LES CHRONIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

LECLERC LES CIRCONSTANCE D’UNE MORT TRAGIQUE

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Le général Leclerc avec des officiers de la 2e DB sur la route de Paris, le 24 août 1944.

Le 28 novembre 1947, l’avion dans lequel le général Leclerc a pris place s’écrase dans le désert sur la voie ferrée qui relie Oujda à Colomb-Béchar en Algérie. Aucun rescapé. La nouvelle frappe la France de stupeur. Que s’est-il passé? Pourquoi? Enquête, conjectures et contreverses rendent la vérité difficile à établir, sans compter les rumeurs qui se propagent sur un éventuel attentat.

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À Tripoli (Libye) en janvier 1943

À l’automne 1947, le climat social est très tendu en France métropolitaine. Outre-mer, la situation se détériore. Le général Leclerc, inspecteur des forces terrestres, aériennes et navales en Afrique du Nord, a reçu pour mission de préparer sur ce territoire une force d’intervention contre les instigateurs potentiels notamment les communistes des troubles insurrectionnels. C’est dans ce contexte, propice pour alimenter la thèse d’un attentat, que Leclerc trouve la mort.

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Reconnaissance sur Hanoï en mars 1946

Il est 10 h 17, le 28 novembre quand le B25 Mitchell, baptisé Tailly 2 du nom de la propriété de Leclerc en Picardie, décolle d’Oran pour Colomb-Béchar. Le général est accompagné de sept collaborateurs. L’équipage: Le pilote, un navigateur, un radio et un mécanicien est, depuis fin 1945, attaché à sa personne. Sauf le pilote, le lieutenant Delluc, qui en septembre, a remplacé le capitaine Michel Le Goc. Ancien du groupe (Guyenne), Delluc a effectué 200 heures de vol en 36 missions de guerre. C’est son cinquième vol avec Leclerc à bord. Ce matin-là, le ciel est chargé, les plafonds relativement bas et la météo annonce des risques de vents de sable. Mais la situation n’est pas catastrophique au point d’annuler le décollage du B-25. En effet, l’équipage est qualifié pour le vol aux instruments et aucun bulletin interdisant les atterrissages n’a pas été émis par la base de Colomb-Béchar. L’accident provoque la consternation. L’émotion est vive. D’aucuns prétendent  que Delluc n’aurait pas dû décoller mais qu’il l’aurait fait sous la pression de Leclerc. Assertion mise à mal par le témoignage d’un équipage qui devait également rejoindre Colomb-Béchar, mais décide de ne pas partir.

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En Lorraine avec la 4e DI, janvier 1940

Le chef de bord rapporte qu’à la station météo Delluc, qui n’a pas encore vu Leclerc, leur explique que les performances du B-25 en matière d’autonomie lui permettent, si nécessaire de faire demi-tour sur Oran, ce qui n’est pas le cas de leur Junker 52. Il a donc ainsi pris la décision de partir avant la soi-disant pression exercée par Leclerc. Selon un témoin, avant de monter à bord, le général interroge le pilote sur les conditions météo Delluc lui donne les prévisions, perturbations, vents de sable et de Leclerc de répondre avec sa brusquerie habituelle : On passera quand même, peut-on parler de pression? Même si Delluc connaît mal Leclerc, il sait qu’une telle réflexion est dans le style du personnage. Elle ne peut que le conforter dans sa décision de partir et d’aller voir comme on dit dans le jargon des pilotes. Il sera toujour temps, en cours de vol d’annoncer le cas échéant qu’il est impossible de se poser.

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Carte d’identité du capitaine Leclerc

Quelques instants avant le décollage, un message de la tour de contrôle fait part d’une aggravation de la météo, sans que cela soit une raison d’annuler. Cependant très peu de temps après le décollage, Delluc se préoccupe des évolutions de la météo au lieu de destination. Il reçoit deux messages à peu d’intervalle. Le premier indique une situation à Béchar meilleure que celle donné le matin avant le décollage; le second signale une aggravation mais une situation toujours meilleure que celle du matin quand l’équipage a décidé de décoller. C’est renseignements figurent dans le procès-verbal (PV) des communications radio échangées en morse entre l’avion et la station de Colomb-Béchar. Le PV fournit d’autres informations importantes pour comprendre le déroulement du vol; telles les corrections apportées sur l’heure estimée d’arrivée et les relèvements goniométriques donnés par Colomb-Béchar et indique l’heure à laquelle est donné chacun de ces renseignements. Par ailleur, des témoins ont vu l’avion, d’abord en vol rasant au-dessus de la gare de Bou-Arfa un quart-d’heure avant l’accident, puis au moment de l’accident. Grâce à ces divers éléments, il est possible de reconstituer assez bien les quinze dernières minutes du vol. Premier constat : le pilote n’a pas suivi son plan de vol, qui prévoyait un vol à l’altitude de 2 500 mètres et une percée à l’arrivée. Pourquoi a-t-il jugé préférable de descendre avant de terminer son vol à basse altitude? La réponse est en partie donnée dans la conclusion du rapport d’enquête : S’il avait observé son plan de vol, il aurait eu de grosses difficultés à percer par un plafond qu’il savait très bas à Colomb-Béchar avec le seul gonio Moyenne Fréquence constituant l’infrastructure radio de cette base et que dans son esprit cette manœuvre exécutée entre des sommets bouchés devait présenter plus de risque que le vol rasant. Il pouvait en effet penser que cette percée serait délicate, les renseignements obtenus en vol par le gonio s’étant révélés faux par rapport à ce qu’il a pu observer au sol.

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Discours du général Leclerc au palais du gouverneur à Saïgon le 7 octobre 1945.

Toutefois on ne peut imaginer qu’il soit descendu à l’aveuglette à travers les nuages dans une région au relief si tourmenté. Il a à coup sûr, profité d’une éclaircie lui permettant de se recaler avec précision. On peut penser qu'il a identifié la gare de Bou-Arfa sur la voie ferrée conduisant à Colomb-Béchar, qu'il lui suffisait alors de suivre pour arriver à destination. Les données du PV permettent d’estimer à quinze minutes la durée de vol à basse altitude. Or des dernières analyses de l’accident décrites par Jean-Christophe Notin, il ressort que celui-ci est survenu à la suite d’un départ en vrille à plat dû à une ogmentation d’incidence à faible vitesse. Le B-25 percute alors le remblai de la voie de chemin de fer perpen-ticulairement à celui-ci. Les débris de l’avion et les corps déchiquetés jonchent le sol de par et d’autre de la voie.

 

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Débris de l’avion après l’accident

Pour comprendre ce qui a pu se passer, il faut revenir sur les modifications apportées à l’avion. Le B-25, avion de bombardement, avait été spécialement aménagé pour les longues missions de Leclerc et comportait notamment une couchette dans le poste du mitrailleur de queue. Ces transformations accentuaient la sensibilité de l’appareil aux basses vitesses. Quand la couchette était occupée, le centrage de l’avion s’en trouvait fortement modifié. C’est pour cette raison que, lors des décollages, il était interdit de s’y installer. Plusieurs années après les faits, dans une lettre adressée à Guy de Valence, ancien aide de camp de Leclerc, Michel Le Goc raconte comment lors d’un décollage du Caire en décembre 1946, il a frôlé la catastrophe : Quel ne fut pas ma stupéfaction en arrachant le Mitchell du sol, de sentir l’avion basculer d’un seul coup vers l’arrière, les commandes mollir et de voir l’aiguille du Badin régresser brutalement et l’horizon artificiel décrocher! Un décrochage qui aurait pu provoquer une vrille. Un passager n’avait pas respecté la consigne. Ne peut-on dès lors envisager que des passagers, surpris par le déroulement imprévu du vol, aient voulu se déplacer vers l’arrière pour voir le poste du mitrailleur ce qui se passait? Ce changement brutal de centrage à basse vitesse suffirait à expliquer le départ en vrille.

 

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Débarquement  du cercueil du général Leclerc sur la passerelle de l’Émile Bertin, 5 décembre 1947

La découverte par les secours de trois corps dans l’empennage arrière paraît confirmer cette hypothèse. Tous ceux qui se sont réellement penchés sur les circonstances de cet accident, s’accordent pour dire que c’est l’explication la plus vraisemblable, déchargeant ainsi Delluc d’une grande part de responsabilité, ce que n’a pas fait l’armée de l’Air dans ses conclusions. En tout cas, rien dans le dossier sur l’accident ne peut étayer la thèse d’un attentat, thèse qui fut alimentéee par la présence présumée d’un treisième passager non inscrit sur la lisre sans se prononcer sur son identité qui restera pour toujour un mystère.



06/12/2013
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