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Le général De Gaulle dans son bureau à Carlton Gardens, en 1941

La vocation du BCRA est de servir les objectifs de l’État gaulliste, qui sont à la fois militaires et politiques. L’objectif initial du général De Gaulle est que la France participe au combat des Alliés contre l’envahisseur pour avoir, au jour de la victoire, une place à la table des vainqueurs et préserver ainsi son statut dans le monde. Dès lors qu'au début, les maigres troupes des forces françaises libres ne peuvent espérer peser sur le cours des opérations militaires traditionnelles, l’action clandestine représente un moyen d’agir contre l’ennemi à moindre coût humain.

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De Gaulle avec le Capitan et Soustelle à Alger en avril 1944

Le premier volet de cette action est le renseignement, qualifié d’action à résultats immédiats car on peut mesurer tout de suite son efficacité. Cet aspect de son travail demeure l’un des atouts majeurs du BCRA tout au long de la guerre. Le service développe ses propres réseaux, dont le plus fameux est la confrérie Notre-Dame (CND) du colonel Rémy. Il contribue à structurer les réseaux issus des mouvements de résistance tels que Cohors et Phalanx pour Libération Nord ou Gallia pour les mouvements unis de Résistance (MUR). Aussitôt après la guerre, les Britanniques confient au chef des services secrets américains que le BCRA a fourni 80% des renseignements utilisés pour la préparation du débarquement de Normandie! Les résultats de l’action subversive sont plus difficiles à mesurer. Malgré un certain nombre d’opérations ponctuelles en 1941, la mission Joséphine B contre la centrale électique de Pessac, en 1942 contre la grande antenne de Radio Paris à Allouis et surtout, en 1943-1944 les missions Armada contre les infrastructures électriques, l’action immédiate ne constitue pas la priorité du BCRA, qui prévilégie l’action à résultats différés. Son objectif est de s’appuyer sur les résistants de métropole pour créer une Armée secrète (AS), placée sous les ordres du général De Gaulle, et d’élaborer et mettre en œuvre des plans de destruction visant notamment les infrastructures de transport et les infrastructures électriques.

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Poste émetteur-récepteur que transportaient les agents- secret vers la France occupée

Le principe d’une Armée secrète est enteriné à Londres en octobre 1942 en présence d’Henry Frenay et d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie, chefs des deux mouvements de resistance les plus importants de Zone-Sud, Combat et Libération-Sud. Après l’arrestation de Jean Moulin délégué général du Comité national français en France et du général Deslestraint, commandant des AS en juin 1943, le BCRA engage une décentralisation de son action. Il met progressivement en place dans chacune des douze régions militaires un Délgué militaire régional (DMR) placé sous les ordres directs de Londres. En outre, il achemine en France des officiers chargé d’établir une liason avec les maquis qui se développent ou de superviser la préparation des plans de sabotage.

De fait en 1944, un État-major des forces françaises de l’intérieur (EMFFI) est constitué au sein du BCRA avant de passer sous les ordres du général Koening, placé le 9 juin à la tête d’un EMFFI tripartie franc-anglo-américain. S’il est difficile de démêler ce qui, dans les combats de la Libération, relève directement de l’action des services spéciaux, de l’aviation et des initiatives locales, il est certain que l’action du BCRA permet à De Gaulle de porter au crédit du Commité français de la Libération nationale puis du Gouvernement provisoire de la République française une grande partie du soutien apporté par la Résistance intérieur au armées alliées.

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Message de Passy, le 8 juillet 1943

Le BCRA suscite des convoitises et des critiques à la mesure du pouvoir que lui confèrent ses fonctions de plus en plus étendues. Les critiques naissent au sein même de la France libre où certains tels André Labarthe, l’amiral Muselier ou Henry Hauck, reprochent au service de mettre en œuvre une politique personnelle, distincte de celle de la France libre au lieu de se cantonner dans sont rôle d’exécutant des directives gouvernementales. Ces détracteurs soulignent les opignions de droite, et parfois d’extrême droite, des premiers officiers du BCRA et dénoncent leurs refus d’apporter la contradiction à Vichy sur le plan politique. Par la suite, certains chefs de mouvements qui supportent mal d’être mis sous tutelle par la France libre mais rechignent à affronter directement De Gaulle, repprochent au BCRA comme à Jean Moulin de faire écran entre eux et le général, et de mener une politique personnelle, les antis-gaullistes français et alliés reprennent certains éléments de ces accusations et dénoncent le BCRA-Gestapo dont  ne pourrait manquer de se doter de Gaulle, qu’ils considèrent comme un apprenti dictateur.

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Ces accusations formulées dans un contexte polémique sont souvent si outrées que les partisans du BCRA les balayent d’un revers de la main. De fait, c’est bien souvent la politique du général De Gaulle qui est visée à travers le BCRA, chargé de mettre en œuvre. Il n’en reste pas moins que le BCRA a occupé au sein de l’État gaulliste, pendant plusieurs années, une place sans commune mesure avec celle que les normes démocratiques recconnaissent aux services secrèts. Entre novembre 1942 et avril 1943, ses trois principaux responssables partent en mission en France où ils procédèrent à un important travail d’organisation militaire mais aussi politique. En Zone Sud, Manuel (Pallas) soutient Jean Moulin dans ses efforts pour mettre sur pied un Comité de coordination et l’Armée secrète. En Zone Nord, Passy (Arquebuse) et Brossollette (Brumaire) outrepassent leurs instructions et créent un Commité de coordination rassemblant les cinq principaux mouvements de résistance.

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L’avion de tranport Yslander pour le transport d’agents-secrèts vers la France de 1941 à 1944

Ces missions marquent l’apogé du BCRA. Qui sera ensuite progressivement ramené à son rang d’exécutant par Emmanuel d’Astier, commissaire de l’Intérieur à partir de novembre 1943 et par les généaux d’Astier et Koening, délégués militaires du Comité d’action en France et à L’ondres.

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Le général Pierre Koening en août 1944.



07/12/2013
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