LES CHRONIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

L’INSURRECTION DU GHETTO DE VASOVIE

Le soulèvement du ghetto de Varsovie un des événements les plus marquants de l’histoire de la résistance armée des Juifs contre les nazis. Une évocation inséparable de l’histoire du centre de mise à mort de Treblinka, où ont été assassinés la majorité des Juifs de Varsovie et près du tiers des Juifs de Pologne.

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Des juifs raflés attendent leur déportation sur l’Umchlagplatz, Pologne, été 1942

Après l’invasion nazie en septembre 1939, la Pologne est divisée entre l’Allemagne et l’URSS. La partie centrale du pays devient un protectorat allemand, le gouvernement général. Dès le mois d’octobre 1939, les nazis créent des ghettos dans les villes principales afin d’y enfermer les Juifs. Les autorités nazies y ordonnent la mise en place de Conseils juifs (Judenräte) chargés officiellement de représenter la société juive auprès des autorités d’occupation et d’organiser la police juive. Crée en novembre 1940, le ghetto de Varsovie regroupe tout d’abord les Juifs de la ville, soit environ 360 000 personnes. 90 000 personnes supplémentaires rejoignent ce quartier ceinturé de murs et gardés par un triple cordon de police (allemandes, polonaises, juive). Le ghetto, qui représente environ 8% de la superficie de la ville de Varsovie, renferme 40 % de ses habitants. Les Allemands organisent la surpopulation on recense plusieurs dizaines de personnes par appartement et planifient la pénurie, la disette, puis la famine. La mortalité y est effrayante.

En août 1941, Emmanuel Ringelblum écrit : Dans les rues, les gens passent avec indifférence devant les cadavres. Après la faim, c’est le typhus qui préoccupe le plus l’opinion du ghetto; en ce mois d’août, il y a 6000 à 7000 malades à domicile, et 900 dans les hôpitaux. Près de 80 000 personnes meurent de faim, de froid ou de maladies avant même le début des déportations vers le centre de mise à mort de Treblinka.

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Homme sautant d’un immeuble en flammes lors de l’insurrection du ghetto, Pologne, mai 1943

La grande déportation des juifs du ghetto débute le 22 juillet 1942. Elle est inscrite dans le cadre de l’Aktion Reinhard qui vise à l’élimination des Juifs du Gouvernement général et à conduire à l’édification des centres de mise à mort de Belzec (en mars) et de Sobibor (en mai) et de Treblinka (en juillet). À cette date, un ordre allemand publié par le Conseil juif indique que tous les habitants du ghetto vont être déportés à l’est. À l’exception des Juifs travaillant dans des entreprises industrielles allemandes et des principaux membres du Judenrät.

Il est ainsi demandé au Conseil juif de fournir des listes pemettant de déporter 6 000 juifs par jour. Adam Czeriakow, son président, tente d’optenir des exemptions. Comprenant qu’il ne peut éviter la déportation et la mort des Juifs du ghetto, notamment des enfants, il se suicide le 23 juillet 1942. Il explique son geste dans une lettre adressée au Conseil Juif. Je ne peux livrer à la mort des enfants sans défense. J’ai décidé de m’en aller. Ne le traitez pas comme un acte de lâcheté, ni comme une fuite. Je n'ai plus la force, mon cœur se brise de chagrin et de pitié, je ne puis souffrir d’avantage. Je suis conscient de vous laisser un lourd héritage.

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Un obus de 2 tonnes tiré par un Mörser Karl tombe sur un immeuble lors du soulèvement de Varsovie, le 28 août 1944.

Convoquées, arrêtés dans la rue, dans les immeubles, ou se rendant volontairement contre du pain, les Juifs sont regroupés sur l’Umschlagplatz d’où les convois partent pour Treblinka. Je n’ai pas le chiffre de ceux qui se portèrent volontaires pour l’Umchlag. Le minimum me semble avoir été de 20 000 personnes qui poussées par la faim, l’angoisse et le désespoir, n’avaient plus la force de lutter et n’avaient d’autre solution que d’aller volontairement à la mort. Lorsque la première vague de déportation du ghetto prend fin le 21 septembre 1942, près de 300 000 Juifs ont été envoyés à Treblinka et assassinés.

Moins de 60 000 Juifs vivent encore dans le ghetto dont à peine 36 000 officiellement recensés. Ces derniers sont essentiellement des hommes de moins de 60 ans dont les Allemands ont besoin pour leur production et pour trier et expédier les biens volés vers le Reich. Paradoxalement, comme le souligne Raul Hilberg, les Allemands avaient gardé en vie le seul groupe capable de résister. De plus, ce groupe connaissait maintenant l’existence et la finalité de Treblinka.

Profitant de cette interruption des déportations, les principales forces clandestines poursuivent leur réunion entamée en mars 1942 avec l’éphémère bloc antifasciste. Cette première organisation qui ne regroupait que les communistes et la gauche sioniste, est démantelée par la Gestapo en juin 1942. Les deux grandes unités de résistance, L’Organisation juive de combat (OJC), commandé par Mordechaï Anielewicz et apparentée à la gauche sioniste, et l’Union militaire juive, proche de la droite sioniste et de la résistance polonaise, décident de combattre ensemble. Chacun se prépare à fabriquer des bombes et à creuser des caches.

Les premières opérations sont dirigées contre les responsables de la police juive, accusée d’être complice des nazis. La police polonaise ne prenait pas part aux rafles pour le travail forcé, c’était la police juive qui était chargée de ces trites activités. Mais pendant les déportations, ils n’élevèrent pas un mot de protestation contre la tâche révoltante dont ils furent chargés : conduire leurs propres frères à l’abattoir. Entre le 18 et le 22 janvier 1943, une première tentative de liquidation du ghetto est interrompue grâce à l’action de la résistance juive armée. Emmanuel Ringelblum souligne également qu’avec les grandes déportations, lors des transferts, les cachettes acquirent une nouvelle importance. Une bonne cachette était devenue une question de vie ou de mort. La résistance polonaise commança à aider les Juifs en leur fournissant des armes et en leur permettant d’en fabriquer ainsi que des bombes, à l’intérieur du ghetto. Mais lorsqu’Himmler ordonne la liquidation total du ghetto la résistance juive ne dispose que de quelques mitraillettes et de centaines de révolvers.

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Dirigea du mouvement de jeunesse sioniste Hashomer Hatsaïr. Il meurt dans le bunker de la rue Vila le 8 mai 1943

Le 19 avril 1943, premier soir de la Pâque Juive et veille de l’aniversaire d’Hitler, les troupes Allemandes attaquent le ghetto avec 2 000 hommes et une grande puissance de feu, lance-flammes, artilleries légères et chars d’assaut. L’assaut ne surprend pas la résistance juive. En revanche, c’est la résistance qui surprend les Allemands. Marek Edelman décrit cette première phase de combat : Nous attendons seulement le moment opportun. Tout à coup explosent des projectiles inconnus (des grenades de notre fabrication), de courtes rafales de pistolet-mitrailleurs déchirent l’air. Les Allemands tentent de s’enfuir, mais leur route est coupée. La rue est jonchée de cadavres allemands. Les glorieux SS font intervenir les tanks pour couvrir le repli victorieux de deux compagnies. Aucun n’en sort vivant. À 14 h il n’y a plus d’Allemands dans le ghetto. La première victoire de l’OJC sur les Allemands est totale.

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Historien, publiciste et pétagogue, il est l’inpirateur et le dirigeant de l’organisation de résistance civile et intellectuelle Oynegchabbeat (Les délices du chabat), à l’origine de la rédaction des archives clandestines du ghetto. Ces archives, conservées à l’institut historique juif de Varsovie, constituent la principale source historique relatant la vie dans le ghetto. Il est assassiné le 7 mars 1944 dans les ruines du ghetto

Le commandant est relevé de ses fonctions, le général SS Jürgen Stroop lui succède et s’acharne, les trois semaines suivantes à vider les maisons une par une. Des quartiers entiers sont passés au lance-flammes. Les Juifs sont pouchassés sur les toits, dans les tunnels et les égouts. Ils sont asphyxiés, carbonisées, enterrés vivants dans les abris où ils se sont retranchés, certains se jettent par les fenêtres pour échapper aux flammes ou aux soldats. Ceux qui sont pris sont immédiatement liquidés. La résistance n’avait aucun plan d’évacuation, ni de contre-attaque. Le jeune  commandant Mordechaï Anielewicz indique simplement dans une lettre : Nous nous battons non pour la vie mais pour le prix de la vie, non pour éviter la mort, mais pour la manière de mourir. Le combat est inégal et sans espoir. Les Allemands assiègent le 18 de la rue Mila, centre de commandement de l'OJC, et exigent la reddition sans condition de ses membres. Essuyant un refus, ils donnent l’assaut le 8 mai 1943. La quasi-totalité de l’état-major, dont Mordechaï, y est tuée, les combats continus durant 8 jours.

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Arrestation d’un résistant combattant juif lors de l’insurrection du ghetto de Varsovie, Pologne, 9 mai 1943

Le 16 mai, Stroop fait dynamiter la grande synagogue de la rue Tlomacki. Il adresse alors un rapport à Himmler lui indiquant qu’il n’existe plus de quartier juifs à Varsovie 7000 Juifs ont été abattus, 7 000 sont envoyés à Treblinka et 40 000 autres sont déportés dans des camps de concentration ou de travaux forcés du district de Lublin. Les pertes allemandes sont peu nombreuses, 16 tués et 85 blessés. Mais c’est l’importance symbolique de l’événement qui marque les esprits tant côté juifs, que côté allemands : un millier de combattants, pratiquement désarmés, viennent de tenir tête pendant un mois à l’armée allemande, alors que le général Stroop pensait liquider le ghetto en trois jours. Cette révolte dépasse les murs du ghetto. Connue juque dans les centres de mise à mort. Elle montrera la voie et servira d’exemple lors des révoltes de Treblinka., le 2 août 1943, de Sobibor, le 14 octobre, et des Soundercommando d’Auschwitz, le 7 octobre 1944.

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Monument dédié à l'insurrection de Varsovie

La situation dans le ghetto et son insurrection étaient également connues des Alliés, grâce notamment au témoignage du résistant polonais Jan Karski, puis à la lettre adressée au gouvernement polonais en exil et plus largement aux autorités alliées en mai 1943 par Szmul Zygielbojm, représentant du syndicat juif Bund au Conseil national polonais, alors qu’elle aurait dû montrer à la face du monde la tragédie qui se déroulait en Pologne, L’insurrection du ghetto de Varsovie et ainsi devenue le marqueur de la passivité des Alliés face à l’assassinat des Juifs de Pologne et plus généralement d’Europe, tandis que la majorité d’entre eux ont déjè été mis à mort.



24/01/2014
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