COMMANDANT KIEFFER, LE FRANÇAIS DU JOUR J
Le 6 juin 1944 débarquait sur les plages de Normandie un commando de 177 hommes, avec à sa tête le commandant Kieffer. Si l’histoire associe son nom au seul jour du Débarquement, le parcours atypique de ce meneur d’hommes reste peu connu comme le rappelle Stéphane Simonnet.
Commandant Kieffer (au centre) avec l’amiral d’Argenlieu à Eastbourne, octobre 1943
S’agissant des seuls militaires français engagés à terre lors du Débarquement du 6 juin 1944, le commando Kieffer tient une place toute particulière dans la mémoire collective nationale, notamment lors des cérémonies commémoratives, La création d’un 6e commando Marine en juin 2008 en est récemment la parfaite illustration. Si le parcours et les exploits de cette troupe d’élite durant la Seconde Guerre mondiale semblent à peu près connus, la trajectoire personnelle de son chef le commandant Kieffer, l’est beaucoup moins.
Étonnant personnage que cet homme qui, cinq ans auparavant, vivait encore avec les siens sur son île natale d’Haïti, confortablement installé dans sa vie de banquier. Au printemps 1939, ces un homme en total rupture qui arrive à Paris avec sa famille après avoir quitté son métier et son lieu d’origine. Kieffer n’a aucune expérience de la guerre mais n’hésite pas à se porter volontaire dans les rangs de l’armée de terre dès septembre, avant de ralier, parmi les premiers, Londres et la France libre, en juillet 1940. Ce civil en uniforme qui annonce ouvertement qu’il quittera l’armée à la fin de la guerre, occupe rapidement une place de premier plan au sein de l’état-major des FNFL à Portsmouth.
Kieffer est entre-temps devenu marin, officier interprète et du chiffre. Mais tenu éloigné de la guerre, le bouillant officier s’ennuie dans ses fonctions administratives. Kieffer n’a pas rallié la France libre pour finir la guerre dans un bureau. Il a successivement laissé partir pour l’Afrique et le Levant les 1er et 2e bataillon de fusiliers marins créés par Muselier. Mais il attend son heure, patiemment, tandis que sous ses yeux se reconstitue l’armée britannique autour de nouvelles unités : les commandos marine.
C’est au printemps 1941, que ce produit le déclic dans la courte carrière militaire de Kieffer. Il étudie de près les raids des commandos britanniques après celui victorieux, mené sur les îles Lofoten en Norvège, et réussit à convaincre sa hiérarchie de créer son propre commando. Reste à persuader les opérations combinées britanniques de l’utilité d’une telle troupe française dans leur plan de bataille et leur stratégie.
Les hommes du commandant Kieffer pendant le débarquement sur les plages de Normandie, 6 juin 1944
C’est fait lorsqu’un accord De Gaulle-Mountbatten officialise sa démarche au printemps 1942. Mais sans attendre ce feu vert, Kieffer a déjà recruté depuis janvier et a réuni une vingtaine d’hommes, qui sortent tous brevetés commandos à l’issu du stage d’Archnacarry en Écosse avant l’été. À partir de là Kieffer tient à bout de bras son unité, veillant au niveau des effectifs, aux entraînements, aux recrutements, à l’encadrement d’officiers, exigeant des renforts auprès des FNFL et des départs en mission auprès des Britanniques. En août le raid de Dieppe est le baptême du feu pour quinze de ses hommes. Puis ce sont les raids nocturnes de l’hiver 1943-1944 qui achèvent la préparation Outre-Manche de la troupe française avant son engagement le 6 juin 1944.
Blessé à deux reprises, au cours du Débarquement Kieffer doit laisser son commandement et c’est un commando ayant perdu un quart de ses hommes qui entame en Normandie une guerre de position sur le flanc est du Débarquement afin d’y tenir la tête de pont avec les Britanniques. À la fin de la campagne de Normandie, les français retournent en Angleterre afin d’y préparer un nouveau débarquement dans la presqu’île de Walcheren, le 1er novembre 1944. Tandis que les commandos français livrent leurs derniers combats aux Pays-Bas au début de l’année 1945, Kieffer tente de régler la question de l’avenir de son unité : comment transmettre à la Marine l’expérience et les traditions du 1er bataillon de fusiliers marins commandos, une fois la paix revenue?
Le commandant Kieffer entouré de ses commandos
Appelé à siéger à la nouvelle Assemblée consultative provisoire comme représentant de la France combattante, Kieffer doit passer le commandement de son bataillon en avril 1945. La troupe est dissoute en juillet, Kieffer est démobilisé un an plus tard. Entre-temps, il a tenté sans grand succès une carrière politique en Normandie et un cours commando a été créé en 1946 à l’École des fusiliers marins du centre Siroco en Algérie. Philippe Kieffer aura donc laissé la marque de son passage dans la guerre, tous en parvenant à pérenniser son œuvre.
Photo du commando no 4 du commandant Kieffer
Le Pacha s’est éteint il y a 50 ans des suites d’une longue maladie. Mais 70 ans après leur création, les fusiliers marins commandos existent toujours, formant au sein de la marine française une force opérationnelle de premier plan.
LA CHARGE DE LA COLONNE LECLERC
Décidée par le général De Gaulle à la fin de l’année 1942, l’offensive du colonel Leclerc sur le Frezzan est courronnée par un succès éclatant qui, en rendant célèbre la colonne Leclerc dans le monde entier, renforce le prestige militaire de la France libre auprès des Alliés.
Leclerc, Dio et Troadec pendant la campagne du Fezzan (Lybie)
Si le style est l’homme, ainsi que le prétend la formule consacrée, fulgurant est sans doute l’adjectif qui convient le mieux pour qualifier le destin de Philippe Leclerc de Hautecloque que le général De Gaulle a adoubé alors qu'il n’était qu’un simple capitaine de cavalerie, lors de leur premier entretient qui eut lieu à Londres en juillet 1940. En un coup d’œil, De Gaulle comprend à qui il a à faire : un de ces chefs nés dont il a besoin pour diriger, en Afrique équatorial française (AEF), les maigres troupes de la France libre, d’autant plus maigres que l’Afrique occidentale française (AOF) et l’Afrique du Nord restent sous l’orbite de Vichy.
La suite des événements va confirmer l’intuition gaullienne et ce, malgré les divergences que les deux hommes vont parfois connaître. Récapitulons l’essentiel de ce qu'il faut avoir à l’esprit pour appréhender le contexte qui va donner naissance à l’époque saharienne du futur maréchal Leclerc. Arrivé en pirogue à Douala en août 1940, le capitaine Leclerc, qui ne connaît pas l’Afrique noire, conquier le Camaroun en un tour de main avec un petit groupe d’hommes décidés, une vingtaine tous au plus, et un rallie à la France libre. Puis c’est le tour du Gabon et de sa capitale Libreville, ou la résistance est cette fois très forte.
Nommé commandant militaire du Tchad par De Gaulle, il lui est ordonné de prendre pour objectif militaire le fort de Koufra, au sud-est de la Lybie, mais aussi le Fezzan, région stratégique aussi vaste que la France et parsemée de forts que les Italiens occupent, au sud ouest de la Cyrénaïque. Kouffra n’a pas été désigné au hasard comme un objectif important. Ces un point stratégique du sud-est de la Lybie, qui se trouve à 1800 kilomètres de Fort Lamy et qui possède un aérodrome avec une escadrille d’avions Ghiblis, un fort défendu par une garnison de 500 hommes équipés d’armes lourdes et disposant d’une compagnie motorisée, la Compagnia sahariani di Cufra. Face à ces forces, les moyens dont dispose Leclerc sont dispersés et peu nombreux, il dira lui-même, plus tard, qu’il lui a fallu racler les fonds de tiroir.
C’est pourtant ces fonds de tiroir que va naître la prestigieuse colonne dont l’audace va étonner le monde entier. Elle est formée au départ de 400 hommes, parmi lesquelles 150 Européens et 250 Africains. Parmi eux 250 sont des combattants et 150 sont des conducteurs et aides, montés sur une soixantaine de véhicules. L’armement réunit des mitrailleuses Hotchkiss, des fusils-mitrailleurs et des fusils et des canons de 75 de montagne. La colonne est appuyée par quelques Potez et Bloch 120 mais aussi par des Lyslander et Bleinheim arrivé d’Angleterre.
Le périple de la colonne Leclerc à travers l’Afrique
Si Koffra est devenue célèbre par le serment que le colonel Leclerc y fit tenir par ses soldats après la reddition du fort, le 1er mars 1941 : Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg. L’offensive sur le Fezzan est tout aussi importante stratégiquement aux yeux du général De Gaulle qui vise l’accès à la Tunisie, pays qui fait partie de l’Empire coloniale français.
L’offensive commence à se mettre en place à la fin de l’année 1941 dans un contexte de reflux des troupes britanniques, que les forces italo-allemandes du général Rommel repoussent en direction de l’Égypte. Le 4 décembre, Leclerc qui vient d’être nommé général, quitte la ville tchadienne de Faya-Largeau pour le village de Zouar, dans les monts Tibesti, à la tête de sa colonne forte de 600 hommes et d’une centaine de véhicules. La campagne commence à la mi-février 1942. Son objectif est d’atteindre le village d’Uigh El Kebir, qui se trouve à 600 kilomètres environ à l’ouest de Koufra et dont le fort sera attaqué début mars.
Prisonniers italiens, 4 janvier 1943
Durant ses déplacements dans le désert, la colonne est harselée et mitraillée par l’aviation italienne et même par un Heinkel allemand. Plusieurs voitures sont détruites. Ce qui n’empêche pas Leclerc de lancer un raid sur Umm El Araneb, puis de revenir sur Zouar, le 14 mars. La première campagne du Fezzan, au cours de laquelle les patrouilles du capitaine Jacques de Guillebon, polytechnicien et ami de Leclerc, et les soldats du commandant Louis Dio, deux hommes qui suivent leur chef depuis les premiers jours, se sont particulièrement illustrés, est achevée. C’est au retour de cette campagne que nous verront officiellement le colonel Leclerc porter ses deux étoiles prises sur l’épaulette d’un lieutenant italien à Ouaou el Kébir et cousues sur cette invraissemblable képi confectionné avec un fond de chéchia recouvert d’un morceau de chèche écrira le général Massu.
C’est aussi le moment où Leclerc est nommé par le général De Gaulle commandant supérieur des forces de l’Afrique française libre. Sur le plan stratégique, la situation s’améliore pour les Alliés puisque, à la fin de l’été 1942, la 8e armée de Montgomery a conquis la Cyrhénaïque et terrassé les forces de l’Axe, le 2 novembre 1942 à El Alamein. C’est donc vingt trois mois après la victoire de Koufra, dont le général De Gaulle avait mesuré l’importance symbolique en envoyant au vainqueur le message suivant : Vous avez ramené la victoire sous les plis du drapeau, je vous embrasse!, que Leclerc, devenu Compagnon de la Libération, prépare la seconde offensive sur le Fezzan.
Arrivée de la colonne Leclerc à Tripoli (Lybie), 26 janvier 1943
Celle-ci qui débute en décembre 1942, mobilise, en comparaison de Koufra, une petite armada, à savoir 4 800 hommes et 790 véhicules dont la couverture aérienne est assurée par les appareils du groupe Bretagne. Le 26 décembre, le fort d’Uigh-le Kebir, occupé par les hommes de Leclerc devient une base opérationnelle. Puis c’est au tour du village d’Umm et Araneb de tomber, malgré les pillonnages de l’aviation italienne et des Heinkels allemands. Le 4 janvier 1943, les Italiens capitulent laissant sur place 200 prisonniers, une dizaine de canons, une vingtaine de mitrailleuses et des mortiers. Le 6 janvier, la place forte de Gatroum capitule. D’autres sites tenus par les Italiens se rendent. Le 8 janvier, les hommes de Leclerc, parmi lesquels le capitaine Massu, occupent le village de Mourzouk.
Plus de cent Italiens sont fait prisonniers et le 12 janvier, le général Leclerc envoie son communiqué no 16 où il déclare que la campagne de Fezzan est terminée. Le 17 janvier le général De Gaulle demande à Leclerc de prolonger sa route au-delà de la frontière de Fezzan. La colonne poursuit donc sa chevauchée fantastique vers Tripoli, où les hommes de Leclerc entrent le 26 janvier, accueillis par les acclamations d’une population qui leur font chaud au cœur et ce d’autant plus qu'ils croisent, pour la première fois, des hommes de la division du général Koenig. Curieux de mettre enfin des visages sur ces damnés Français du Tchad les Britanniques sont stupéfaits du spectacle donné par cette colonne bigarrée, mélangeant Européens et indigènes, traînant toutes sortes de véhicules dont ils ont à peine à croire qu’ils ont pu vaincre le désert écrit l’historien Jean-Christophe Notin dans sa monumentale biographie de Leclerc.
Défilé de la victoire à Tunis, mai 1943
Celui-ci rencontre pour la première fois l’Anglais Montgomery, commandant en chef de la 8e armée. Les hommes éprouvent l’un pour l’autre curiosité et respect. Leclerc étonne les Anglais ce qui n’est pas un mince paradoxe pour un homme qui eut des accès d’anglophobie. Son apparence personnifiait le soldat colonial français endurci. Il était maigre, les traits tirés, mais très alerte. Ses vêtements avaient fait leur temps. Il m’a dit qu'il était et d’où il venait il me l’a dit aussi simplement que s’il venait du village voisin pour prendre le thé rapportera le général Guingant, chef d’état-major de Montgomery.
Le but du Français : demander au chef britannique la possibilité d’intégrer la 8e armée pour participer à la libération de la Tunisie et rééquiper sa colonne qui devient la Force L. Celle-ci entre en Tunisie le 20 février 1943. Elle reçoit pour mission de protéger le flanc gauche de l’armée de Montgomery sur la ligne Mareth. Mais c’est le 10 mars, à l’oasis de Ksar Rhilane, que l’armée Leclerc est pour la première fois confrontée à la Wehrmacht. Leclerc enterre et disperse ses troupes dans des tranchées. Montgomery, qui leur indique qu’ils vont être attaqués par la 90e Leichte Afrika Division, leur conseille de reculer de 50 km. Refut catégorique de Leclerc qui, avec l’appui de de la Royal Air Force parvient à repousser les Allemands.
Well done lui envoie sobrement Montgomery. Bien joué, c’est la première victoire statique de Leclerc jusque-là habitué aux grands raids, une organisation au sol diaboliquement pensée, une coordination efficace avec la RAF, un commandement au feu d’une exceptionnelle acuité, tout a été parfait. Le général a encore prouvé son génie de l’adaptation. La simplicité de l’ordre du jour dit toute sa fierté. Le premier contact avec le Boche a été une victoire, les autres le seront aussi! Vive le général De Gaulle, Vive la France! Dans la foulée, La Force L participe à la conquête de la Tunisie dont la capitale est libérée le 8 mai. Quelques semaines plus tard, la Force L, à laquelle vont s’adjoindre de multiples renforts en hommes et en matériel, devient la 2e DB, qui prendra part à la Libération de Paris et poursuivra les troupes d’Hitler jusqu’au nid d’aigle de Berchtesgaden.
Les hommes de la colonne Leclerc ont non seulement accompli le serment de Koufra, libéré Strasbourg, et fait pavoiser le drapeau, mais ils sont allés très au-delà, jusqu’au repaire de celui dont ils avaient juré la perte. Les raisons de cet extraordinaire enthousiasme, maintenu malgré la lassitude que les hommes de Leclerc ont pu éprouver à l’encontre d’un chef dont ils ont supporté les accès colériques, le général Massu les livres en des termes décisifs dans l’article qu’il a donné à la revue L’Espoir. Épurés et endurcis par les conditions sévères de la vie saharienne; commandés et entraînés par un chef merveilleux aux manœuvres offensives profondes et à la recherche de la surprise, armé de la volonté d’effacer la honte de mai juin 1940 et de tenir le serment de Koufra, les hommes de Leclerc ont acquis au désert l’essentiel de la préparation morale, physique et tactique des meilleurs soldats. Ils apprendront vite et bien utiliser le matériel américain qui leur conférera une puissance de feu inconnue jusqu’alors. Ainsi deviendront-ils les vainqueurs irrésistibles et heureux dans les combats qui leur imposeront la libération de leur partie.
L’ARMÉE SECRÈTE, NOUVELLE ARMÉE DE L’INTÉRIEUR
C’est à la fin de l’année 1942 que naît l’Armée secrète, dont la direction est assurée par un militaire qui a l’aval du général De Gaulle, Charles Delestraint. Son objectif : former une armée de volontaires aguerris pour préparer la libération du territoire.
Les groupes de l’Armée secrète défilent dans la ville d’Agen libérée, août 1944.
Le 23 octobre 1941, De Gaulle s’adresse aux résistants de l’intérieur. Tout en trouvant absolument normal et même absolument justifié que des Allemands soient tués, il rappelle que, sur le terrain, la guerre doit être menée par lui-même et par le Comité national français. Les seules unités constituées capables mener cette guerre, en France sont les groupes francs de Combat, qu’on a pris l’habitude d’appeler : Armée secrète (AS). Au printemps 1942, tandis que la Libération constitue ses propres groupes armés, la coordination militaire des mouvements est en bonne voie. Sans remettre en cause, à ce moment là, l’autorité de Jean Moulin, Henry Frenay revendique le commandement de l’Armée secrète, dont les effectifs et les cadres sont en grande majorité issus de Combats. Mais ni Emmanuel d’Astier de la Vigerie (Libération), ni Jean-Pierre Lévy (Franc-tireur) ne sont d’accord. Quant à Moulin, il fait valoir un argument de poids; si le chef de l’AS est un chef de mouvement, le politique et le militaire seront confondus, ce qui va contre la ligne fixée par De Gaulle.
Dans les premiers jours d’août 1942, un nom s’impose : Charles Delestraint, un général de brigade qui avait été atteint par la limite d’âge en 1939, mais qui rappellé pendant la campagne de France, s’était illustré à la tête des chars de combat de la 7e armée. Depuis sa retraite de Bourg-en-Bresse, il anime une discrète résistance dans le cadre des anciens des chars. Admirant De Gaulle, qu'il avait eue sous ses ordres à Metz avant la guerre. Il déteste Vichy et hait les nazis. Il donne immédiatement son accord aux envoyés de Frenay. Jamais candidature à un commandement ne fut accueillie par une telle unanimité. Les trois mouvements l’approuvent avec enthousiasme. Informé par Moulin, De Gaulle répond par ce télégramme : Charles à Charles, d’accord. Le 22 octobre, il envoie à Delestraint, qui a pris comme pseudonyme Vidal, une lettre brève mais chaleureuse : personne n’est plus qualifié que vous pour entreprendre cela. Et c’est le moment. Je vous embrasse, mon général.
Vidal prend le commandement de l’AS, le 11 novembre 1942. Un mois plus tard, il adresse aux membres et aux cadres des formations militaires des mouvements son premier ordre général : à tous il demande une stricte discipline, une atitude véritablement militaire. Puis il nomme les chefs régionaux et, malgré son inexpérience de la vie clandestine, il se rend en zone nord, prend contact avec les chefs de Ceux de la Libération et de l’organisation civile et militaire (OCM, décembre 1942), mais doit résister aux prétentions hégémoniques de Frenay, qui veut imposer à l’AS la tutelle des Mouvements unis de résistance (MUR), nouvellement créés en janvier 1943.
À Londres, le mois suivant, il confère avec les plus hautes autorités militaires alliées, sur lesquelles il produit selon Passy, la meilleure impression et surtout auprès de De Gaulle. Dans les mois suivants, il se consacre tout entier à préparer l’AS au futur débarquement alliés, à en faire le noyau de la future armée française une nouvelle armée de l’intérieur de 150 000 hommes.
Charles Delestrain détenu à la prison de fresnes 1943
Avant de se rendre à Paris, où il a rendez-vous avec Didot René Hardy, chef du NAP-Fer (Noyautage des Administrations publiques), il précise dans une instruction adressée au BCRA, que l’AS est une armée de volontaires, dont l’unique mission est de libérer le territoire, qu'elle doit mener une guerre de guérilla qui prendra toute son ampleur lors du débarquement allié. Dans un rapport à Londres daté du 4 juin, Moulin prévient : le général Vidal fait en ce moment un travail considérable. Mais il le fait pratiquement seul et prend des risques excessifs du fait qu’il n’est pas secondé.
À Paris, Vidal est arrêté à la station de métro Muette, le 9 juin 1943, avec ses deux adjoints Jean-Louis Théobald et Joseph Gastaldo. Son arrestation a été précédée de celles de son chef d’état-major, Morin-Forestier, et de trois membres importants du Mur, Raymond Aubrac, Maurice Kriegel-Valrimont et Serge Ravanel. Elle précède de douze jours celle de Moulin, lors de la réunion de Caliure, qui précisément, doit lui donner un successeur. Dabord détenu à Fresnes, pui déporté au Struthof, Delestrain est exécuté à Dachau, le 9 avril 1945. En juillet 1943, le colonel Pierre Dejussieu (Poncarral) est nommé chef d’état-major de l’Armée secrète, qui sera intégrée dans les Corps francs de la Libération (CFL).
LA BATAILLE DE STALINGRAD
La bataille de Stalingrad ne fut pas seulement un affrontement titanesque entre l’Armée rouge et la Wehrmacht mais aussi un champ d’expérimentation de la guerre en zone urbaine, Moins décisive stratégiquement qu’on ne l’a dit, elle aura démontré les limites de l’armée allemande et symbolisé la défaite politique du IIIe Reich.
Vue de Stalingrad pendant un bombardement aérien allemand, novembre 1942
Sept décinies après la reddition de la VIe armée du maréchal Pulus, près de soixante ans après que le dernier prisonniers allemand ait enfin été autorisé à retourner dans ce qui avait été son pays, et après que la ville ait été rebaptisée Volgograd, la seule évocation du nom de Stalingrad fait immédiatement surgir des images tragiques et frappe toujours autant les imaginations y compris de ceux qui sont peu férus d’histoire. Aujourd’hui encore, ce nom reste un symbole de la lutte contre le nazisme.
Alors que la Wehrmacht a été stoppé à Moscou pendant l’hiver1941. Mettant un terme à une avancée spectaculaire depuis le déclenchement de l’opération Barbarossa, le 22 juin 1941, elle est repartie à l’assaut au printemp 1942. Elle fait, cette fois porter l’essentiel de son effort sur le front sud car, en raison des pertes gigantesques de l’année précédente, elle ne peut plus attaquer dans toutes les directions. À nouveau, l’Armée rouge doit reculer dans le chaos en subissant des pertes énormes. Ce plan bleu, les Allemands le lancent pour s’emparer des pétroles du Caucasse et couper l’une des principales routes par lesquelles transite l’aide anglosaxonne aux Soviétiques qui remonte depuis l’Iran. Il s’agit de vaincre l’URSS au plus tôt, et en tout cas liquider ce front avant l’arrivée massive des troupes Américaines en Europe.
Vue des ruines au sud de la ville de Stalingrad et du silo à grains, septembre-octobre 1942
Mais les Allemands commettent l’erreur de diviser leurs forces une fois que leur offensive quitte l’Ukraine pour pénétrer en Russie au sud. Une partie des forces se dirige vers le Caucasse, tandis que l’autre poursuit sa route vers l’est afin de protéger les flancs des forces précédentes et aussi tenter de couper le cours de la Volga. Du coup, la pointe sud finie par être ralentie par la résistance soviétique à la fin de l’été. Stratégiquement, le plan bleu a d’ores et déjà échoué, tout au moins pour ce qui concerne l’année 1942. L’effort se porte alors sur Stalingrad, qui ne constituait pas véritablement un objecti jusque-là. La cité est investie, le 23 août, par la VIe Armée du général Paulus, après avoir été réduite en ruines par de très nombreux raids aériens.
Les Soviétiques ont décidé de ne plus reculer. Stalingrad doit être tenue coûte que coûte, les pétroles de Bacou transide par la Volga et la ville abritent un très important nœud ferroviaire ainsi que des industries lourdes. Pour la défendre, la 62e armée commandée par le général Tchouïkov et des milices ouvrières locales. Ces forces seront constamment maintenues à la limite de l’inxtinction totale par l’arrivée de renforts qui sont réinjectés au fil des jours dans la ville à travers la Volga. Au fur et à mesure de son avance, dans l’agglomération, la Wehrmacht se retrouve prise au piège de la guerre urbaine. Guerre atroce et la plus difficile de toutes les formes de guerre imaginables, ne serait-ce que parce qu’elle rassemble, tout à la fois, les caratéristiques du combat les plus archaïques, et celles du combat le plus important et le plus technique, C’est durant ces mois de l’automne 1942 que pratiquement tous les paradigmes tactiques de la guerre en zone urbaine furent créés et ils sont encore globalement en vigeur de nos jours.
Aire de rassemblement de la population civile restée dans la zone de combat, septembre-octobre 1942
À ce jeu terrible les Soviétiques, vont exceller, ce qui ne les empêchera pas de payer un prix exorbitant en termes de vies humaines. Tous les combattants vont vivre un enfer digne de celui de Dante. Combattants soviétiques et allemands sont litéralement imbriqués. Il y a plus de front et les positions sont parfois à quelques mètres les uns des autres; on se bat autant à distance de tir qu'au corps à corps. Dans une telle configuration, la Wehrmacht perd l’essentiel de ses atouts mobilité, puissance de feu, professionnalisme, modernité. Mais elle avance tout de même, lentement, trop lentement. Elle inflige des pertes inouïs à son adversaire, mais elle en subit aussi, et dans des proportions encore jamais vues. Elle s’épuise et son rytme de progression est de plus en plus lent : s’il se calculait en kilomètres en septembre il se calcule en mètres en novembre, lorsque les positions soviétiques sont réduites à une mince bande courant le long de la Volga.
Les Allemands envoient toujours plus de renforts, mais les Soviétiques aussi. Ces derniers peuvent se le permettre, tandis que les Allemands sont obligés de retirer des troupes de leur axe de progression vers le Caucase, qui s’en trouve affaibli d’autant. Pendant neuf semaines, les combats se poursuivent sans pour autant être décisifs. Pendant ce temps les Soviétiques amassent des renforts considérables dans les steppes au nord et au sud de la ville. Les flancs du dispositif de l’Axe menant à Salingrad sont tenus par des unités italiennes, hongrois, Roumains faibles et très mal équipées. Le renseignement Allemand ne voit rien. Le 19 novembre 1942, l’Armée rouge lance l’opération Uranus un gigantesque double envelloppement partant à la fois du nord au sud et qui bouscule les positions tenus par les Roumains et les autres armées alliése.
Depuis les lignes Allemandes, sur les rives de la Volga, une vue de la ville et des ruines. Barricade rouge dans le lointain, hiver 1942-1943
Quatre jours plus tard, les deux tenailles de la pince font leur jonction à 80 kms à l’ouest de Stalingrad. La VIe armée est encerclée. La Luftwaffe arrive de moin en moins à la ravitailler, Vivres, munitions, médicaments tout vient à manquer. La VIe armée se clauchardise peu à peu. Plus au sud le maréchal von Manstein tente une audacieuse opération blindée en direction de la ville assiégée pour venir au secour de Paulus et de ses hommes, mais échoue. Dès lors le sort de la VIe armée est cellé : ce n’ait plus qu’une question de temps. Les Soviétiques vont alors l’écraser et la tronçonner méthodiquement, le 2 décembre 1943. Paulus se rend avec toutes les troupes encore sous ses ordres, soit 91 000 hommes dont seul 6000 survivront à la guerre. Quant aux forces Allemandes avancées en direction du Caucase, elles n’ont plus qu’a effectuer leur retrait précipité afin d’éviter le même sort.
Bilan politico- militaire
Fin mars 1943, les armées du Reich sont revenues grosso modo aux positions qu’elles occupaient au mois de mai l’année précédente, c’est-à-dire au moment du déclenchement du plan Bleu. L’offensive de 1942 n’a servi à rien et la situation générale des Allemands est incomparablement pire. Une armée a été perdue à Stalingrad. Aucun des objectifs du plan n’a été atteint, à commencer par les pétroles de Bakou. Plusieurs armées alliées de l’Allemagne ont également été anéanties (deux armées roumaines, une armée hongroise et une armée italienne), et l’alliance avec ces pays en sort considérablement affaiblie.
Elle est au bord de l’éclatement; L’Allemagne va se retrouver quasiment seule. Les pertes Allemandes s’élèvent à 280 000 hommes, soit autant que pour l’ensemble du front de l’Est entre le déclenchement de l’opération Barbarossa (22 juin 1941) et le 20 mars 1942, ce qui est irrattrapable! Quant à ses Alliés, leurs pertes sont aussi monstrueuses; près de 130 000 italiens, 117 000 Hongrois, 109 000 Roumains. Au total, l’Axe perd dans cette campagne environ 760 000 hommes, soit l’équivalent de cinquante divisions. Les pertes matérielles sont également considérables.
La ville de Stalingrad en 1942-1943
Première conséquence pour l’ensemble du front : l’armée allemande va devoir encore réduire le nombre de combattants par kilomètre de front; il lui manque 825 000 hommes à l’Est. En Allemagne même, et malgré tous les efforts de la propagande et de l’appareil policier du régime pour masquer l’ampleur de la catastrophe, les bruits circulent, certains amplifiés par la rumeur, mais qui n’en reflètent pas moins la réalité de cette déroute. Ceux qui commence à douter du régime, mais surtout ceux qui doutent de la victoire sont de plus en plus nombreux. Le morale de l’arrière est sérieusement atteint. Beaucoup pensent que le tournant de la guerre vient de se produire, que la seule question qui compte désormais est de savoir quand la défaite arrivera.
Il est vrai que le psyché allemande est depuis très longtemps formatée pour penser la guerre en termes de bataille décisive, et c’est Hitler lui-même qui subit ce ressentiment d’une défaite. Techniquement, c’est relativement injustifié, car il n’est pas le seul à avoir commis de graves erreurs et pris de mauvaises décisions, mais c’est politiquement inévitable dans la mesure où le pouvoir nazi est aussi symboliquement concentré sur sa personne.
Fantassins soviétiques au combat dans les ruines de l’usine de tracteurs, octobre-novembre 1942-1943
Pourtant par-delà cet énorme retentissement, les travaux récents de l’historien Jean Lopez notamment, qui font autorité sur cette question, nous incitent à réévaluer les effets stratégiques et militaires de cette défaite. Globalement, il reste incontestable que les Soviétiques ont de quoi être fiers de leur victoire, Ils ont repoussé les Allemands, les ont empêchés d’atteindre leurs objectifs dans cette campagne et leur ont infligé une défaite sans appel. Ils ont dominé la Wehrmacht dans tous les domaines : planification, choix du lieu et du moment de la percée, bonne anticipation des réactions adverses, vision stratégique, le tout sans bénéficier d’une grande supériorité quantitative. Les pertes humaines sont certes terribles on les évalue aujourd’hui à 1 130 000 hommes et les pertes matérielles gigantesques.
Mais le réservoir humain est loin d’être épuisé et, surtout l’industrie est à même de les remplacer, et même bien plus! Cet exploit productif a été rendu possible, dans des conditions dantesques, par la relocalisation de centaines d’usines de l’ouest du pays vers L’Oural, hors d’atteinte de l’aviation allemande. À la fin de 1942, elles tournent à plein régime. Quant à l’aide des Alliés elle continue elle aussi à arriver en URSS. Le morale remonte lui aussi en flèche l’Allemagne n’est plus invincible. Par ailleurs, commençant enfin à avoir confiance dans son armée, Staline revalorise le statut des officiers notamment en mettant fin au système du double commandement : les commissaires politiques perdent une grande partie de leur pouvoir. Mesure symbolique supplémentaire : les épaulettes, symbole honni de l’armée aristocratique de la période tsariste, sont rétablies.
Carte des opérations de novembre 1942 à mars 1943
Pourtant, force de constater que l’Armée rouge n’est pas encore au niveau de son adversaire, elle ne maîtrise pas encore pleinement toutes les subtilités ni toutes les implications de l’art des opérations. La situation stratégique de l’URSS ainsi que les erreurs allemandes ont incontestablement pesé sur l’issue de la campagne. Parallèlement à l’opération Uranus, de grandes opérations ont été lancées dans d’autres secteurs du front et se sont, elles tragiquement terminées pour les Soviétiques, notamment au sud de Moscou. De cela, ni la propagande ni l’historiographie soviétique ne diront jamais rien, ou presque. Aujourd’hui encore, les Russes peinent encore à admettre cette réalité. Grisés par la reddition de la VIe armée ils ont voulu poursuivre sur leur lancée alors qu’ils n’en avaient ni les moyens intellectuels. Manstein va à nouveau lancer des contres-attaques meurtrières dès la fin février 1943, regagnant provisoirement l’initiative.
La victoire de Stalingrad n’a pas donné tous les dividendes escomptés. Les dirigeants militaires soviétiques doivent se rendre à l’évidence : la Wehrmacht n’est pas morte à Stalingrad. La Panzerwaffe lui reste supérieure, de même que la Luftwaffe. À l’évidence, la guerre sera encore longue. Cependant les Allemands ne perçoivent pas que l’Armée rouge évolue, apprend, s’améliore considérablement, surtout leur renseignement a été incapable non seulement de comprendre le sursaut industriel soviétique, mais aussi de percevoir les immenses préparatifs de l’Armée rouge en vue de l’opération Uranus. Et puis quant bien même auraient-ils gagné à Stalingrad que cela n’aurait rien changé sur le fond : les Alliés auraient gagné un peu plus tard, et un peu plus difficilement.
Évacuation des blessés sur un terrain d’aviation allemand, 24 septembre 1942
Stalingrad n’est pas à proprement parler le tournant de la guerre, il s’agit bien d’un événement majeur dans les opérations militaires sur le front de l’Est. Parler de tournant serait un abus, aussi importante qu’ait pu être cette campagne. En revanche, c’est l’ansemble de l’année 1942 qui constitue le tournant de la Seconde Guerre mondiale. Et Stalingrad en constitue le point d’orgue, à tous égards. Victoire spectaculaire, importante mais non décisive, elle est l’occasion d’une prise de conscience, en retard sur la réalité, parmi les peuples de l’Axe est en train de perdre la guerre, au moins depuis la seconde moitié de l’année 1941! Après la défaite sur la Volga, la Wehrmacht a définitivement perdu les moyens de mener des actions décésives, comme les années précédentes. Elle a laissé échapper pour toujour l’initiative stratégique. De son côté L’URSS a gagné de l’assurance qu’elle survivera, que son destin ne sera pas celui de la Russie de Nicolas II. Mais elle a encore beaucoup de chemin avant Berlin et beaucoup de larmes à verser.
Retraite des troupes italo-allemandes pendant l’offensive soviétique et la bataille de Nicolaïev, janvier 1943
Colonne de prisonniers allemands à la fin de la bataille de Stalingrad, hiver 1943
L’ASSASSINAT D’HEYDRICH
Le 27 mai 1942, le dirigeant nazi Reinhard Heydrich est mortellement blessé lors d’un attentat commis à Prague par des parachutistes tchèques. Acteur majeure de l’organisation de l’extermination des Juifs en Europe, sa disparition n’interrompt pas pour autant le processus génocidaire.
Prototype du chef nazi Reinhard Heydrich
Homme de confiance d’Adolf Hitler Reinhard Heydrich est protecteur du Reich en Bohême-Moravie, chef des services de sécurité nazis organisateur en chef de la solution finale. Il est ainsi l’un des hommes les plus puissants dans la hiérarchie nazie. Son assassinat est donc considéré par le gouvernement tchèque, en exil à Londres et par le gouvernement britannique, comme un acte d’une grande importance stratégique. Des hommes sont spécialement entraînés en Grande-Bretagne pour cette mission baptisée Opération Anthropoid. Ils sont parachutés sur le territoire du protecorat dans la nuit du 28 au 28 décembre 1941.
Après avoir atteri, Josef Gabcik et Jan Kubis réussissent au fil du temps à nouer des contacts avec des membres de la résistance tchèque qui les cachent et les aident à mener à bien leur projet. Le 27 mai 1942, dans un virage d’une rue de Prague, ils attendent la voiture décapotable d’Heydrich qui circule sans protection particulière. Tandis qu’elle ralenti Josef Babcik se jette devant la voiture et tente d’ouvrir le feu mais sa Sten s’enraye, Jan Kubis lance alors une grenade qui explose à l’arrière de la voiture et blesse mortellement Heydrich. Les deux hommes prennent la fuite. Cet évènement suscite la colère d’Hitler, et a un retentissement dans toute l’Europe.
La voiture d’Heyrich après l’attentat
Réfugiés dans la crypte de l’église orthodoxe Saint- Cyrille-et-Méthode, Gabcik, Kubis et d’autres membres du groupe sont encerclés par les troupes nazies. Le 18 juin 1942, après avoir été dénoncés par leur camarade Karel Curda. Piégés, ils résistent héroïquement à l’assaut de plus de 800 soldats allemands puis se suicident pour éviter d’être capturés.
Heydrich, idéologue de la solution finale
À 38 ans, Heydrich est au faît d’une carrière qui a commencé dans la marine. Après avoir adhéré au Parti national socialiste, il rejoint en 1931 la Schutztaffel (SS), le corps d’élite de ce parti, et connaît une ascension fulgurante sous l’impulsion d’Heinrich Himmler qui l’engage pour élaborer et mettre en place un service de renseignement du parti, le Sicherheitsdienst (SD). Cet organe recueille des informations sur les adversaires présumés du pouvoir hitlérien, en tout premier lieu les Juifs. Le leitmotiv antisémite est chez Heydrich d’autant plus obsédant qu'il est accusé par certains d’avoir lui-même des origines juives.
A partir de 1935, Reinhard Heydrich contrôle presque toutes les sections de la police politique du Reich : la Gestapo, le contre-espionnage, les polices de lutte contre la criminalité et des frontières. Doté d’un sens obsenssionnel de l’organisation, il occupe un rôle central dans la mise en œuvre de la radicalisation de la politique discriminatoire du Reich à l’égard des Juifs.
Josef Gabcik et Jan Kubis les deux parachutistes qui ont conçu l’attentat de Prague
En 1939 lorsque l’Allemagne envahit la Pologne, Heydrich constitue les Einsatzgruppen, troupes chargées de pacifier les régions conquises par la Wehrmacht. Ces corps armés ont pour mission de germaniser les nouveaux territoires allemands en expulsant, déportant ou en éliminant les indésirables, dont les Juifs font partie. Comme l’a montré l’historien Edward Husson dans son livre Heydrich et la solution finale paru en 2008, il est un des agents majeurs de l’organisation du crime de masse antisémite. Le 20 janvier 1942, il préside la conférence de Wannsee qui scelle l’issue génocidaire de la question juive. Pour ligitimer le choix de l’extermination, Heydrich dénonce cyniquement la multiplication des Juifs sur le territoire allemand engendrée par la conquête de la Pologne et l’attaque de l’URSS après juin 1941.
La mort de Reinhard Heydrich a un impact minime sur la poursuite de la guerre et du génocide. En effet, l’immense bureaucratie criminelle mise en place par les serviteurs du IIIe Reich est suffisamment rodée pour fonctionner de manière autonome. Néanmoins, son assassinat entraîne une répression sanglante dans les milieux de la résistance tchèque. Quelque 13 000 arrestations sont effectuées parmi ceux qui sont soupçonnés d’avoir accueillit les assassins. Suspecté de cacher le commando recherché, le village de Lidice est martyrisé. Les nazis exécutent sommairement 263 adultes dont 71 femmes, en déportent 198, et placent en orphelinat 98 enfants dont 16 seulement survivront, après avoir incendier et de raser la bourgade. Celle-ci est alors rayée de toutes les cartes géographiques allemandes.