LES CHRONIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

COMMANDANT KIEFFER, LE FRANÇAIS DU JOUR J

Le 6 juin 1944 débarquait sur les plages de Normandie un commando de 177 hommes, avec à sa tête le commandant Kieffer. Si l’histoire associe son nom au seul jour du Débarquement, le parcours atypique de ce meneur d’hommes reste peu connu comme le rappelle Stéphane Simonnet.

PHOTO 1.jpg
Commandant Kieffer (au centre) avec l’amiral d’Argenlieu à Eastbourne, octobre 1943

S’agissant des seuls militaires français engagés à terre lors du Débarquement du 6 juin 1944, le commando Kieffer tient une place toute particulière dans la mémoire collective nationale, notamment lors des cérémonies commémoratives, La création d’un 6e commando Marine en juin 2008 en est récemment la parfaite illustration. Si le parcours et les exploits de cette troupe d’élite durant la Seconde Guerre mondiale semblent à peu près connus, la trajectoire personnelle de son chef le commandant Kieffer, l’est beaucoup moins.

Étonnant personnage que cet homme qui, cinq ans auparavant, vivait encore avec les siens sur son île natale d’Haïti, confortablement installé dans sa vie de banquier. Au printemps 1939, ces un homme en total rupture qui arrive à Paris avec sa famille après avoir quitté son métier et son lieu d’origine. Kieffer n’a aucune expérience de la guerre mais n’hésite pas à se porter volontaire dans les rangs de l’armée de terre dès septembre, avant de ralier, parmi les premiers, Londres et la France libre, en juillet 1940. Ce civil en uniforme qui annonce ouvertement qu’il quittera l’armée à la fin de la guerre, occupe rapidement une place de premier plan au sein de l’état-major des FNFL à Portsmouth.

PHOTO 2.jpg
Philippe Kieffer 1899-1962

Kieffer est entre-temps devenu marin, officier interprète et du chiffre. Mais tenu éloigné de la guerre, le bouillant officier s’ennuie dans ses fonctions administratives. Kieffer n’a pas  rallié la France libre pour finir la guerre dans un bureau. Il a successivement laissé partir pour l’Afrique et le Levant les 1er et 2e bataillon de fusiliers marins créés par Muselier. Mais il attend son heure, patiemment, tandis que sous ses yeux se reconstitue l’armée britannique autour de nouvelles unités : les commandos marine.

C’est au printemps 1941, que ce produit le déclic dans la courte carrière militaire de Kieffer. Il étudie de près les raids des commandos britanniques après celui victorieux, mené sur les îles Lofoten en Norvège, et réussit à convaincre sa hiérarchie de créer son propre commando. Reste à persuader les opérations combinées britanniques de l’utilité d’une telle troupe française dans leur plan de bataille et leur stratégie.

PHOTO 3.jpg
Les hommes du commandant Kieffer pendant le débarquement sur les plages de Normandie, 6 juin 1944

C’est fait lorsqu’un accord De Gaulle-Mountbatten officialise sa démarche au printemps 1942. Mais sans attendre ce feu vert, Kieffer a déjà recruté depuis janvier et a réuni une vingtaine d’hommes, qui sortent tous brevetés commandos à l’issu du stage d’Archnacarry en Écosse avant l’été. À partir de là Kieffer tient à bout de bras son unité, veillant au niveau des effectifs, aux entraînements, aux recrutements, à l’encadrement d’officiers, exigeant des renforts auprès des FNFL et des départs en mission auprès des Britanniques. En août le raid de Dieppe est le baptême du feu pour quinze de ses hommes. Puis ce sont les raids nocturnes de l’hiver 1943-1944 qui achèvent la préparation Outre-Manche de la troupe française avant son engagement le 6 juin 1944.

Blessé à deux reprises, au cours du Débarquement Kieffer doit laisser son commandement et c’est un commando ayant perdu un quart de ses hommes qui entame en Normandie une guerre de position sur le flanc est du Débarquement afin d’y tenir la tête de pont avec les Britanniques. À la fin de la campagne de Normandie, les français retournent en Angleterre afin d’y préparer un nouveau débarquement dans la presqu’île de Walcheren, le 1er novembre 1944. Tandis que les commandos français livrent leurs derniers combats aux Pays-Bas au début de l’année 1945, Kieffer tente de régler la question de l’avenir de son unité : comment transmettre à la Marine l’expérience et les traditions du 1er bataillon de fusiliers marins commandos, une fois la paix revenue?

PHOTO 4.jpg
Le commandant Kieffer entouré de ses commandos

Appelé à siéger à la nouvelle Assemblée consultative provisoire comme représentant de la France combattante, Kieffer doit passer le commandement de son bataillon en avril 1945. La troupe est dissoute en juillet, Kieffer est démobilisé un an plus tard. Entre-temps, il a tenté sans grand succès une carrière politique en Normandie et un cours commando a été créé en 1946 à l’École des fusiliers marins du centre Siroco en Algérie. Philippe Kieffer aura donc laissé la marque de son passage dans la guerre, tous en parvenant à pérenniser son œuvre.

PHOTO 1.jpg
Photo du commando no 4 du commandant Kieffer

Le Pacha s’est éteint il y a 50 ans des suites d’une longue maladie. Mais 70 ans après leur création, les fusiliers marins commandos existent toujours, formant au sein de la marine française une force opérationnelle de premier plan.



18/01/2014
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 8 autres membres