LES CHRONIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

L'ENFER DE STUTTHOF

POUR SIX CENTS FRANÇAIS, L’ENFER DE LA DÉPORTATION EUT POUR NOM STUTTHOF

Au tout début de la Seconde Guerre mondiale, les Allemands ouvrent un camp près de Stutthof en Pologne, un village situé à environ 35 km de Dantzig. Les premiers détenus sont des opposants polonais, victimes d’une terrible répression. Ensuite, de 1942 à 1945, des ressortissants de vingt-huit pays, dont la France, y sont déportés.

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Baraques du camp de Stutthof

À l’origine, les Allemands créent à Stutthof un camp d’internement civil (Zivilgefangenenlager) où sont emprisonnés des Polonais de la ville libre de Dantzig (Freie Stadt Dantzig) aujourd’hui Gdansk et de Poméranie. Il s’agit pour les nazis d’éliminer les opposants polonais et les éléments jugés indésirables, essentiellement les dirigeants sociaux et politiques : clergé, intelligentsia, représentants des partis. Les Polonais ainsi que les Juifs ayant survécue aux pogroms effectués par les Einsatzgruppen y sont envoyés pour être illiminés de même que les malades mentaux. Le Stutthof devient ensuite également un camp de rééducation par le travail  puis un camp spécial (Sonderlager), avant d’acquérir le statut de camp de concentration (KL-Stutthof). Il passe en effet alors sous la tutelle de l’inspection des camps de concentration et se trouve par la-même subordonné au commandement direct des autorités centrales de la SS. Au fut et à mesure que la guerre s’étend, que le IIIe Reich annexe les territoires qu’il a envahis en Europe occidentale et que se développe le conflit germano-soviétique, des déportés de diverses nationalités arrivent : des Russes, Biélorusses, Ukrainiens, et des citoyens des pays occupés de toute l’Europe.

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Dortoir des détenus

Les premiers français y sont internés en 1941, Ils font partie d’un groupe d’ouvriers employés dans des camps de travaux forcés pour les étrangers dans la région de Dantzig, Gdynia et Elblag. Sous prétexte d’avoir commis des fautes à leur poste de travail ou de s’être enfuits, ils sont envoyés au camp pour y être rééduqués.

Pendant l’année 1942, onze français y sont déportés et quatre-vingt-trois en 1943. Le travail est harassant, la faim tenaille les détenus et le personnel de surveillance fait montre de brutalité et de cruauté. Robert Fortin, qui a eu le bras fracassé à coups de bâton, attend une semaine avant d’être admis à l’hôpital. Jean Maitre raconte que l’Oberkapo Jan Breit a refusé l’admission à l’hôpital d’un français qui est mort dans la nuit. Dans ses témoignages, il évoque l’enfer du quotidien : À l’hôpital comme au travail, les coups étaient de rigueur, si l’on peut dire. Dans le camp, Français et Polonais nouent des relations d’entraide et de solidarité, comme en attestent les témoignages de Pierre Mirate ou encore la plaque à la mémoire des amis polonais, apposée au musée de Stutthof, à l’initiative de Paul Renard, interné là du 18 juin au 13 août 1943. On peut y lire en souvenir de ma déportation à Stutthof, gardant ma fraternelle amitié à mes camarades polonais. Des documents ont permis d’établir que 492 Français politiques et en rééducation étaient détenus au camp dans la période du 12 janvier au 29 décembre 1944. Cette même année, s’y trouvent pour la première fois des Juifs, citoyens français amenés là depuis Auschwitz, Ryga, Kowno, Drancy. En effet, devant les forces soviétiques, les nazis ferment ces camps et évacuent les déportés vers d’autres. Les témoignages d’Alphonse Kienzler et de Paul Weil donnent une image fidèle de ce que sont les conditions de détentions à Stutthof.

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La Kommandatur du camp

Déporté à Dachau le 2 juillet 1944, Kienzler pour conspiration, Wiel pour s’être évadé d’un camp de prisonniers de guerre, ils font partie dans ce camp, du corps médical. À leur arrivée à Strutthof, ils sont affectés à l’hôpital des détenus, Keinsler au service des maladies contagieuses, Weil au laboratoire, le récit qu’ils en fait confirme le manque, voire l’absence totale, de soins à Stutthof, les méthodes utilsées pour la sélection des détenus et la pratique d’injections de phénol dans le cœur qui provoquaient la mort immédiate des victimes.

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L'un des fours crématoires de Stutthof

Après l’horreur quotidien, les marches de la mort

En 1945, quelques convois de déportés arrivent encore à Stutthof. Dans celui qu’a organisé la Sipo de Bromberg le 12 janvier 1945 se trouvent trois Français, des détenus politiques dont l’un deux, Pierre Izard, est envoyé le jour même au camp annexe de Pölitz (aujourd’hui Police) près de Szczecin. Le 25 janvier 1945, commence la première étape de liquidation du camp central : 11 500 détenus font à pied le trajet jusqu’à Lebork (Lauenburg). Restent sur les lieux ceux qui doivent s’occuper du démontage de l’équipement du camp et les malades qui sont à l’hôpital.

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Fiche de Rémy Moreau

Les déportés parcourent 140 km en 7 jours. Il est impossible de préciser le nombre de Français qui participèrent à ces marches de la mort, étant donné les lacunes existant dans les sources, notamment dans les registres censés répertorier toutes les informations concernant le sort des détenus, leur transfer ou leur décès. Cependant, il résulte des faits que la majorité des Français a quitté Stutthof vers la fin de 1944. Quelques dizaines d’entre eux qui se trouvaient dans des camps annexes, notamment à Dantzig, Gdynia et Elblag, ont été évacués avec ces camps. Si les divers témoignages d’anciens détenus français et les informations qu’ils ont transmises ne permettent pas d’établir le nombre exact de Français détenus au camp principal et dans les camps annexes entre janvier et avril 1945, ils confirment cependant qu’il y en avait. D’après des calculs approximatifs au début de janvier 1945, on en recense à Stutthof et dans les camps annexes, quelques dizaines, sans pouvoir préciser cependant combien d’entre eux ont pris part à la marche de la mort et combien sont restés au camp. Sur les 12 000 déportés restés au camp après l’évacuation terrestre, seulement 4 508 survivent jusqu’à la fin avril à cause d’une épidémie de typhus qui fait des ravages. Une évacuation par voie maritime à lieu les 25 et 27 avril 1945.

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Vue du camp de Stutthof

Le 9 mai, l’armée soviétique entre dans le camp. L’étude ses divers documents disponibles et des témoignages permet de dire que 581 détenus Français ont été internés au camp de Stutthof, dont 17 femmes et 564 hommes, entre 1941 et 1945. Mais compte tenu des lacunes constatées dans les documents, il est admis que quelques 600 y sont passés, soit 0,5% des 110 000 personnes détenues dans ce camp entre 1939 et 1945. Si 43 décès sont confirmés on ignore toujour le destin des autres Français. On peut vraisemblablement penser qu’au moins 100 sont morts soit dans le camp, soit pendant l’évacuation.

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La salle d’exposition du musée du camp de Stutthof.

Sur le site de l’ancien camp, un musée rappelle la tragédie qui s’est déroulée en ce lieu et délivre un méssage de vigilance et de tolérance à travers expositions et activités éducatives. Un monument du combat et du martyre est dédiés à toutes les victimes. En France, l’un des lieux de mémoire édifié en hommage aux déportés est le Mémorial des Martyres de la Déportation dans l’île de la Cité à Paris, où dans deux galeries latérales s’alignent des alvéoles triangulaires qui abritent des urnes contenant de la terre provenant des différents camps ainsi que des cendres rapportées des fours crématoires, dont celui de Stutthof.



06/12/2013
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