LES CHRONIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

LES RALLIEMENTS DE L’EMPIRE COLONIALE À LA FRANCE LIBRE

Dans la métropole occupée de juillet 1940, le contrôle des territoires outre-mer est un enjeu majeur tant pour le gouvernement de Vichy que pour la France libre. Il s’agit pour de Gaulle de donner une assise territoriale à son mouvement, servant de bases stratégiques aux Alliés, qui poura influer sur l’évolution de la guerre. Motivations et modalités du ralliement vont varier selon les continents : les premières adhésions sont spontanées et pacifiques en Océanie alors qu’en Afrique elles résultent d’actions audacieuses ou affrontements violents.

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Manifestation en Nouvelle-Calédonie, septembre 1940

Au printemps 1940, alors que la situation des armées françaises semble définitivement compromise sur le sol métropolitain, l’Empire colonial prend une dimension nouvelle : terre d’accueil pour un gouvernement désireux de poursuivre le combat, refuge à l’écart de la menace ennemie pour les bâtiments de la Marine et les avions de l’armée de l’Air. Mais surtout base de départ pour une reconquête future. Laissé libre par les conventions d’armistice, il demeure, avec la flotte, le dernier atout de la France au niveau international. Sa maîtrise devient indispensable pour les autorités françaises. Entre le maréchal Pétain et le général de Gaulle débute une véritable dispute impériale. L’Empire représente une carte maîtresse du gouvernement de Vichy. Le maintient de son intégrité territoriale malgré la défaite est présenté comme un acquis fondamental de l’armistice, à mettre au crédit du nouveau régime.

Il constitue, de plus, un gage politique essentiel dans les relations à venir avec l’occupant allemand. Pour le général de Gaulle, qui ne groupe autour de lui en terre étrangère que 7000 hommes à la fin de l’été, les territoires coloniaux incarnent la condition sine qua non de la survie de son mouvement. Ils lui offrent assise territoriale, source de ligitimité nationale et internationale, une possibilité de recrutement de troupes, mais également une garantie d’indépendance vis-à-vis de la Grande-Bretagne.

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Spahis à Ismaïla en août 1940

Les premiers signes d’effritement de l’unité impériale proviennent des territoires les plus lointains. La rupture des communications maritimes, la perte des débouchés locaux et la pression des autorités britanniques conduisent au ralliement des Comptoirs français de l’Inde (Pondichéry, Karikal, Chandernagor, Mahé et Yanaon) le 9 septembre. Le 20 juillet 1940, le condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides avait prêté allégeance au général de Gaulle sous l’impulsion du Commissaire-résident Henri Sautot. Ce premier ralliement territorial,  est comme le note René Cassin, de valeur moral incontestable. À la suite de ce premier acte, c’est presque l’ensemble du Pacifique français qui bascule dans le camp de la France libre. L’Adhésion des Établissements français d’Océanie (EFO) se déroule à la faveur d’une révolution interne initiée par le Comité de la France libre. Dirigé par le médecin-administrateur Émile de Curton, ce groupe est composé de patriotes résistants avant peut être d’être gaulliste.

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Timbre de l’Inde française

Le départ de Tahiti du stationnaire du Pacifique, l’Aviso Dumont d’Urville, et la promulgation inattendue par le gouverneur des premiers textes du gouvernement de Vichy déclenchent l’offensive de la Resistance. Le 1er septembre 1940, un référendum offre une écrasante majorité aux partisants du ralliement. En Nouvelle-Calédonie, la publication des ordonnances constitutionnelles par le gouverneur, initialement en faveur de la poursuite du combat aux côté de l’Empire britannique, embrase  la population. L’Australie, principale puissance régionale, manifeste ouvertement son inquiétude face à l’agitation calédonienne. Le 28 août 1940, sous la pression populaire, le gouverneur démissionne. Il est remplacé par le commandant des troupes qui prend immédiatement des mesures pour mettre un terme au mouvement. Dans le même temps, un comité de Gaulle se forme et parvient à exposer à Londres la situation de l’île. Le général demande alors à Henri Sautot, le héros des Nouvelles-Hébrides, d’assurer le ralliement de la Nouvelle-Calédonie. Celui-ci est toutefois très risqué sans le concours du gouvernement australien qui hésite sur la conduite à tenir. Wiston Churchill, le Premier ministre britannique convainc alors Camberra de mettre à la disposition de la France libre le croiseur léger Adélaïde, pour escorter Sautot et favoriser l’opération.

Le 19 septembre, le croiseur arrive en rade de Nouméa et permet, par sa présence dissuative, le changement de souveraineté en faveur du mouvement gaulliste. Plusieurs éléments sont caractéristiques de ces ralliements venus des antipodes. Tout d’abord, leur conversion vers la France libre coïncide avec l’ère des adésions spontanées, pacifiques et volontaires. Ensuite leur volonté de continuer le combat ne signifie pas, au moins initialement, un soutien au général de Gaulle. L’aspiration première de ces colonies est de poursuivre la lutte aux côtés de la Grande-Bretagne et non de la France-libre. Enfin le passage sous le drapeau de la Croix de Laurainne est le fruit d’acteurs locaux, car aucuns émissaires de Londres n’y participent. L’influence de l’Australie et de la Grande-Bretagne, tant du point de vue économique que militaire, doit au contraire être soulignée. À Nouméa, le rejet du gouvernement de Vichy trouve également une bonne part de ses motivations dans la force du sentiment autonomiste calédonien.

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Les volontaires du bataillon du Pacifique

Le Tchad, premier territoire africain à se rallier

Les ralliements en août 1940 du Cameroun et de trois des quatre territoires composant l’Afrique Équatoriale Française (AEF) le Tchad, le Moyen-Congo et l’Oubangui-Chari présentent des traits différents. Appuyés sur place par les fonctionnaires favorables à la France libre, Ils sont aquis à la faveur d’actions commandos menées par des émissaires gaullistes avec le soutien, plus ou moins direct de la Grande-Bretagne. Au Tchad, Félix Éboué, le premier gouverneur noir d’une colonnie française annonce dès le 1 juillet son souhait de poursuivre le combat. Cependant au cours de l’été les pressions de Vichy se multiplient en faveur du statu quo, Le 23 août au matin, Éboué révèle l’arrivée iminente à Fort-Lamy de représentants gaullistes. Le lendemain, René Pleven et le commandant Colonna d’Ornano, parviennent à convaincre les hésitants, le commandant militaire du Tchad, le lieutenant-colonel René Marchand, neveu du colonel Marchand, héros de Fachoda, se joint à son tour au mouvement avec Félix Éboué, le ralliement du Tchad à la France libre, le 26 août, au Cameroun, le gouverneur général Richard Brunot incline en faveur du général de Gaulle. Cependant, le gouvernement de Vichy multiplie les pressions et, dans cette optique, dépêche en émissaire le contre-amiral Platon afin de s’assurer de sa fédélité, De leur côté, les Britanniques hésitent sur la conduite à prendre face aux veilliétés manifestées par certains dans cette ancienne colonnie allemande.

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Félix Éboué et Henri Sautot

Si le gouverneur du Nigéria, Bernard Bourdillon, se montre favorable à une action gaulliste, ses collègues de la Gold Coast, du Siera Leone, mais surtout le général Giffard, commandant le dispositif britannique dans la région, y sont fermement opposés, L’opération est montée par Claude Hettier de Boislambert et le chef de l’escadrons Leclerc qui, pour l’occasion, s’est donné le grade de colonel en détachant les galons dorés de sa manche gauche pour orner sa manche droite. Accompagnés d’une vingtaine d’hommes seulement, les deux émissaires de la France libre pénètrent en pleine nuit à Douala. Le 27 août, tous les points stratégiques de la ville sont occupés, ce qui permet à Leclerc de se proclamer commissaire général au nom du général de Gaulle. Le lendemain, à Yaoundé le gouverneur Brunot prend acte du ralliement du Cameroun.

Le Congo, quant à lui, rejoint la France libre à la suite du Putsch militaire mené par le colonel de Larminat. Multipliant les contacts sur place, notamment par l’intermédiaire du médecin général Sicé, il se comporte en agitateur et en provocateur. Le 28 août, l’annonce de la défection du Tchad et du Cameroun enflamme la capitale Brazzaville. À midi, le chef de bataillon Delange, s’empare de l’état-major puis du palais du gouvernement.

Le gouverneur Husson, fidèle à Vichy, est arrêté et conduit au Congo belge. Ces journées du 26 au 28 août 1940 sont bientôt désignées en référence à la Révolution de juillet, (les Trois Glorieuses). Elles entraînent le ralliement de l’Obangui-Chari, puis du Gabon.

Cependant à Libreville, le gouverneur Masson se rétracte et rattache son territoire à L’Afrique Occidentale Française (AOF) demeurée fidèle à l’État français. Le Gabon devient une enclave Vivhyste au cœur des territoires gaullistes qui forment désormais l’Afrique française libre. La vague estival qui porte pacifiquement les territoires coloniaux dans les bras du général de Gaulle se brise brutalement à Dakar en septembre 1940. L’opération prévue tourne au fiasco et se conclut par trois jours d’affrontements violents entre forces anglo-gaullistes et vichystes, peu après, le seuil est franchi au Gabon, où des combats se déroulent, cette fois, entre français seuls.

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Pour les Free French et les Britanniques. Dakar constitue un objectif stratégique majeur en cette fin d’année 1940. La ville, capitale politique et économique de l’AOF occupe une place géostratégique importante sur les routes des convois anglais de Freetown et du Cap. De plus, la cité offre la position la plus avancée vers le continent américain, ce qui reste une préoccupation constante des États-Unis. Enfin, depuis l’armistice, son port accueille le plus puissant des bâtiments de la Marine française, le cuirassé Richelieu, et une partie des réserves d’or de la banque de France. Le plan du général de Gaulle prévoit le débarquement en Guinée et de remonter vers Dakar pour un ralliement progressif des populations. Le vol de l’Aigle de Napoléon, après le débarquement du 1er mars 1815, à Golfe Juan, sert de référence. Cependant bien que désapprouvé par les chefs d’état-major britanniques, ces le projet élaboré par Churchill qui l’emporte. Il imagine d’envoyer une importante escadre devant le port qui, par sa seule présence obtiendrait le ralliement spontané de la ville. Commandée par l’amiral Cunningham, l’opération Menace est montée à la hâte, mais réunit des forces non négligeables. La Royal Navy déploie un porte-avions, deux cuirassés, cinq croiseurs et dix destroyers, que renforcent trois avisos et deux chalutiers armés des forces navales françaises libres FNFL).

L’apport des Free French est plus conséquent en ce qui concerne le corps de débarquement qui compte 2400 Français libres et 4300 Britanniques, le 23 septembre 1940, à l’aube, l’escadre anglo-gaulliste se presente devant Dakar. Le capitaine de frégate Thierry d’Argenlieu est envoyé en qualité de parlementaire mais, à peine débarqué menacé d’arrestation il doit s’échapper sous le feu d’armes automatiques.

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Campagne du Gabon, octobre 1940

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Rapatriement d'un blessé à bord du Westernland

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la 13e demi-brigade de Légion Étrangàre défile devant le général de Gaulle, à Yaoundé en octobre 1940



23/12/2013
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