LES CHRONIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Lili marlene, une chanson devenue légendaire

À la différence de certaines chansons liées au souvenir d’une guerre comme Le Temps des Cerises, La Madelon, Lili Marlene va connaître un destin hors du commun : chanson allemande, adoptée par les soldats de la Wehrmacht puis par les Alliés, elle devient la chanson emblématique de la Seconde Guerre mondiale avant de transcender les époques.

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Marlene Deitrich auprès d’un soldat dans un hôpital américain en Belgique, le 24 novembre 1944

Un soir d’avril 1915, un jeune soldat allemand, Hans Leip, s’apprête à partir sur le front russe. Pendant une garde, il laisse aller sa plume mélancolique et écrit un poème en songeant à deux jeunes filles, Lili, dont il est amoureux et Marleen, une jeune infirmière. Publié dans un recueil dans les années trente, ce poème, chanson d’une jeune sentinelle, émeut une chanteuse allemande, Lale Andersen. Norbert Schultze, célèbre compositeur d’opéras, le met en musique. La chanson est enregistrée sous le titre Lili Marleen en août 1939 mais elle connaît un échec commercial.

En 1941, les forces de l’Axe envahissent la Yougoslavie. Une radio militaire allemande est installée à Belgrade. Dirigée par un jeune lieutenant, elle émet sur les différents fronts allemands. Lili Marleen, un des rares disques à sa disposition y est diffusé en boucle. Cette évocation d’un jeune soldat tenu éloigné de celle qu’il aime rencontre un succès immédiat auprès des troupes allemandes. Le directeur de la radio dédicace alors Lili Marleen à ses camarades de l’Afrika Korps, commandé par le général Rommel. La chanson devient très populaire sur le front Lybien, Joseph Goebbels, minisre du Reich à l’éducation du peuple et à la propagande, fait interdire l’interprétation languissante de cette chanson, qui selon lui, démoralise les troupes mais sa position est critiquée dans les rangs allemands. Le général Rommel incite les radios à poursuivre sa diffusion.

Goebbels contre-attaque en faisant adapter la musique de Lili Marleen en marche militaire pour la Wehrmacht. En captant les émissions radio de l’ennemi, les Britanniques déployés sur le front Lybien pour stopper l’avance de l’Afrika Korps, découvre à leur tour cette mélodie. Le thème universel de Lili Marleen touche les soldats britanniques et devient un succès dans les forces alliées. Pour les autorités militaires, il est bien sûr impassable que les soldats entonnent une chanson de l’ennemi. Elle est interdite de diffusion et d’interprétation. Néanmoins, Lili Marleen se fredonne toujours, à voix basse. Il ne reste plus qu’à la traduire pour en faire, sous le titre Lili Marlene, une chanson anglo-saxonne. À partir de 1943, interprétée par Anne Shelton puis Vera Lynn, elle sera régulièrement diffusée par la BBC et devient un immense succès; elle sera traduite en 48 langues, la version française, écrite par Henri Lemarchand, est interprétée par Suzy Solidor dans son cabaret en 1942.

À son corps défendant. Lale Andersen entame une tournée, pour entretenir le moral des troupes allemandes. En 1942, elle refuse cependant de chanter pour les gardiens du ghetto de Varsovie. En représailles, Goebbels interdit toute diffusion de ses chansons sur les ondes de la radio. Assignée à résidence, la chanteuse tente de mettre fin à ses jours. Du côté allié, Marlene Dietrich, actrice allemande opposée au régime nazi (elle est devenue citoyenne américaine en 1937), est engagée auprès des troupes américaines : elle effectue en 1944 une grande tournée devant les soldats, impatient d’entendre son interprétation langoureuse de Lili Marleen.

Partout sur le front occidental, cette chanson est devenue le symbole de la nostalgie amoureuse, mais aussi de l’espoir d’un retour des bonheurs de l’avant-guerre. Eisenhower rendra hommage au poète Hans Leip qui selon lui fut le seul allemand (à rendre) le monde plus heureux pendant la guerre. Il faut cependant relativer ce jugement : dans les pays est-européens, cet air demeure avant tout lié au souvenir d’une occupation brutale. Dans sa version militaire, en effet, il accompagnait les massacres perpétrés par les Einsatzgruppen. Il reste que cette chanson a traversé l’histoire officieuse de la Wehrmacht puis hymne des soldats de toutes nationalités, sa mélodie est aujourd’hui reprise par le 3e régiment étranger d’infanterie sous le titre Chez nous au 3e. Sur l’île allemande de langeoog où Lale Andersen s’était retirée à la fin de la guerre et où elle est inhumée, une statut a été dédiée à Lili Marleen et à son interprète. En 1980, la chanson a été mise en image dans le film Lili Marleen, de Rainer Werner Fassbinder, librement inspiré de la vie de sa créatrice.

 

 



23/12/2013
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