LES CHRONIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

LES GUERRIERS DE CHURCHILL

Chargés par Churchill de mettre le feu è l’Europe durant la Seconde Guerre mondiale, les agents secrets du Spécial Opérations Exécutive vont participer à la Libération de la France. Formés en Grande-Bretagne, ses 13 000 agents dont 3200 femmes auront pour tâche de soutenir et d’armer le combat contre Hitler et ses alliés dans le monde entier.  On se rappellera le rôle majeur de ces héros de l’ombre.

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Entraînement d’agents du SOE, Grande-Bretagne, 1941

C’est le 22 juillet 1940 qu’est créé dans la plus grande discrétion le Special Opération Exécutive (SOE). Dépendant du ministre de la Guerre économique de Hug Dalton, il est constitué d’un amalgamme de trois orgasnisations ayant connu, depuis deux ans, des succès très mitigés dans le domaine de la propagande et du sabotage : la division E.H. du Foreign Office, le MI (R) du ministère de la Guerre et la section D du SIS. Ce tout nouveau SOE est chargé par Churchill de mettre le feu à l’Europe alors que la Grande Bretagne s’attend encore à l’invasion allemande et n’a pratiquement plus un seul agent sur le continent européen, en outre, il est très mal vu du War Office, de l’Amirauté, du ministère de l’Air et surtout du service secret SIS, qui considèrent tous ce ramassis de dangereux amateurs comme un concurent susceptible de les priver de ressources matérielles et d’officiers de valeur.

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Avion Lyslander pour le parachutage et la récupération d’agents dans les pays occupés

Mais depuis la guerre des Boers et les conflits en Irlande, le nouveau Premier ministre de la Défense Winston Churchill a un faible pour les opérations subversives et il veille jalousement à ce que sa nouvelle création ne soit pas étouffée dans l’œuf par les rivalités internes. Le SOE qui s’installe à la fin d’octobre 1940 au 64, Baker Street une rue rendue célèbre par Sherlock Holmes a pour premier directeur sir Frank Nelson, député conservateur et ancien gérant d’une maison de commerce en Inde; son successeur sera Charles Habro, directeur d’une grande banque de la City. C’est sans doute pourquoi leur organisation recrute autant d’hommes d’affaires, de bamquiers et d’avocats que de militaires pour siéger à son Conseil d’administration, composé d’une quinzaine d’hommes qui fonctionnera assez exactement sur un modèle entrepreneurial.

En tout cas l’entreprise qui a pour vocation d’exporter le sabotage et la subversion a d’emblée dans la capitale londonnienne des succursales couvrant tout l’Europe occupée. Ce sont les quatorze sections pays, allant de la Norvège à l’Italie en passant par les Pays-Bas, la Belgique, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie et même l’Allemagne. Elle a, en outre, des sections de liaisons aérienne, d’entraînement et de communications clendestines en plus de ses six missions et directiria, dont un au Caire et l’autre à Delhi.

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Celui du Caire contrôlera les activités subversives en Abyssinie et dans les Balkans notamment en Grèce et en Yougoslavie; celui de Delhi deviendra plus tard la base de la Force 136 contre les Japonais. La première tâche de cette entreprise de subversion multinationale est naturellement de trouver des hommes ayant l’habileté, la discrétion, le goût du risque, les dons de meneurs et le sens pédagogique pour faire de bons agents et bon entraîneurs d’hommes. En plus il leur faut en plus de grandes compétences linguistiques : un agent égaré en Norvège en France ou en Hongrie avec un accent du Yorkshire ou du Lancashire resterait peut de temps en liberté dans un pays occupé. Ces pourquoi les différentes sections cherchent avant tout à recruter des nationaux, des binationaux ou des Britanniques ayant travaillé suffisament longtemps dans lea pays-cibles pour passer inapeçus. Une fois repérés, ces oiseaux rares doivent parfois être soustraits discrètement à l’autorité de leurs propres gouvernements en exil; il s’agit de leur faire subir un entraînement d’une dureté inconnue même dans l’armée : après être passés par la formation préliminaire ou par le comité d’évaluation, les stagiaires regroupés par nationalités apprennent à opérer sur tous les terrains, de jour comme de nuit, et par tous les temps, à tuer en silence, à utilisés toutes sortes d’armes à feu et à manier divers explosifs comme le tout nouveau plastic; on leur enseigne le morse, les tactiques de raids les procédés de destruction d’ouvrages et de matériel ferroviaires, ainsi que les méthodes de sécurité, de camouflage et d’évasion, avant d’envoyer les rescapés ce ces épreuves à l’école de parachutisme.

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Machine à décryptage Ultra des services britanniques

Certains ont affirmé par la suite que la formation était trop courte, mais personne ne lui a reproché de n’être pas intentise. Pour le SOE, il ne suffit pas d’avoir des agents bien entraînés : encore faut-il les déposer au bon endroit et au bon moment, là où ils auront le plus de chance de saboter la machine de guerre allemande, tout en formant des réseaux capables de participer à l’assaut final. En fait, la première difficulté vient précisément de cette double mission, ainsi que l’expliquera le troisième chef do SOE, le général Colin Gubbins : Pour constituer des armées secrètes il faut éviter toute activité de nature à éveiller les soupçons des Allemands; or le fait d’entreprendre des actions offensives ne pouvait qu’attirer l’attention de la Gestapo et de la SS, les amenants ainsi à redoubler de vigilance. Les autres difficultés ne sont pas moindres. La RFA et la Royal Navy réchignent à mobilisé des moyens de transports pour convoyer des hommes et des matériels vers des missions dont ils perçoivent d’autant moins l’intérêt qu’elles sont ultrasecrètes; le M16, dont le chef Stuart Menzies, n’a même pas été consulté lors de la création du SOE, s’ingénie à faire obstacle à ces opérations, et obtient même des autorités qu’il soit tenu à l’écart de certains secteurs comme la Bretagne, où ses réseaux de renseignement sont déjà bien implantés; enfin et surtout, les relations avec les gouvernements en exil sont délicats : la plupart voient d’un mauvais œil ces flibustiers modernes opérer sur leur territoire sans les tenir au courant de leurs missions.

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Winston Churchill et le général Montgomery avec les troupes britanniques en Normandie, 1944

Les plus susceptibles s’ingurgent bruyamment, à commencer par le général de Gaulle, dont la réaction virulente containdra le SOE à créer parallèlement à la section F du colonel Buckmaster, une section RF destinée à coopérer étroitement avec le BCRA de la France libre, en entraînant ses agents et en armant ses réseaux. Une fois sur le terrain, les hommes du SOE auront affaire à des mouvements de résistance très hétéroclites allant des royalistes aux communistes, ainsi qu’à des ennemis d’une cruauté très inégale, la Gestapo et des Oustachis jus’aux Italiens et aux groupes mobiles de Vichy.

Les résultats s’avèrent donc très variable d’un pays à l’autre; En Hongrie, en Roumanie et en Allemagne même, s'ils sont pratiquement nuls; en Yougoslavie, comme en Grèce et en Albanie, le SOE se trouve mêlé aux terribles guerres civiles qui accroissent la résistance à l’envahisseur. L’interférence brouillonne de Churchill ne fait que compliquer des situations qui tournent souvent à l’avantage de la résistance communiste; en Bohême-Moravie, un commando tchèque du SOE parvient à assassiner le Riechprotektor Reinhard Heydrich en mai 1942, mais la répression qui s’en suit est si féroce que la résistance dirigée par le SOE s’en trouvera pratiquement paralysée jusqu’à la fin de la guerre. En Abyssinie, les partisans menés par le SOE parviennent à malmener si sévèrement les occupants italiens qu’ils ne tiendront pas longtemps face aux attaques des troupes régulières britanniques, et le Négus Hailé Sélassié sera le premier monarque à retrouver son trône dès l’été 1941.

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Sabotage à Trièves, 1944

Le SOE monte aux Pays-Bas une organisation très efficace, mais le laxisme de certains de ses membres permet aux Allemands de pénéter l’essentiel du réseau, avec des conséquences catastrophiques encore aggravées par le fait que les services de Londres négligeront les indices répétés d’un contrôle de la radio du mouvement par l’ennemi. En Pologne, malgré les distances considérables, le SOE parvient à fournir des armes à L’Armija Krajova, l’armée intérieur polonaise, même s’il se révélera plus tard impuissant à aider les insurgés de Varsovie. Après quelques tensions initiales avec le mouvement de résistance Milorg, le SOE s’implante solidement en Norvège et réussit là où les bombardements massifs de la RAF avaient échoué : sept hommes d’un commando de SOE norvégiens parviennent à faire exploser les appareils d’électrolyse de l’usine de Riukan, dans le Télémark, qui produisait de l’eau lourde pour la recherche nucléaire allemande.

Si la France occupe une place particulière dans les plans du SOE et ceux des états-majors alliés en général c’est d’abord en raison de sa proximité avec la Grande-Bretagne et de sa situation stratégique au milieu de l’Europe occidentale qui en font un passage obligé pour tout future débarquement visant à libérer les pays conquis; c’est d’ailleurs pour cette raison que le gros des forces allemandes de l’ouest s’y trouve concentré. En outre, la France est divisée jusqu’en novembre 1942 en zone occupée et une zone sous le contrôle de Vichy, un état de fait qui favorise les efforts d’infiltration dans le pays.

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Enfin le prestige grantissant du général de Gaulle permet de rallier un nombre croissant de sympathisants à la cause alliée, ce qui favorise les efforts de recrutement et la liberté de mouvement au milieu de la population. Voilà qui explique le grand nombre de mouvement alliés opérant en France dès le début de 1941 : le service de renseignement M16, la filière d’évasion militaire M19, les réseaux de résistance tchèques et polonais, ainsi que cinq sections du SOE : FRF, DF (filière d’évasion), EU/P (responsable des relations avec les mouvements polonais de France), et après novembre 1942, la section AMF, établie à Alger, et spécialisée dans les infiltrations sur la côte méditéranéenne.

Le pemier agent parachuté par le SOE en zone libre, le 5 mai 1941, est Georges Bégué, qui installe un poste émetteur radio et organise des zones de parachutages dans les environs de Châteauroux. Jusqu’en août 1944, plus de 400 agents de la section F seront introduits en France occupée, ainsi qu’un nombre pratiquement égale de personnel RF environ 500 AMF et une cinquantaine d’agents DF et EU/P. Il y a parmi eux, des instructeurs en sabotage et en maniement d’armes, des officiers de liaison et des opérateurs radio. Comme dans tous les pays occupés, leur première tâche est de constituer, d’encadrer et d’armer des réseaux indigènes; ceux-ci se chargeront progressivement des missions de repérage, de sabotage, de transmissions, et pour finir, des opérations paramilitaires destinées à coopérer à un retour allié sur le continent. Entre 1941 et 1944, il se constitue plus d’une centaine de réseaux SOE, qui connaîtront des fortunes diverses face à de redoutables adveraires, tant allemands que français.

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Fausse carte d’identité de Bob Maloubier

Ainsi, les réseaux sont confrontés aux policiers Sicherheitsdienst (SD, service de renseignement de la SS) et de la Gestapo, ainsi qu’aux spécialistes du contre-espionnage militaire travaillant pour l’Abwehr, tous ne sont pas de véritables professionnels, mais beaucoups se révèlent terriblement efficaces dans les besognes d’infiltration et de destruction des réseaux. Plus dangereux encore, car plus difficiles à repérer. Les hommes de la Gestapo française dirigés par l’inspecteur Bony et l’ancien repris de justice Lafont, ainsi que les hommes de la Milice, très bien implantée en France rurale, leur ardeur au travail mais aussi les négligeances de plusieurs chefs de réseaux en matière de sécurité expliquent certains désastres comme le démantèlement des réseaux interallié Autogiro, Carte et Prosper. À quoi il faut ajouter que certains agents passeront à l’ennemi d’autres joueront un double ou même triple jeu, comme le célèbre Déricourt et un certain degré d’amateurisme au niveau du QG de Baker Street permettra aux Allemands d’opérer un Funkspiel qui leur permettra non seulement de réceptionner une grande quantité de matériel, mais aussi d’arrêter dès leur arrivée un certain nombre d’agents et de pénétrer de nouveaux réseaux, voire d’en contrôler plusieurs.

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Jedburgh prenant ses instructions d’un officier à Londres, 1944

Pourtant les réseaux survivants accompliront leurs missions avec un haut niveau de professionnalisme, ainsi qu’en témoignent le sabotage de Trotobas contre les ateliers de maintenance de Fives-Lille, celui encore plus discret, de Rée à l’usine Peugeot de Sochaux, et le feu d’artifice de l’équipe de Bob Maloubier à la Française des Métaux de Déville, Comme ailleurs en Europe, ces actions du SOE apparaissent souvent comme des coups d’épingles, mais se sont des travaux de précision que la RAF et l’USAF n’ont pu souvent mener à bien. Cependant, ils immobilisent des effectifs considérables de la Wehrmacht qui cherche à assurer une sécurité sur l’ensemble des installations industrielles d’imortance stratégique. Pourtant, c’est après le débarquement que les réseaux français du SOE, renforcés par les équipes Jedburghd, montreront toute leur valeur, en coupant les communications allemandes et en retardant finalement le mouvement des unités blindées SS vers les plages de Normandie.

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Jedburgh avant le décollage, aérodrome Harrington (Grande-Bretagne, 1944

D’une façon ou d’une autre, le SOE participe à la libération de la plupart des pays d’Europe, puis d’Asie du Sud-Est. À la fin du conflit, le ministre de la Guerre économique  lord Selborne, propose à son gouvernement d’assurer la pérénité du SOE dans l’après-guerre. Mais le ministre des Affaires étrangères, Antony Eden, exige qu'’il soit rattaché à son ministère qui contrôle déjà le SIS /M16. À quoi lord Selborne réplique que faire administrer le SOE par le Foreign Office équivaudrait à mettre une abbesse à la tête d’une maison de tolérance. Pour finir, c’es le nouveau Premier ministre Clement Attlee qui règlera la question en faisant dissoudre l’organisation, le 15 janvier 1946, après avoir affirmé qu’il n’avait que faire d’un Comintern britannique. 



04/01/2014
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